De l’utilité d’un élu enthousiaste pour réchauffer des relations parfois polaires. Pendant un quinquennat marqué par le désamour entre le Président et les territoires, Frédéric Valletoux a souvent joué le rôle d’entremetteur. Le maire de Fontainebleau fait partie de ces élus de droite très vite séduits par Emmanuel Macron, tout jeune candidat en 2017. « J’ai senti une énergie, une volonté très forte en lui pour faire bouger les lignes, y compris dans les collectivités locales », raconte ce père de cinq enfants, qui a grandi dans la ville impériale pendant son adolescence.
Après des études d’histoire, il devient journaliste et travaille pour « Pouvoirs locaux » et « Les Echos ». Il est même redacteur en chef de « La Gazette ». Mais, en 2005, Frédéric Valletoux lâche la presse pour devenir le maire de Fontainebleau. Plus de quinze ans après, le quinquagénaire s’étonne encore de l’exigence du mandat local. « Il faut une énergie folle pour faire bouger les choses. Je n’aurais jamais imaginé ça en m’engageant. »
Déjeuner à Matignon
Malgré deux tentatives ratées aux législatives, Frédéric Valletoux est nommé porte-parole de la campagne de Valérie Pécresse pour les élections régionales en 2014, avant de rejoindre la campagne d’Alain Juppé lors de la primaire de la droite en 2017. Cet ancien LR qui se dit peu attaché aux étiquettes partisanes n’est pas tendre avec son ancien parti. « C’est sous l’ère Chirac qu’on a été le plus dur avec les collectivités en rationnant fortement leurs finances », estime avec le recul l’édile.
Si les relations ont semblé particulièrement tendues entre l’exécutif et les associations d’élus locaux pendant le quinquennat Macron, Frédéric Valletoux blâme le jeu des calculs politiciens. « J’ai vu des maires très schizophrènes ces dernières années. Ils ont fait campagne pour François Fillon, puis ont demandé d’augmenter la place des services publics. »
Sans nier les sujets de friction avec Emmanuel Macron, concédant que le Président connaissait « mal » les sujets des territoires au début de son mandat, Frédéric Valletoux jure avoir observé son évolution. « J’ai vu un vrai changement dans ses échanges avec les maires à l’occasion de la crise des “gilets jaunes”. Il a parfois des mots qui surprennent, mais il fait le job et défend la liberté des maires. »
Edouard Philippe lui a aussi permis de mieux connaître Emmanuel Macron. Les deux hommes, qui se sont connus à l’Assemblée des communautés de France, avaient pris l’habitude de se rencontrer autour d’un déjeuner à Matignon pour évoquer des « irritants », comme la question du 80 kilomètres/heure qui enflammera les ronds-points quelques mois plus tard. Autour de la table, on trouve également d’autres maires « Macron-compatibles », tous issus des LR, tels Karl Olive et Arnaud Robinet, les maires de Poissy et de Reims.
Des choses à dire
Cette relative ouverture politique ne se distinguerait pas forcément sur le plan local. « Nous avons eu des passes d’armes rudes avec un défaut de compréhension des élus qui viennent du monde associatif, pas toujours rompu au jeu politique », soupèse Roseline Sarkissian (PS), son opposante aux dernières municipales. Arnaud Péricard, qui dirige la ville de Saint-Germain-en-Laye et a souvent fait partie des convives autour de l’ancien Premier ministre, jette un tout autre regard. « C’est quelqu’un de très posé, de très équilibré, qui dit les choses sans langue de bois », juge ce proche.
C’est d’ailleurs lui qui a glissé à Frédéric Valletoux l’idée d’organiser une réunion, fin août à Fontainebleau, autour de l’ex-locataire de Matignon. « On s’est dit que nous, les maires de centre droit, on avait des choses à dire à quelques mois de la présidentielle. On n’était pas sûrs qu’Edouard Philippe viendrait », jure-t-il. Le maire du Havre, qui cherche alors à structurer son futur parti, Horizons, saute évidemment sur l’occasion.
Calculette post-Covid
Le raout autour d’Edouard Philippe est également l’occasion, pour Frédéric Valletoux, de décocher quelques flèches et de faire passer son message à ses anciens camarades restés fidèles à la droite et qui voient les associations d’élus comme des tremplins vers d’autres fonctions. « Elles ne peuvent pas être un point d’appui dans le débat national parce qu’elles défendent surtout la ruralité. Elles cherchent toujours le plus petit dénominateur commun et c’est rarement à la hauteur des enjeux », juge le maire.
Le choix de Fontainebleau a aussi été vu comme une récompense pour services rendus. C’est que Frédéric Valletoux a été apprécié pendant la pandémie de Covid-19 en tant que président de la Fédération hospitalière de France, mettant du liant dans des relations souvent compliquées entre l’administration, les soignants et les communes.
« J’ai découvert la question hospitalière en arrivant à la mairie. Ma place au conseil d’administration de l’hôpital faisait partie du trousseau de clés. » Alors que les collectivités ont beaucoup mis la main à la poche pendant la crise sanitaire, comme pour l’accueil dans les centres de vaccination par les agents municipaux, l’élu suit de près le sujet du remboursement des municipalités par l’Etat.
En attendant, sa proximité avec Edouard Philippe pourrait l’aider, en cas de réélection d’Emmanuel Macron, à obtenir un poste ministériel, mais le maire de Fontainebleau assure « ne jamais y penser ». On n’est pas obligé de le croire.
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