On n’aura jamais autant parlé de conseil que ces temps-ci. Par conseil, on entend souvent conseil en stratégie, en management, en réorganisation, en oubliant que le conseil est avant tout une affaire d’accompagnement dans des réalisations concrètes. On oublie aussi que le conseil – nous préférons, de notre côté, parler d’ingénierie amont – peut être un levier majeur pour accélérer le développement territorial.
Celui-ci s’exprime aujourd’hui à travers une grande diversité d’interventions qui ont toutes en commun l’aménagement du territoire. On parle ici du déploiement de stratégies locales de développement économique, de la création et de la rénovation de centres-villes, d’immobilier d’entreprise, de bâtiments publics, ou de la construction d’infrastructures, d’équipements collectifs, d’offres culturelles et touristiques, etc. Au sein du plan de relance, plus de 10 milliards d’euros sont consacrés au développement des territoires. L’argent est là. Les territoires, et notamment les collectivités et les élus qui les incarnent, ne manquent ni d’idées, ni d’initiative.
Mais les projets territoriaux sont marqués par une complexité immense, réglementaire, technique et technologique. La smart city, l’utilisation de la data, l’intégration des enjeux de transition environnementale et de biodiversité (avec le zéro artificialisation nette, qui va devenir un fait structurant) font de chaque investissement un véritable défi. Les territoires manquent de compétences de chefs de projet, d’experts pointus sur des enjeux émergents pourtant nécessaires à la réalisation des grandes transitions.
C’est là qu’intervient le conseil, et plus précisément l’ingénierie territoriale, que l’on peut définir comme l’ensemble des moyens humains, des méthodes et des missions concourant à l’élaboration et à la conduite d’un projet territorial. L’ingénierie territoriale fonctionne. Ses effets sur la croissance générée par les investissements sont, à terme, de l’ordre de cinquante pour cent de retombées économiques supplémentaires. Cinquante pour cent ! Et l’effet levier est massif : 1 euro de dépense publique consacré à de l’ingénierie territoriale permet de sécuriser et d’améliorer la qualité de 117 euros d’investissement public.
Sur dix ans, l’impact en PIB du plan de relance pour les territoires serait rehaussé de 20 milliards d’euros via une montée en puissance des dispositifs d’appui aujourd’hui mis en place par l’Agence nationale de la cohésion des territoires ou la Banque des territoires. Pour réussir cela, il faut l’équivalent de 80 à 100 experts à temps plein pendant cinq ans : c’est faisable ! La meilleure manière de faire est de financer des équipes mutualisées entre territoires hétérogènes en matière de compétences et de mobiliser des ressources humaines publiques, notamment au sein de la fonction publique d’Etat. Nul besoin de recourir aux cabinets de conseil privés : la compétence existe dans le public.
Ce qu’il faut donc, c’est mobiliser des « régiments de l’ingénierie territoriale » agiles, qui se déploient sur plusieurs territoires à la fois. Des dispositifs de formation et de montée en compétences des agents territoriaux doivent également être mis en place. Car l’objectif, à terme, est bien celui-ci : que le plus de monde possible puisse devenir acteur à part entière de l’ingénierie territoriale.