Retour vers le futur à Régions de France. L’association d’élus ressort des cartons l’une des mesures-phares du processus de Matignon lancé par Lionel Jospin à la fin des années 1990 et à l’origine de la démission fracassante du ministre de l’Intérieur Jean-Pierre Chevènement.
Dans son livre blanc « Vers une République de la confiance » rendu public le 8 mars 2022, elle prône l’octroi à la collectivité territoriale de Corse « d’un pouvoir normatif de nature législative ou quasi-législative » dans ses domaines de compétences. « Un statut d’autonomie de plein droit et de plein exercice » approuvé par l’ensemble des présidents de région, à la notable exception de la candidate des Républicains et patronne de la région Ile-de-France Valérie Pécresse qui a émis des réserves sur la rédaction de cette proposition.
La présidente de l’association, la socialiste Carole Delga et son numéro 2, le néo-macroniste Renaud Muselier sont en symbiose avec l’homme fort de l’Ile de Beauté, Gilles Simeoni. Le patron autonomiste de la collectivité territoriale de Corse salue « un moment historique ».
Pouvoir règlementaire
Quarante ans après la première loi Defferre de décentralisation, les régions entendent changer de braquet. Elles réclament une révision constitutionnelle et l’attribution d’un « véritable pouvoir règlementaire » aux pouvoirs locaux. Le but de la manœuvre ? « Empêcher le gouvernement d’intervenir par la règlementation dans les domaines où les compétences d’action publique ont été confiées aux collectivités. »
Les régions souhaitent aussi que les langues régionales soient pleinement reconnues dans la loi fondamentale. Pour ce faire, elles veulent revisiter l’article 75 de la Constitution. Et affirmer le principe selon lequel « la République concourt à la défense et à la promotion des langues régionales, notamment par la méthode de leur enseignement immersif. »
Aux commandes des ARS
Mais pas question, assurent les élus de braquer le pouvoir central. « Ce livre blanc des régions témoigne de notre volonté de travailler en bonne intelligence avec l’Etat et non en opposition stérile », assure Carole Delga, présidente de l’Occitanie.
Après leur accord de partenariat du 26 septembre 2020 signé avec le Premier ministre Jean Castex, les régions entendent transformer l’essai. En bonne place dans leur livre blanc, l’instauration d’un comité permanent national Etat-régions, décliné dans chaque région.
Carole Delga prône, dans le même sillon, l’avènement d’agences régionales des mobilités qui rassembleraient toutes les couches du millefeuille du secteur. Objectif ? « Créer le titre unique de transport que nous réclament nos concitoyens. »
Fidèle à leurs fondamentaux, les régions veulent aussi piloter les politiques de l’emploi et coprésider les agences régionales de santé. Autant de requêtes restées lettre morte, lors de l’examen de la loi 3DS, comme différenciation, décentralisation, déconcentration et simplification, promulguée le 22 février dernier.
Banques régionales d’investissement
Cela n’empêche pas les régions de France d’ouvrir pléthore de nouvelles pistes. En bonne place : la création de banques publiques d’investissement régionales et la possibilité pour les régions de devenir des investisseurs et des actionnaires à part entière. Une nécessité, aux yeux de Carole Delga, au moment où la crise ukrainienne menace l’économie mondiale.
Les régions ont aussi vocation, selon la présidente de l’association d’élus, à servir de trait d’union entre l’Europe et les citoyens. Pour ce faire, elles doivent disposer de l’intégralité des fonds structurels. Autre préconisation : l’attribution aux régions d’un statut d’observateur au conseil des ministres européens.
Mais, l’association d’élus profite aussi de cette présidentielle pour poser la question financière. « 92 % de nos recettes sont fixées par l’Etat. Nous sommes les seules collectivités à avoir vu leurs dotations baisser durant cette mandature », pointe du doigt Carole Delga. Aussi les régions de France invitent l’Etat à « s’engager dans la voie d’un système de partage et de codécision pour un certain nombre d’impôts nationaux (TVA, impôt sur le revenu, impôt sur les sociétés, CSG…). »
Elles proposent la tenue, en début de mandature, d’états généraux des libertés locales et de la confiance dans l’action publique. Une démarche que partagent leurs partenaires de Territoires Unis, l’Association des maires de France et l’Assemblée des départements de France. Les trois cercles d’élus interpelleront ensemble les candidats à la magistrature suprême, le 15 mars prochain à Montrouge.
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