A La Roche-sur-Yon, la station multi-énergies vertes et locales déployée par le Sydev et Vendée énergie alimente les véhicules en hydrogène.
D.R.
L’engouement pour l’hydrogène peut s’inscrire dans des logiques territoriales qui permettent de produire et consommer une énergie 100 % locale et renouvelable. Chaque niveau de collectivité peut trouver sa place dans la chaîne de valeur. Au nom du développement économique, de la transition énergétique ou de la mobilité. Avec un électrolyseur exploité par Lhyfe et raccordé à ses éoliennes, le Sydev a la certitude que l’électricité transformée en hydrogène est bien celle de son parc.
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[Syndicat départemental d’énergie de la Vendée (Sydev) 277 collectivités • 680 000 hab.] Elle est souvent présentée comme une technique capable de gérer la variabilité des énergies renouvelables (ENR). L’électrolyse transforme en hydrogène l’électricité dont le réseau n’a pas besoin quand le soleil brille ou que le vent souffle. Dans les faits, pourtant, la quasi-totalité des installations qui voient le jour s’appuient sur des équipements fonctionnant en continu, avec l’électricité du réseau et quelle que soit la disponibilité des centrales ENR locales.
Elles sont vertueuses dans la mesure où l’énergie produite est moins carbonée que le diesel qu’elle remplace généralement pour alimenter des flottes de bus urbains ou de bennes à ordures ménagères. Mais le lien entre la production locale d’électrons et d’hydrogène reste très théorique. A Bouin (2 200 hab.), le syndicat départemental d’énergie de la Vendée (Sydev) a voulu aller au bout de la logique. Avec un électrolyseur directement connecté à ses éoliennes. Une première.
Inaugurée fin septembre, l’installation créée appartient à Lhyfe, jeune entreprise dans laquelle ont, entre autres, investi le syndicat et Vendée énergie, sa société d’économie mixte chargée de développer des projets d’ENR.
Le 1er juin 2018, Nicolas Hulot, alors ministre de la Transition écologique et solidaire, lance un plan « hydrogène » à 100 millions d’euros. Alors président du Sydev et désormais à la tête du département de la Vendée, Alain Leboeuf est présent dans la salle et écoute les annonces avec attention. Il a « la volonté de faire quelque chose », se rappelle-t-il aujourd’hui. Egalement sur place, Matthieu Guesné lui tape sur l’épaule. Ingénieur au Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies (CEA), il lui présente son idée, qui débouchera sur la création de Lhyfe, dont il assure désormais la présidence. « Au-delà du projet, il y avait une intention. D’entrée j’y ai cru », insiste l’élu.
Le Sydev a trois éoliennes à disposition. Déjà amorties, elles ne bénéficient plus du mécanisme de soutien qui accompagne la production des turbines pendant quinze ans. Ce qui signifie qu’elles peuvent être réquisitionnées pour expérimenter l’option proposée par Matthieu Guesné.
Onze bus et huit bennes
L’interco Challans Gois communauté entre rapidement dans la danse et gère le volet foncier de l’implantation. Un bâtiment industriel et des bureaux sont construits sur une parcelle de 4 000 mètres carrés, près des éoliennes. En aval, d’autres collectivités s’impliquent pour fournir un débouché à l’hydrogène qui doit en sortir : 300 kilos par jour depuis fin septembre, une tonne l’an prochain.
Onze bus et huit bennes à ordures ménagères circuleront au Mans, quatre véhicules aux Sables- d’Olonne, trois à La Roche-sur-Yon, où le Sydev exploite une station multi-énergies avec du bioGNV (gaz naturel pour véhicules) et de l’hydrogène vert… « Nos tests montrent qu’en matière d’usage le bus à hydrogène est meilleur que celui au GNV », glisse un représentant de la métropole mancelle.
Le fonctionnement de la pile à combustible qui recombine l’hydrogène pour alimenter le moteur électrique n’émet en particulier aucun oxyde d’azote. « Le problème, c’est qu’on est sur des prototypes, avec les limites que cela contient », ajoute-t-il. Les premiers véhicules sont chers. Pour autant, le pari est loin d’être fou. Les subventions ne manquent pas et l’explosion annoncée de la demande devrait rapidement changer la donne.
Régime d’exception
« Pour enclencher une filière, mieux vaut montrer l’exemple que de distribuer des subventions », estime Alain Leboeuf. Pour sa part, il mise beaucoup sur le « rétrofit », qui consiste à modifier un véhicule thermique existant pour l’adapter à cette nouvelle ressource.
La Vendée a signé un chèque de 500 000 euros à E-Néo afin de rétrofiter un camion de 19 tonnes. Cette implication de multiples niveaux de collectivité a sans conteste stimulé le projet de Bouin. Et a convaincu, par exemple, Enedis et la Commission de régulation de l’énergie (CRE) de lever quelques freins réglementaires qui auraient pu condamner ce raccordement direct à des éoliennes, avec injection du surplus d’électricité dans le réseau. « Le caractère innovant du projet fait qu’on est sur un régime d’exception », reconnaît Laurent Favreau, président du Sydev. « C’est rare que tout aille aussi vite », souligne Christelle Morançais, présidente du conseil régional des Pays de la Loire, qui a lui aussi mis la main à la poche.
Produire de l’hydrogène, quelle que soit la force du vent, qui fait tourner les pales, ne va pas de soi. « Si on branche un électrolyseur à une éolienne, rien ne fonctionne », rappelle Matthieu Guesné… dont les ingénieurs ont appris à gérer cette variabilité. « L’enjeu, désormais, est de faire évoluer la réglementation », conclut Alain Leboeuf.
Contact Sydev, 02.51.45.88.00.
« Nous avons travaillé avec l’Etat afin de lever des difficultés urbanistiques »
Alexandre Huvet, président de la communauté de communes Challans Gois communauté
« Une jeune entreprise préfère placer son capital dans son propre projet, explique Alexandre Huvet, président de la communauté de communes Challans Gois communauté (11 communes, 47 300 hab., Vendée). Pas dans des biens immobiliers. De la même manière que nous aurions pu développer une zone artisanale, nous avons construit pour Lhyfe des locaux que nous lui louons par crédit-bail. Cela nous a coûté 3 millions d’euros. Nous avons négocié les terrains avec les anciens propriétaires et travaillé avec l’Etat pour lever des difficultés urbanistiques liées au fait que cette zone est couverte par un plan de prévention des risques littoraux. Chargé d’octroyer le permis de construire, le préfet a été très à l’écoute. Il a notamment fallu ajouter 10 000 mètres cubes de remblai afin de dépasser la cote en deçà de laquelle il existe un risque de submersion. Le chantier est allé très vite. Seule mauvaise surprise, deux mois perdus en attendant que le remblai se tasse. »