Au coin de la rue du faubourg Montmartre, Anne Rinnert retrouve ce qui fait le charme de Paris et, qui, parfois, lui manque : l’ambiance électrisante des cafés. Il faut dire qu’en cet après-midi de mars, la brasserie « Le Brébant » est animée : le percolateur s’active au rythme de Jeanne Mas, chanteuse qui, en 1986, caracolait en tête du Top 50 avec son tube « En rouge et noir ».
Cette période, la désormais habitante de Nancy n’est pas près de l’oublier. Ses « meilleures années », celles où elle étudiait le droit public, option « finances », à Sciences-po Paris. « Je trouvais le droit civil ennuyeux à mourir et depuis toute petite je voulais être présidente de la République », confesse cette quinquagénaire au franc-parler, « un avantage de l’âge », précise-t-elle dans un large sourire.
Admissible à l’Ecole nationale d’administration, Anne Rinnert retourne en Lorraine près de ses parents et ne quittera plus l’Institut national spécialisé d’études territoriales de Nancy, qui l’a vue grandir professionnellement.
Vincent Potier, ancien directeur général du Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT), se rappelle des débuts de la jeune conseillère en formation : « J’ai rencontré Anne Rinnert en 2000 quand j’étais directeur général du conseil départemental de Meurthe-et-Moselle à Nancy. Elle travaillait à ce que l’on appelait alors “l’Enact” de Nancy. Quand je l’ai retrouvée dix ans plus tard, lors de ma prise de fonction à la direction générale du CNFPT, elle avait fait son chemin. » Rien d’étonnant pour celle que son ex-patron qualifie d’ « efficace, vive, intelligente et ouverte d’esprit ».
Expertise juridique
Désormais responsable nationale « éthique publique » et chargée du service « démocratie, citoyenneté et éthique publique », Anne Rinnert n’a cessé, en vingt ans de fonctions au CNFPT, de prendre du galon et de mettre son expertise juridique au service de l’établissement. Son collègue Serge Catanese-Valentin explique que l’atout principal de « celle qui fait partie des murs de la maison » réside dans sa capacité à écouter l’autre.
« Anne est très respectée par les personnes qui la côtoient, notamment car elle va vers les autres. Elle est rayonnante, ce qui lui donne une aura que tout le monde n’a pas. Lorsque l’on est expert comme elle, le danger est de s’enfermer dans une tour d’ivoire et elle ne l’a jamais fait. Son humilité est très rare : elle ne tire pas la couverture à elle, ce qui est rafraîchissant à notre époque », louange celui qui prendra bientôt sa retraite de directeur adjoint chargé de la formation au sein de la délégation des Hauts-de-France.
Serge Catanese-Valentin aime également parler avec sa collègue de leur Alsace natale. Des origines qui ont peut-être influencé l’appétence d’Anne Rinnert pour la laïcité. « J’ai toujours aimé les questions de libertés publiques, j’adore jouer intellectuellement avec la jurisprudence, même si, parfois, je ne suis pas d’accord sur le fond », raconte celle que certains nomment « madame laïcité du CNFPT ».
Grâce à l’expertise qu’elle a développée en la matière, Anne Rinnert intervient dans des colloques, anime le réseau des référents laïcité ou met en place, dès 2015, avec le Commissariat général à l’égalité des territoires, le plan Valeurs de la République et laïcité.
Réseau des référents déontologues
Pour autant, la laïcité ne sera pas son seul violon d’Ingres : depuis deux ans, elle anime également le réseau des référents déontologues afin d’insuffler une culture de l’éthique publique au sein des collectivités. Carole Barth-Haillant, cheffe du service « démocratie, citoyenneté et éthique publique », travaille avec Anne Rinnert sur ces questions : « Elle veut toujours développer des projets au profit du CNFPT, nouer des partenariats tout en étant à l’écoute des besoins des collectivités. »
De ces différents partenariats naissent aussi des amitiés, à l’image de la « bande des quatre » comme elle aime à les nommer, composée des avocats Yvon Goutal et Samuel Dyens, et des juristes Pierre Villeneuve et Philippe Jacquemoire. « Cela fait près de vingt ans maintenant qu’on se connaît, on a grandi ensemble », sourit la seule fille à bord.
Cette amitié débouchera sur la création, en 2012, de l’Association nationale des juristes territoriaux. « Anne a permis à notre petite association d’avoir un appui institutionnel », reconnaît Philippe Jacquemoire, directeur général des services de Saint-Paul-lès-Dax (Landes).
MOOC, webinaires et forums
Parallèlement à ses missions au CNFPT, Anne Rinnert enseigne à Sciences-po Paris depuis près de dix ans. « Mes deux activités sont très complémentaires : l’exigence d’une veille juridique ou l’expérimentation de nouvelles modalités pédagogiques telles que les classes inversées, le distanciel », détaille celle qui fut d’ailleurs la première à mettre en place, dès 2019, une offre hybride de formation à destination des agents territoriaux.
C’est elle aussi qui est à l’origine des différents MOOC, webinaires et autres forums disponibles sur le site du CNFPT. Autant de formats dématérialisés qui ont permis de ne pas interrompre l’offre des formations juridiques durant les confinements.
Mais Anne Rinnert préfère aller sur le terrain, confessant avoir « détesté cette période où les interactions par écrans interposés n’avaient rien d’humain ». « L’enseignement est pour moi une transmission, une interaction, j’aime faire grandir les personnes. A l’origine, je voulais être enseignante, la vie en a décidé autrement. Mais, finalement, la formation s’inscrit bien dans cette quête. »
Domaines juridiques