Le millésime 2021 du rapport bisannuel du CNDH Romeurope, qui vient d’être rendu public lors d’une conférence de presse, le 19 mai, dresse un bilan du quinquennat en matière de résorption des bidonvilles et des squats. Après des débuts prometteurs, avec notamment l’instruction du 25 janvier 2018, puis le doublement des crédits en 2020 (passés de 4 à 8 millions d’euros), la situation s’est détériorée.
Hausse du nombre de personnes concernées
A la fin de 2021, 22 189 de personnes vivaient dans un squat ou en bidonville en France métropolitaine. Or, elles étaient environ 15 000 fin 2017 selon la Délégation interministérielle à l’hébergement et à l’accès au logement. Celle-ci indique cependant que son instrument de mesure a énormément évolué, s’est affiné, d’où une hausse qui reste à nuancer.
Cette hausse va de paire avec une autre tendance. Alors que jusqu’à récemment, les lieux de vie informels étaient peuplés essentiellement de Roms originaires des pays de l’Union européenne, ils ne sont plus que 55% des publics. A eux se sont joints des demandeurs d’asile sans solution d’hébergement, des mineurs non accompagnés de l’Afrique du Nord ou subsaharienne, des ressortissant de l’Albanie ou de la Moldavie… « De ce fait, l’accompagnement des personnes vers l’accès aux droits est devenu plus compliqué », témoigne Anthony Ikni, délégué général du CNDH Romeurope.
Une instruction peu suivie d’effet
Il salue l’instruction 25 janvier 2018 qui prône une approche globale de la résorption des bidonville – la réalisation d’un diagnostic social préalable, une coopération entre différents acteurs, collectivités, associations, services déconcentrés de l’Etat – pour trouver des solutions pérennes pour le logement et l’insertion des personnes.
« Cependant, l’instruction n’a aucun pouvoir contraignant », poursuit Anthony Ikni. Ainsi, les associations ont pu constater qu’avec les changements des préfets à l’été 2021, notamment à Montpellier et à Lille, l’instruction n’était pas respectée. Les expulsions se sont multipliées : 1330 entre le 1er novembre 2020 et le 13 octobre 2021, dont 91% sans solutions de relogement pour les personnes.
« Vite ! Une loi »
Face à ces constats, le Collectif estime que seule une loi peut permettre d’apporter des réponses. On retrouve cette revendication dans le sous-titre son rapport, « Résorber dignement les bidonvilles. Vite ! Une loi », qui livre des clés pour cet éventuel futur texte.
D’abord, il faut, selon le CNDH Romeurope rendre contraignant le caractère partenarial de la politique de résorption de bidonvilles. Une liste des structures susceptibles d’intégrer des « comités locaux de résorption » pourrait être fixé par le texte législatif : l’Etat, les associations, les habitants concernés, les communes et les intercommunalités, et pourquoi pas les départements, chefs de fil de l’action sociale, voire les régions, dont relève la formation professionnelle.
Rendre obligatoire le diagnostic social
Le rapport en appelle à réaliser des stratégies départementales de résorption. En 2020, sur les 23 départements ayant reçu des crédits de la DIHAL, seuls cinq avaient élaboré une telle feuille de route. Ces stratégies ,coconstruites par les acteurs, doivent s’appuyer sur le diagnostic social global qui, à son tour, doit être rendu obligatoire.
Enfin, le texte voulu par les associations du Collectif doit imposer l’amélioration des conditions de vie sur un site, d’autant plus que la résorption peut être un processus long.
Repenser la gouvernance au niveau national
Selon le CNDH Romeurope, la politique de résorption de lieux de vie informels doit faire partie intégrante des politiques du logement et de lutte contre l’habitat indigne. Or, constate-t-il, le ministère du Logement ne dispose pas de pouvoir coercitif vis-à-vis des services déconcentrés de l’Etat, placés sous l’autorité hiérarchique du ministère de l’Intérieur.
L’approche répressive de ce dernier met à mal la politique de résorption qui nécessite du temps et de l’accompagnement social. C’est pourquoi le CNDH Romeurope propose de créer un comité interministériel qui serait en charge de cette politique publique.
Augmenter les crédits
Depuis 2020, la DIHAL dispose de 8 millions d’euros pour lutter contre les bidonvilles et les squats. Même si ses crédits n’ont souvent qu’un effet levier, permettant de mobiliser d’autres financements (Fonds social européen, villes, métropoles, départements, Agences régionales de santé…), ils sont déterminants pour engager des projets de résorptions.
Et ils sont insuffisants au regard des besoins, notamment de la nécessité d’un fort investissement en travail social. D’où la revendication du CNDH Romeurope : augmenter le budget de la politique de résorption durant le prochain quinquennat.
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