La dématérialisation de l’application du droit des sols – ou « permis de construire en ligne » – est effective depuis le 1er janvier 2022. Un virage numérique pour les instructeurs de permis de construire. « Au CNFPT, nous souhaitons en profiter pour valoriser un métier peu connu et en tension, en créant une nouvelle formation. Elle devrait être prête à la fin de l’année », indique Clémence Caron, responsable nationale des spécialités « aménagement et planification » au Centre national de la fonction publique territoriale.
Renouvellement du matériel et des programmes informatiques, formation des instructeurs et agents communaux : dans la CC Côte Landes nature (lire ci-contre), l’instruction en ligne a été lancée en 2016. Une transformation progressive et réussie d’après Hélène Fabre, responsable « droit des sols » à la CC, également chargée de recruter les instructeurs : « J’ai une équipe hyper motivée par la dématérialisation. Aujourd’hui, on franchit les dernières étapes. »
« Certaines collectivités sont formées, mais pas équipées », et réciproquement, constate Clémence Caron, rappelant que la dématérialisation pose aussi la question de la fracture numérique.
Nouvel environnement
Avec le permis de construire en ligne, l’environnement de travail change énormément. « On est à 100 % devant un écran », illustre Hélène Fabre. Avantage : les tâches à faible valeur ajoutée sont réduites. « Avant, certains instructeurs passaient des matinées entières à scanner des plans », relève Hélène Fabre, qui consacre désormais plus de temps à la planification.
La CC du Grand Langres (54 communes, 315 agents, 20 900 hab., Haute-Marne) a démarré sa transition numérique il y a deux ans. « Cela m’a permis de ne pas être submergée par le nombre record de dossiers en 2021 », souligne Tamara Maillot, cheffe du service de l’urbanisme, elle aussi chargée de recruter les instructeurs.
La dématérialisation permet aussi « une gestion plus précise de la masse de travail du personnel ». Tamara Maillot note, par ailleurs, « une très bonne acceptation de la part des maires, pas plus exigeants qu’avant en termes de délais ». Dans les deux intercos susdites, les instructeurs participent à l’élaboration du PLU. Cette articulation entre instruction et planification n’est pas toujours spontanée en fonction des contextes locaux, regrette Clémence Caron.
Analyse décisive
Les instructeurs ont toute la légitimité pour revoir le zonage, adapter le PLU aux nouvelles exigences du ZAN ou de la loi « climat et résilience ». Selon Clémence Caron, si le métier est en tension, c’est qu’il n’est pas suffisamment valorisé. Recruter « un instructeur en catégorie C n’est pas justifié au regard du niveau de leurs responsabilités. De leur analyse dépendent des projets importants. Sans compter qu’ils sont fortement exposés aux contentieux », lorsque les habitants font des recours pour contester les permis.
Les instructeurs composent avec un cadre juridique et réglementaire de plus en plus complexe et leurs missions dépassent la seule application d’un PLU.
« Les recrutements sont difficiles »
Hélène Fabre, responsable « transition énergétique, mobilité, droit des sols » à la CC Côte Landes nature (10 communes, 35 agents, 11 900 hab., Landes)
« A l’échelle nationale, il y a plus de 300 offres d’emploi d’instructeurs et près de 20 en Nouvelle-Aquitaine. Il est difficile de recruter des instructeurs de permis de construire, car la plupart des collectivités essaient de les recruter en catégorie C, alors que le métier est très juridique et technique. La majorité de nos instructeurs sont titulaires, et les salaires ne suivent pas. L’agent communal chargé de l’urbanisme et l’instructeur font partie d’une même équipe. Ces deux professions doivent être valorisées.
La dématérialisation et le raccordement à Plat’au [plateforme d’échange et de partage des dossiers entre tous les acteurs de la chaîne d’instruction, ndlr] demandent aux agents communaux de nouvelles compétences, plus de rigueur. L’autre problème, c’est le manque de formation qualifiante. A aucun moment, la filière universitaire ne vous emmène vers le métier d’instructeur, alors qu’il y a un vrai vivier, en faculté de droit notamment. »