Une recrue disponible au pied levé, expérimentée et connaissant la territoriale : ce profil correspond à celui de… retraités, anciens fonctionnaires reprenant des missions temporaires. Ce phénomène n’est quantifié ni par la CNRACL ni par celle d’assurance vieillesse (Cnav), mais l’Ircantec assure qu’en 2020, sur les 1,1 million de contractuels territoriaux cotisants, environ 10 000 touchaient une pension de la CNRACL.
La vocation comme critère
Ces profils semblent de plus en plus recherchés. Les CDG ont parfois recours à eux pour des jurys et corrections de concours. À la ville de Clermont-Ferrand (2 000 agents, 147 900 hab.), en 2020, lorsqu’il a fallu monter très vite un centre de vaccination, Béatrice Labourier, DGA RH, a lancé un appel aux infirmières parties depuis peu.
« Pour gagner du temps, on a ciblé celles dont on connaissait la vocation », explique-t-elle. Comme Christiane Cailleaux, ancienne cadre de santé du service de soins infirmiers à domicile du centre communal d’action sociale, qui a coordonné le centre. Mais, à sa demande, deux jours par semaine seulement : « Se lever à nouveau pour travailler à 8 heures, ce n’est pas évident, témoigne-t-elle. Mais j’y ai trouvé une super ambiance, au service du patient ».
Un tuilage auprès des jeunes
Le recours aux retraités permet aussi des remplacements d’urgence dans les métiers en tension : secrétaire de mairie, responsable comptable… ou médecin, comme au service de protection maternelle et infantile du département de la Nièvre (1 575 agents). D’anciens « experts » assurent également « des vacations de haut niveau », témoigne Fabienne Chol, DGA RH à la région Ile-de-France, qui expérimente aussi l’emploi d’enseignants retraités pour un soutien scolaire aux lycéens.
D’autres, issus de « métiers à grosse technicité, où l’expérience joue beaucoup », pourraient assurer un « tuilage » auprès de jeunes, projette Antonin Le Moal, DRH de la ville et la métropole de Rennes (43 communes, 6 000 agents, 451 800 hab).
« Les besoins sont multidimensionnels », note Valérie Bouvier, directrice générale des services du CDG de la Haute-Savoie [71 agents, 426 collectivités affiliées, 15 000 agents suivis], qui développe donc les réponses, tel le recrutement d’anciens DGS comme managers de transition. « Nous craignions la réaction des maires, rapporte-t-elle, mais ils sont décontractés par le caractère temporaire et neutre de la mission, et par le regard distancié et la sagesse de ces retraités. Nous sommes débordés de demandes. »
Seule contrainte : la capacité ou l’envie de travailler de tous ces retraités ne dure qu’un temps. Leurs connaissances des dispositifs et outils peuvent aussi devenir obsolètes. Aussi, pour renouveler le vivier, Valérie Bouvier a demandé à ses services d’évoquer cette possibilité en amont de toute fin de carrière.
En reprenant une activité, on devient contractuel
Un fonctionnaire retraité qui reprend une activité dans la fonction publique est alors contractuel. Il cotise (mais sans en retirer pour autant des droits à la retraite supplémentaires) au régime général privé – la Cnav – et à l’Institution de retraite complémentaire des agents non titulaires de l’État et des collectivités publiques. Le revenu brut qu’il tire de l’activité ne doit pas dépasser le tiers de sa retraite annuelle, majoré de 7 123,54 euros (seuil revu chaque année). À défaut, le dépassement est déduit de sa pension. Sauf dans certains cas, telle la participation à des activités juridictionnelles ou assimilées, comme la médiation préalable obligatoire.
Ex-manager territorial, le profil idéal
Jean-Pierre Berthou, ancien DGS
[CDG du Finistère 505 collectivités affiliées, 13 800 agents]
Le CDG du Finistère a recours à des fonctionnaires retraités pour les enquêtes administratives : « Il faut des personnes ayant les compétences, la disponibilité et la neutralité », explique Nicolas Lonvin, DGS. Pour les enquêtes sensibles, il envisage d’échanger ses médiateurs avec le CDG du Morbihan. Et pour la médiation préalable obligatoire, il entretient jalousement un vivier d’anciens cadres territoriaux. « Dans ce cadre, nous avons recruté des retraités, car il fallait des personnes sans connexion professionnelle avec les parties et sans obligation de réserve, explique-t-il.
De plus, afin de se positionner de manière équilibrée, il faut avoir dû chercher le consensus toute sa carrière. Seule une pratique managériale apporte cela. » L’un de ces médiateurs, Jean-Pierre Berthou, ancien DGS d’intercommunalité, confirme : « Quand on a été directeur, on connaît les attentes des élus et celles des personnels. C’est un regard différent. » Mais s’il a accepté cette mission le sortant de l’inactivité soudaine liée à la retraite, il se sent peu à peu « moins imprégné par le contexte territorial ».
Contact : Nicolas Lonvin, DGS, 02.98.64.11.30.
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