« Les organisations syndicales évoquaient des problèmes de souffrance au travail, nous parlaient de harcèlement », se souvient Jacqueline Bolis, directrice des ressources humaines (DRH) à Clermond-Ferrand (Puy-de-Dôme). Pour préciser les notions auxquelles il était fait référence, la direction a provoqué une réunion extraordinaire du comité technique paritaire et du comité hygiène et sécurité (CTP/CHS), durant laquelle des médecins et psychologues ont expliqué ce que recouvrent réellement le stress, la souffrance, le mal-être au travail et le harcèlement.
Moyens : un groupe de travail
La réunion extraordinaire du CTP/CHS a conduit à la constitution d’un groupe de travail de 16 personnes – composé de 8 représentants du personnel, de techniciens de prévention, d’agents de la DRH, de représentants de l’administration générale et de la médecine du travail – chargé de réfléchir à la manière de prévenir les risques psychosociaux.
« Nous éprouvions des difficultés à appréhender notre champ d’étude. Nous avons donc demandé à l’Aract Auvergne (*) de nous accompagner », indique Jacqueline Bolis. L’animatrice de l’association a commencé par des journées de « formation-action » destinées aux membres du groupe de travail, de janvier à mars 2008. « Elle nous a expliqué les différents risques professionnels qui peuvent mettre en cause la santé mentale des agents, et nous a appris à repérer la montée du stress et du mal-être », précise la DRH. Des indicateurs ont été déterminés pour caractériser les situations (absentéisme à répétition, demandes de changement de services accumulées, altercations, etc.). Le groupe de travail a, ensuite, été formé pour mener des investigations dans les services.
Méthode : procédure testée « in vivo »
Un premier binôme issu du groupe de travail est intervenu durant deux mois dans un service test – où des tensions existaient – pour interroger les agents et le personnel d’encadrement sur l’organisation et les conditions de travail. Celui-ci a réalisé une première analyse auprès des agents et de la hiérarchie, avant de continuer sa mission pour une restitution finale accompagnée de préconisations validées par les agents, la hiérarchie et le maire. Celles-ci portaient sur la nécessité d’établir des procédures claires et connues de tous. Cette formalisation a été entreprise par la hiérarchie en collaboration avec les agents afin de prendre en compte leurs contraintes de travail.
Résultat : davantage de prévention
Après six mois de test, la procédure d’enquête a été présentée en CTP/CHS aux agents, aux cadres et aux directeurs en vue de sa généralisation. Elle répond à trois niveaux d’alerte : le premier niveau correspond à l’urgence ; le deuxième à la veille ; le troisième à la prévention. « Ce dispositif a été mis en place onze fois depuis avril 2009, essentiellement en urgence », indique la DRH. Le groupe de travail rend compte au CTP et au CHS de ses investigations et de l’état d’avancement de ses préconisations dans les services concernés.
« L’objectif est que les risques psychosociaux soient pris en compte dans le document unique d’évaluation des risques professionnels, donc dans le plan de prévention des risques », assure Jacqueline Bolis.
témoignage
Jacqueline Bolis, directrice des ressources humaines
Le groupe de travail risques psychosociaux est compétent dans les domaines des conditions de travail et de l’organisation, mais pas dans celui du management pur. Si une altercation intervient entre un agent et son responsable ou entre deux agents, nous nous mettons en veille. Si un deuxième incident se produit, un binôme du groupe de travail peut alors enquêter dans le service. Celui-ci peut être saisi par n’importe quelle personne de la collectivité. Il appartient au coordonnateur risques psychosociaux de la DRH d’enclencher le dispositif en demandant à un binôme de se constituer afin d’intervenir. Après enquête, le diagnostic établi permet, par exemple, de proposer l’adoption de nouvelles procédures ou la réorganisation du service.
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