[Luceau, Sarthe, 1 200 hab.]
En cet après-midi d’hiver, la salle commune du béguinage de Luceau, inauguré fin 2020, s’anime. Cinq « béguins » jouent au Rummikub et partagent une galette. Amélie Chilloux, l’animatrice-coordinatrice, prépare le café. Du lundi au vendredi, elle est présente quatre heures par jour : « Une semaine, je viens les matins. J’aide aux démarches informatiques et distribue le courrier. La suivante, l’après-midi. Je rends visite aux béguins, je discute et prépare des activités. »
Pas trop, pour ne pas fatiguer : deux par mois, autour de la convivialité (gâteaux, tricot…), bientôt un loto et une séance de yoga du rire, avec le centre communal d’action sociale du village voisin de Château-du-Loir.
Le béguinage est un nouveau mode d’habitat à vocation sociale, alternatif aux maisons de retraite. Le projet a été monté par la foncière Esprit béguinage (lire-ci-dessous) et l’association Esprit béguinage Luceau, dont Robert Renard, l’ancien maire de la commune, est président. Il s’est battu dix ans pour faire émerger cette solution. A la suite du décès d’une femme à la porte de sa ferme, il s’est dit : « Plus jamais ça ! Un petit lotissement pour personnes âgées, ça peut éviter des accidents ! »
« Je revis, ici ! »
Réservées aux personnes autonomes de plus de 65 ans, demandeuses de logement social, les maisons de plain-pied offrent des équipements adaptés aux seniors en perte de mobilité. Chacun vit chez soi, reçoit sa famille, ses amis, mais peut compter sur ses voisins pour une entraide au quotidien.
Martine vivait seule dans un appartement, elle a été opérée des genoux… Il lui est impossible de monter des marches, alors sa voisine lave ses carreaux. Toutes deux cheminent ensemble dans la campagne avoisinante. « Je revis, ici ! reconnaît Martine. Il y a plus d’entraide qu’en ville. » Anne-Marie pousse le fauteuil de Jeanine afin qu’elle se rende à la salle commune. Le Covid resserre les liens, étrangement, quand les familles ont parfois décalé les visites.
Sur 23 résidents, le béguinage ne compte qu’un homme, veuf depuis un an. Tous ont choisi cet habitat pour des raisons de santé, pour quitter des maisons trop grandes, parfois isolées dans cette campagne. Et ils sont ravis d’y trouver un esprit de communauté, avec de l’entraide, des activités communes et une certaine sécurité. Autour du béguinage, un lotissement privé s’est construit, permettant des échanges. Amélie Chilloux relate : « Une voisine nous a donné des plantes vivaces, elle a apporté des sablés à Noël… »
Navette SNCF, magasins…
L’esprit du béguinage s’étend, et les résidents restent en lien avec leur environnement. Si besoin, ils peuvent réserver une navette SNCF pour aller à Château-du-Loir. A quelques centaines de mètres se trouvent des magasins. Certains béguins conduisent toujours, ils disposent tous d’une place de parking, d’une terrasse et d’un petit carré de jardin. Chacun fait ce qu’il en veut… Dans l’espace central, un jardin partagé est entretenu par les salariés de l’Esat de Château-du-Loir. Cet été, on y trouvera des fraises, des framboises… « C’est ma dernière demeure, prédit Martine, je veux rester ici ! »
Contact : Amélie Chilloux, animatrice-coordinatrice, achilloux@yahoo.com
« Un habitat accompagné inclusif dans les petites villes »
Paul de Rochebouët, président de la foncière solidaire d’utilité sociale Esprit béguinage
« Le principe, c’est de développer un habitat accompagné inclusif dans les petites villes de 3 000 à 10 000 habitants pour apporter une solution à l’isolement des personnes âgées à faibles revenus, souvent des femmes. Les élus sont esseulés par rapport à cette question : ils n’ont ni la capacité juridique, ni la capacité financière de construire. En tant que bailleur social, nous avons l’agilité de construire des petits projets, au travers de la foncière Esprit béguinage, avec des petits loyers afin que le reste à vivre soit le plus élevé possible. Nous étudions douze projets en France avec l’appel à manifestations d’intérêt Petites villes de demain. »
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