Depuis la promulgation de la loi « Agec », il est obligatoire de donner l’accès à des structures de l’économie sociale et solidaire (ESS) aux déchetteries des collectivités : tout opérateur qui en fait la demande a le droit d’utiliser ces équipements comme lieux de récupération d’objets en bon état ou réparables. Les zones de réemploi vont donc se généraliser.
La pratique existe déjà, lorsque l’espace s’y prête. « Dans les nouveaux projets portés par des collectivités, on note la volonté de s’éloigner du concept de “déchets” et de donner une autre image aux déchetteries, en proposant un lieu où l’on vient aussi chercher des objets », note Christelle Rivière, au sein de l’association Amorce. A l’instar du Smicval market (lire ci-dessous), qui constitue un modèle. Très loin d’une déchetterie classique, son principe est celui d’une galerie marchande inversée, dont la devise est « donnez, prenez, recyclez ». Il place ainsi le réemploi au cœur de son organisation, en intégrant les codes de consommation de la grande distribution. Il fait des émules : le syndicat mixte de traitement et de collecte des déchets de Charente, entre autres, a dupliqué ce modèle.
Une matériauthèque
Nombre de collectivités veulent doper le réemploi. A la déchetterie de Bissy, le Grand Chambéry va augmenter le niveau actuel en y consacrant 300 mètres carrés, avec notamment une « matériauthèque ». La configuration est favorable car le site de 9 000 mètres carrés compte 25 quais, accueille de gros tonnages, a de l’espace disponible et des agents compétents. « Dans nos autres centres, donner plus de place au réemploi est aussi au programme. Mais c’est compliqué, car pour prendre ce tournant sur le plus petit des sites et déployer le volet de réemploi envisagé, une fermeture et un déménagement sont à étudier, sous réserve de trouver, ailleurs, l’espace adéquat », détaille Vincent Guénin.¶
Une question de place
Implanter une zone de réemploi dans les déchetteries existantes sera une gageure. Il va falloir « sélectionner » les produits réemployables parmi ceux entrant sur le site et trouver la place pour les entreposer. S’agissant des produits sous «REP », cela complexifie leur gestion et double les contraintes.
Sur nombre de sites existants, cette obligation nouvelle va se heurter à des freins insurmontables. Des questions sont à étudier : où y a-t-il de la place, un positionnement à tel endroit est-il gérable par rapport au reste de l’organisation, que faire pour mettre les objets à l’abri (local fermé, conteneur), comment gérer l’accès des usagers (rôle du gardien), quels sont les acteurs de l’économie sociale et solidaire intéressés, comment organiser le partenariat avec eux… Une convention devra être passée entre ces acteurs et la collectivité, et, en parallèle, d’autres conventions devront les lier aux éco-organismes, car le réemploi fait désormais partie des objectifs qui leur sont assignés par leur agrément.
« Le vrai enjeu réside dans un changement de comportement »
« Très performant en valorisation “matière“ et engagé dans une démarche “zéro waste”, le Smicval (Syndicat intercommunal de collecte et de valorisation des déchets du Libournais) milite pour que les personnes adoptent un autre regard sur les déchets. Les élus ont conscience que le vrai enjeu n’est pas technique, mais réside dans le changement des comportements. D’où ce grand saut en avant avec l’ouverture du Smicval market, en 2017. C’est un équipement performant, porteur de sens et de lien social. Ce qui n’a plus d’utilité pour les uns en a pour les autres. Les gens ne viennent plus seulement se débarrasser de ce qui les encombre, ils repartent avec les coffres pleins. On y fait ses courses gratuitement ! Résultat : - 30 % des déchets qui restent sur place, - 60 % qui partent en enfouissement. Trois autres Smicval market devraient ouvrir en 2023 et 2024. »¶
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