Quelle place le Fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales (FPIC), qui fête ses dix ans, doit-il occuper dans le dossier de la fiscalité locale ?
Dans le cadre du rapport que le Sénat a publié en octobre 2021, les associations d’élus que nous avons auditionnées ont à la fois exprimé des inquiétudes sur le fonctionnement du FPIC et considéré que ce n’est pas un sujet prioritaire, contrairement aux répercussions de la crise sanitaire ou à l’évolution de la Dotation globale de fonctionnement (DGF), par exemple. Nous avons pour notre part émis des propositions pour améliorer l’existant… mais ce dispositif va-t-il durer encore longtemps ? Mon co-rapporteur (sénateur LR de la Haute-Marne, ndlr) Charles Guené et moi-même, nous sommes plutôt favorables à une remise à plat de la fiscalité locale.
L’une de vos dix recommandations consiste en l’instauration d’un indicateur reflétant les « charges de spatialité » dans le calcul de l’attribution ou de la contribution au FPIC…
On demande surtout que soit testée la pertinence d’introduire cet indicateur dans les règles de calcul. Il pourrait être opportun pour des territoires ruraux dont les coûts d’infrastructure sont lourds, ce que le FPIC ne prend pas en compte. Deux collectivités disposant a priori d’un même niveau de richesse peuvent aujourd’hui ne pas être traitées de la même manière. Cela dit, des communes vont alors invoquer d’autres dépenses, liées au logement social par exemple. Il y a là un vrai sujet, qui doit être chiffré. Ensuite seulement, on prend une décision. Car ce Fonds, opérant à un niveau horizontal, engendre nécessairement des gagnants et des perdants. Il faut donc toujours regarder ce qui va bouger quand un élément est déplacé, les fragilités que cela peut engendrer. Et surtout ne pas raisonner à partir de principes sans s’interroger sur les effets.
Par exemple ?
Le projet de loi de Finances 2022 fait entrer les droits de mutation dans le calcul d’un indicateur et il sort la taxe d’enlèvement des ordures ménagères (TEOM) d’un autre indicateur. Ça fait bouger des lignes et il faut y être très attentif. Autre exemple, le calcul du FPIC ne tiendra plus compte en 2023 de l’effort fiscal de l’intercommunalité, mais seulement de celui des communes. Ça n’a aucun sens et des territoires en pâtiront. Je l’ai fait savoir à l’administration et nous l’ajusterons lors du prochain projet de loi de Finances.
Vos recommandations s’adressent d’abord au gouvernement, mais elles ciblent aussi les collectivités, à qui vous reprochez, en filigrane, de sous-exploiter la possibilité que donne le FPIC d’organiser une solidarité financière au sein de leur territoire. Une péréquation dans la péréquation, en somme…
Charles Guené et moi, nous sommes des passionnés de l’intercommunalité. Et nous constatons que beaucoup d’élus ont une vision basique, minimaliste, la loi rien que la loi, de ce qu’elle représente. Nous estimons que la solidarité entre communes, en l’espèce, dans la manière de répartir contributions ou attributions dans le cadre du FPIC, peut être améliorée, pour exprimer les choses de manière positive. Elles pourraient plus sérieusement évaluer la situation et les besoins de chacune au sein de leur EPCI pour adopter ensuite des pactes fiscaux et financiers solides. Les élus de territoire ne peuvent pas à la fois demander à l’Etat de leur donner les moyens et la liberté d’agir et se retourner vers lui dès qu’il y a une difficulté. Il faut choisir. De ce point de vue, le système intercommunal n’est pas abouti partout. Beaucoup font en sorte que tous leurs membres bénéficient d’une mise en commun et d’une répartition juste, en mettant à leur disposition des services ou en attribuant des moyens financiers leur permettant de les mettre en place, voire par un transfert de fiscalité, comme à Toulouse, dont j’ai été vice-président de la communauté urbaine en charge des Finances. Beaucoup le font, mais pas toutes…
Revenons à votre souhait, énoncé précédemment, d’une « remise à plat totale de la fiscalité locale »…
L’ensemble de l’architecture du financement des collectivités locales est au bout du rouleau. Tous les ans, on fait du replâtrage. Le FPIC, venu en surplomb le corriger de façon horizontale, en est un exemple. Lui-même fait régulièrement l’objet de retouches. Peut-on continuer à avoir un système aussi peu lisible ? Le prochain exécutif devra engager le chantier de la réforme des ressources permanentes des collectivités locales. Dès son arrivée, pas l’année précédant l’élection suivante, car c’est un sujet lourd. Je monterai au créneau pour que ce soit le cas.
Quelles solutions avez-vous en tête ?
Joker. Car si le président de la commission des Finances du Sénat et co-rapporteur des crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » affiche d’entrée ses préférences, vous bloquez la machine. Les différentes options doivent être mises sur la table, en montrant leurs avantages et inconvénients. Je présenterai la mienne comme d’autres pourront le faire dans ce schéma de discussion. Si on prend les deux extrêmes, soit on recrée une vraie fiscalité locale, soit on revient à une fiscalité purement nationale, dont des bouts sont répartis au niveau local, qu’on les appelle dotation ou autre. Et il existe des solutions intermédiaires, car on ne peut avoir une vision tout en blanc ou tout en noir.
C’est-à-dire ?
Des collectivités ont intérêt à garder une fiscalité locale, car elles ont des progressions fortes de leur base, donc la possibilité de lever de la fiscalité. D’autres sont dans une position inverse, ce sont des communes dont la population et le développement économique stagnent ou déclinent, qui ont alors intérêt à percevoir d’une part d’impôt national. Curieusement, j’entends quelquefois des élus demander à bénéficier de davantage de fiscalité locale alors qu’ils ont tout à y perdre. Et, a contrario, tout à gagner à une part de fiscalité nationale. Il revient à l’exécutif d’engager ces discussions, dans le cadre d’un débat transparent, en examinant la France et ses territoires tels qu’ils sont.
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