La loi sur la protection des enfants, votée le 25 janvier après un accord entre députés et sénateurs en commission mixte paritaire, avait pour ambition de répondre aux dysfonctionnements de l’aide sociale à l’enfance, révélés notamment par plusieurs reportages chocs. L’ADF salue « l’ambition et la démarche » de cette loi, qui « conforte la place des départements » dans leur compétence de protection de l’enfance. Elle souligne toutefois que « l’impact financier de cette loi sera à prendre en compte ». Les associations y voient « des avancées pour les droits des enfants protégés », mais n’y trouvent pas de réponse au malaise des professionnels et au manque de places.
Humaniser l’ASE
Les mesures visant à mieux prendre en compte la parole de l’enfant ainsi que son bien-être affectif sont approuvées par la CNAPE : audition systématique par un juge des enfants, accès facilité à un avocat, non-séparation des fratries, encouragement à confier l’enfant à une personne de son environnement avant d’envisager un placement en institution, et proposition systématique d’un « parrain » et d’un « mentor ». Repairs94, qui représente les anciens enfants placés, salue également la définition de la maltraitance, travaillée par des experts.
Arrêt des sorties sèches
Sur la fin des sorties sèches et la promesse que « plus aucun enfant de l’ASE ne sera laissé sans solution à la majorité », les associations notent une avancée, même si certaines attendaient davantage de garanties. Concrètement, un accompagnement devra « systématiquement » être proposé « par les départements et par l’Etat » aux jeunes de l’ASE qui, à 18 ans, se trouvent sans ressource ni soutien familial. « On est bien dans une logique de droit pour le jeune », se félicite le GEPSo. « Avec la possibilité de bénéficier à la fois du soutien de l’ASE et d’être accompagnés vers les dispositifs de droit commun », ajoute Fabienne Quiriau, de la CNAPE.
Pour l’ADF, « cela nécessite une articulation avec l’Etat pour offrir la réponse la plus adaptée à chaque jeune, qui n’est pas forcément un contrat jeune majeur, mais peut être un suivi par la mission locale », explique Florence Dabin, vice-présidente enfance de l’ADF, et présidente du Maine-et-Loire. Décevant pour Repairs94 : « Il suffira au département de renvoyer vers la Garantie jeune pour remplir son obligation », déplore son président Mamédi Diarra, qui demandait un accès garanti aux contrats jeune majeur (APJM). Aucune durée n’est fixée pour cet accompagnement et le collectif Cause Majeur regrette aussi le couperet maintenu à 21 ans.
Fin des accueils hôteliers
L’interdiction des hébergements hôteliers, qui concerne notamment les mineurs étrangers isolés, était attendue par les professionnels du secteur. Le GEPSo aurait toutefois souhaité que le texte mette l’accent sur « l’obligation d’un accompagnement éducatif et social » pour tous les publics. Les départements ont deux ans pour trouver des lieux de substitution. L’ADF, pour qui ces placements hôteliers répondent aussi à des « problématiques spécifiques » de jeunes, attend que l’Etat « s’engage auprès des départements dans le portage de dispositifs innovants qui répondront à ces situations ».
Santé et moyens de l’Etat
La volonté de mieux prendre en compte la santé des enfants protégés, par l’accès à des bilans de santé complets et à un panier de soins, est aussi un progrès de ce texte, salué par tous. Le GEPSo s’interroge néanmoins « sur les moyens de mise en œuvre », dans un contexte de « désertification médicale ». Et l’ADF souligne que les moyens accordés par l’Etat sont « très nettement insuffisants sur la santé de l’enfant, la pédopsychiatrie et les situations complexes en lien avec le handicap ».
Pénurie de personnel et manque de places
En dépit de ces avancées, associations et départements estiment que cette loi ne répond pas à problèmes majeurs. L’ADF évoque la « crise des vocations entraînant une pénurie de professionnels », et les départs d’assistants familiaux « générant un manque de places et des tensions sur l’accueil ».
« Cette loi manque d’ambition et de moyens dans un contexte très difficile pour les établissements publics, marqué par l’épuisement des professionnels, le sentiment de non-reconnaissance, et la fuite vers le sanitaire offrant de meilleurs salaires », estime Jeanne Cornaille, déléguée nationale du GEPSo. Si une série de mesures visent à revaloriser le métier d’assistant familial, « rien n’est prévu pour les professionnels en établissement et milieu ouvert, alors qu’ils traversent une crise existentielle terrible », regrette Fabienne Quiriau.
Concernant la lutte contre la maltraitance en institution, la CNAPE rappelle que « le sous-effectif chronique produit de la maltraitance » et regrette de n’avoir pas obtenu l’instauration de normes d’encadrement en établissement.
Réforme inachevée de la gouvernance
Sur volet de la gouvernance, l’enjeu était de redonner du poids à l’Etat dans une politique souffrant de fortes inégalités territoriales. Un nouveau « GIP enfance », avec une gouvernance à parité Etat-Départements, aura vocation à « mieux coordonner » les actions de chacun. Localement, un « comité départemental de protection de l’enfance », co-piloté par le président du conseil départemental et le préfet, réunira tous les acteurs concernés et pourra définir « des actions communes ». « On peut en espérer le portage d’actions innovantes avec la protection judiciaire de la jeunesse, les services de pédopsychiatrie ou l’Education Nationale », note l’ADF. Pour le Gepso, tout cela est « décevant »: « On ne voit pas quelle place va reprendre l’Etat pour assurer une équité de traitement sur le territoire », estime sa déléguée nationale.
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