Décidément, les premiers textes d’application de la loi « climat et résilience » du 22 août 2021 ne laissent pas indifférents. On peut même dire qu’on assiste à une véritable levée de boucliers !
Le 14 mars, dans un communiqué, la commission des affaires économiques du Sénat avait adressé de lourdes critiques à deux projets de décrets relatifs à la lutte contre l’artificialisation des sols. Il faut dire que même le Conseil national d’évaluation des normes avait donné un avis négatif sur ces textes, qui ont tout de même été publiés le 30 avril.
Les critiques continuent de fuser, mais, cette fois, de la part des associations d’élus locaux. Le 19 mai, l’Association nationale des élus du littoral (Anel) et l’Association des maires de France (AMF) ont annoncé dans un communiqué commun qu’elles saisissaient le Conseil d’Etat contre un autre texte d’application de cette loi, tout aussi important : l’ordonnance relative à l’aménagement durable des territoires littoraux exposés au recul du trait de côte, parue le 7 avril.
Concertation manquée
L’ordonnance en question présente les nouveaux outils dont vont devoir s’emparer les 126 communes de métropole et d’outre-mer listées dans un décret du 29 avril 2022. Celles-ci ont été consultées « à la hâte et sans véritable information sur le diagnostic de leur exposition à l’érosion littorale, ni sur les servitudes d’inconstructibilité auxquelles elles seront soumises, ni sur le financement futur des mesures », regrettent l’Anel et l’AMF.
Le recul du trait de côte est un enjeu pressant qui demande des moyens et ressources supplémentaires. Mais, pour les élus, « les nouveaux outils que propose l’ordonnance ne répondent pas à cette attente, ni du point de vue de la sécurité juridique, ni sur celui de la garantie des ressources ».
Transfert de charges masqué
Les deux associations formulent en particulier trois reproches. Elles regrettent d’abord le choix d’être passé par la forme de l’ordonnance, qui n’a pas permis de débats parlementaires. Ensuite, ce texte créerait une rupture d’égalité entre les citoyens au regard de leur droit de propriété.
Enfin, elles dénoncent un texte qui opère un transfert de charges masqué de l’Etat vers les communes, sans les ressources financières dédiées. Pourtant, l’impact financier de l’érosion du littoral est estimé à plusieurs dizaines de milliards d’euros… Est-il juste que les collectivités se retrouvent seules face à l’addition ?
Références
Ordonnance n° 2022-489 du 6 avril 2022 relative à l'aménagement durable des territoires littoraux exposés au recul du trait de côte.
Décret n° 2022-750 du 29 avril 2022 établissant la liste des communes dont l'action en matière d'urbanisme et la politique d'aménagement doivent être adaptées aux phénomènes hydrosédimentaires entraînant l'érosion du littoral.
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