Comment fidéliser les agents, dont ceux de la catégorie C, qui ne perçoivent que peu de régime indemnitaire ? En leur donnant une prime… s’ils passent quelques années au service de la même collectivité. Cette proposition figure dans le rapport « Laurent-Icard-Desforges » (Philippe Laurent, président du Conseil sup’, et Mathilde Icard, directrice générale du centre de gestion du Nord et Corinne Desforges, inspectrice générale) sur « l’attractivité de la fonction publique territoriale », publié début février.
Elle s’inspire de la « prime fidélisation » des agents de l’État en Seine-Saint-Denis, mise en place en octobre 2020 : enseignants, policiers, greffiers, gardiens de prison, sapeurs-pompiers… exerçant au contact de la population sont éligibles à une prime de 10 000 euros. Elle leur sera versée lorsqu’ils auront travaillé cinq ans dans ce département, le plus pauvre de France.
Efficacité à relativiser
« Cette prime a été accueillie favorablement pour le pouvoir d’achat, mais pas pour l’efficacité », déclare Xavier Lioté, de l’Unsa-enseignants Seine-Saint-Denis. Il constate qu’en 2021, « il manquait toujours 400 candidats au concours de professeur des écoles dans ce département, ce qui a obligé le rectorat à aller chercher 600 contractuels ».
Quant aux demandes de mutation, « elles restent au même niveau que les années précédentes » : 2 000 demandes rien que pour les enseignants du premier degré. Il faut dire que « le ministère ne fait pas de publicité à cette prime », explique Xavier Lioté. Mais quand bien même ! Le système de mutation par points des enseignants est ainsi fait qu’« il est très difficile de quitter la Seine-Saint-Denis une fois qu’on y est affecté, sauf à faire valoir un rapprochement de conjoint ».
Autrement dit, la plupart des enseignants seraient restés dans le département même sans la prime, qui coûtera cher vu le nombre d’agents éligibles. Quant à ceux qui disposent d’assez de points pour rejoindre leur famille en province, « ce n’est pas la prime qui les empêche de partir ». Pour Xavier Lioté, le meilleur moyen de faire venir des enseignants dans le département est, au contraire, de ne pas les y coincer.
Absence de pérennité
La situation est un peu différente dans l’administration pénitentiaire. Selon Fabrice Sereault-Gobet, secrétaire local de FO à la maison d’arrêt de Villepinte, « les collègues connaissent l’existence de la prime car nous les informons ». Les affectations à l’issue du concours national dépendent du classement du candidat.
« Villepinte était choisie dans les dernières, elle est un peu remontée, peut-être du fait de la prime. Celle-ci aurait donc amélioré l’attractivité du département. Mais les collègues qui ne veulent pas rester en Seine-Saint-Denis en partiront. La prime est donc très bien pour ceux qui veulent rester », conclut-il. Enfin, dans la police, l’Unsa-police Ile-de-France estime que « la prime a attiré nombre de collègues mais ne les retiendra pas ». Par ailleurs, le syndicat fait part de son inquiétude quant au maintien de la prime, car « depuis 2021, elle ne fait plus l’objet d’aucun document écrit ».
« Cette proposition concernant les agents territoriaux me gêne »
Leila Slimane, adjointe (PS) au maire de Pantin, membre du CSFPT
« A titre personnel – le rapport attractivité n’a pas été présenté devant le CSFPT –, cette proposition de prime pour les agents territoriaux me gêne. D’abord, parce qu’elle n’est pas pérenne. Ma position est qu’il faut augmenter le point d’indice des fonctionnaires, leur traitement et leur avancement.
C’est ainsi que le secteur public pourra rivaliser avec le secteur privé sur les métiers dans lesquels les deux sont en compétition. Ensuite, j’estime que la prime versée aux fonctionnaires d’État en Seine-Saint-Denis est inéquitable et stigmatisante pour le département. Je suis moi-même fonctionnaire territoriale et j’ai fait toute ma carrière dans ce département sans bénéficier d’une prime. Enfin, cette prime, si elle s’élève à 10 000 euros, ne pourra pas être supportée par nombre de petites collectivités. »
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