Une obligation d’activité imposée aux « bénéficiaires » du revenu de solidarité active (bRSA) ? L’idée refait surface. Sur le fond, rien de choquant. Ce concept d’activité, le nom même du dispositif l’évoque ; l’idée qu’un droit puisse être assorti d’un devoir distingue le RSA des allocations qui l’ont précédé. Encore mieux si ce devoir est une incitation à sortir de l’assistanat : il y a de quoi séduire.
Connaître chacun des individus
Pourtant, cette approche est peu admissible pour ceux qui se confrontent à la réalité de l’insertion. Avant d’en arriver là, le système public doit balayer devant sa porte sur deux points essentiels. Le premier est de connaître chacun des individus concernés. Qui est-il ? Quelles circonstances l’ont conduit là ? Quelles ont été ses expériences ? Quels sont ses handicaps ? Ses qualifications ? Ce travail d’orientation est souvent mal fait, par exemple, sous forme d’« ateliers collectifs » au lieu d’un entretien individuel, ce qui allie l’inefficacité à la désinvolture. Le public du RSA n’est pas homogène. On y trouve, à côté de personnes souffrant de handicaps lourds, d’autres, heureusement majoritaires, aptes à exercer une activité. Encore faut-il les distinguer.
Cette activité doit aussi être utile à la société comme à l’individu ; elle doit être assortie d’une formation, de préférence qualifiante ; elle doit être précédée ou doublée d’un accompagnement destiné à lever les freins objectifs à l’insertion : mobilité, maîtrise de la langue, illectronisme etc. Et c’est là le second problème. Le système public ne saura pas créer par incantation les heures d’activité qu’on se propose d’imposer. Dès lors se profile le risque immense de dépenser en vain beaucoup de temps et d’argent public. On les occupera coûte que coûte ces bRSA puisqu’on l’a décrété ! A coup de stages de rédaction de CV, on en fera des « ambassadeurs » du changement climatique, ou des chefs d’entreprise qui n’auront jamais ni bénéfice, ni chiffre d’affaires.
Rôle central du département
Dans les Yvelines, depuis six ans, nous avons renoncé à cette facilité. Nous avons, grâce à l’orientation individuelle des demandeurs et à la création d’une agence départementale d’insertion par l’activité, fait des progrès considérables. Un seul chiffre : notre collectivité qui recrutait 15 bRSA en 2016 en emploie chaque année plus de 450 ; ils représentent 12 % de nos employés ; ils exercent une activité utile : entretien des collèges, restauration scolaire, travaux environnementaux etc. ; ils sont payés et formés.
Deux ans après, près de la moitié a quitté le RSA. Et cela en changeant nos méthodes plus qu’en dépensant davantage. Certes, nous pouvons et devons faire plus et mieux. Et l’Etat peut nous y aider. En réaffirmant la responsabilité centrale du département en matière d’insertion, assortie de la liberté et de moyens utilisables permettant de l’assumer ; en évaluant nos résultats sur un critère qui ne ment pas : le retour à l’emploi ; en identifiant, en diffusant les bonnes pratiques. Un bénéficiaire du RSA qui refuse une activité utile qu’on est capable de lui proposer et qu’il est en mesure d’exercer doit pouvoir être sanctionné et exclu sous le contrôle d’un juge. Certains penseront que c’est sévère. Mais c’est juste. Le reste, c’est de la littérature. Ou de la démagogie.
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