Emmanuel Macron a surpris, le 6 janvier, dans son discours d’ouverture du congrès de la Fédération des acteurs de la solidarité, en proposant de mettre en place un véritable « droit à la garde d’enfant […] avec une indemnisation en cas d’absence de solution ». La faible ambition de son quinquennat en matière de création de places d’accueil ne laissait pas prévoir un tel revirement.
Visant 30 000 places en cinq ans, la convention d’objectifs et de gestion 2017-2022 est en effet l’une des plus modestes de ces quinze dernières années, d’autant que cette ambition ne devrait être atteinte qu’à moitié.
Le droit opposable à la garde d’enfants, c’est un peu le serpent de mer que l’on agite à l’approche de chaque élection présidentielle, mais dont on ne voit jamais la couleur.
Enième rapport
En 2006, déjà, le Premier ministre Dominique de Villepin chargeait le Centre d’analyse stratégique d’un « rapport sur le service public de la petite enfance ». Ce dernier concluait qu’il fallait restructurer l’offre avant d’instaurer ce droit. Ce qui n’a pas empêché le candidat Nicolas Sarkozy de le promettre pour 2012. Engagement qu’il n’a pas pu tenir, étant donné le faible nombre de places créées finalement. Le même scénario s’est répété avec François Hollande, qui s’est lui aussi heurté aux exigences du principe de réalité.
En octobre 2021, l’échéance électorale approchant, le droit opposable à la garde d’enfant a encore une fois refait surface, dans le rapport « Heydemann-Darmon » (1), remis à Adrien Taquet lors de la conférence des familles. Un droit qui devrait être progressif : d’abord pour les enfants de 2 ans, puis pour les plus jeunes, suggèrent les rapporteurs.
Dans la foulée, le secrétaire d’Etat chargé de l’Enfance et des familles a saisi le Cese d’un projet d’avis pour mettre en œuvre un « service public de la petite enfance ». Les propositions du Cese sont attendues en mars.
L’AMF sur ses gardes
« Le premier dossier à traiter relève de la compétence juridique. Qui serait responsable ? » s’interrogent les auteurs du rapport. Le bloc communal ? L’Association des maires de France (AMF), attachée à la libre administration des collectivités, s’est toujours opposée à l’idée de schémas prescriptifs pour la création de places en crèche, la compétence étant facultative.
Aujourd’hui, l’AMF reste prudente. « Nous n’avons aucune visibilité sur cette question. Ce qui nous importe surtout, c’est de continuer à travailler sur une offre de services diversifiée », insiste Clotilde Robin, coprésidente du groupe de travail « petite enfance » à l’AMF et vice-présidente déléguée à la petite enfance de Roannais agglomération.
Surtout, « ce n’est pas la préoccupation du moment », concède-t-elle. « Les élus chargés de la petite enfance sont face à une telle pénurie de professionnels que certains doivent geler des places de crèche ! » s’alarme Clotilde Robin. Elle réclame avant tout une réforme de la formation des métiers de la petite enfance pour les rendre plus attractifs. Là encore, un serpent de mer.
L’Allemagne l’a fait… en investissant massivement
Poussée par l’urgence de rattraper son retard en matière d’accueil collectif du jeune enfant, l’Allemagne a instauré le droit opposable à la garde d’enfant en 2013. Cette volonté politique s’est accompagnée de moyens conséquents : les dépenses publiques pour l’accueil collectif et préscolaire ont été multipliées par deux entre 2005 et 2014, pour atteindre 20,8 milliards d’euros. En accueil collectif, le taux de couverture pour les moins de 3 ans est ainsi passé de 12 % en 2006 à 28,3 % en 2018, dépassant la France (20 % en 2018).
Pour faire face à ce boom de l’offre d’accueil, le pays a massivement investi dans la formation des professionnels de la petite enfance, à hauteur de 11,2 milliards d’euros en 2017, soit 0,3 % du PIB, tandis que plus de 600 000 recrutements avaient lieu.
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