Alors que les cimetières investissent de plus en plus le terrain écologique en lien avec le réchauffement climatique et la sensibilité verte, des initiatives voient le jour en matière d’obsèques. Trois d’entre elles se distinguent : l’humusation, la promession ou encore l’aquamation, largement évoquée en décembre dernier lors du décès du prix Nobel de la paix sud-africain Desmond Tutu.
Si ces modes de sépulture écolos font l’objet d’expérimentation dans certains pays, ils ne sont en aucun cas homologués en France. Pour l’instant.
L’humusation, le retour à la terre
L’humusation est un mode de sépulture écologique et régénératif consistant à transformer le corps en compost afin qu’il serve à la terre.
Dans le monde, plusieurs expérimentations ont déjà eu lieu pour aboutir à une manière durable de rendre le corps humain à la nature. Trois états des Etats-Unis (Washington, Colorado et Oregon), avec la société Recompose, ont légalisé un procédé appelé « natural organic reduction » (réduction organique naturelle). Il consiste à placer le corps dans un caisson, où les conditions biochimiques de décomposition sont reproduites avec des matières organiques et sans pression extérieure. Aux Pays-Bas, le cercueil Loop, composé de mycélium (partie végétative des champignons), enterré en sous-sol, promet une décomposition rapide du corps. En Belgique, la fondation Métamorphose nomme l’humusation le fait de placer le corps nu sous un tas humus, destiné à le transformer en un tas de compost sain et fertile. Une expérimentation a été réalisée, mais a été invalidée par une étude de l’université catholique de Louvain.
En France, l’association Humo Sapiens vient d’être créée. « Humo Sapiens veut mettre au point un nouveau protocole technique, répondant aux attentes sociétales des citoyens et des collectivités, explique Pierre Berneur, le président. Nous voulons permettre à ceux qui le souhaitent de perpétuer la vie à leur mort via un mode de sépulture régénératif et recourir aux forêts comme lieux de mémoire vivants. »
En 2022, l’association a pour objectif d’approfondir l’étude d’acceptabilité sociale et d’expérimenter le nouveau protocole sur les animaux. « C’est une alternative plus résiliente pour le territoire. L’humusation régénère les sols, diminue la pollution, crée du lien intergénérationnel et génère plus d’emplois locaux. » La société américaine Recompose estime que sa technique dépense huit fois moins d’énergie que la crémation.
A l’occasion des débats parlementaires sur le projet de loi 3DS, un amendement a été proposé par la députée Elodie Jacquier-Laforge, rapporteure du projet de loi à l’Assemblée nationale pour expérimenter l’humusation. Si la ministre de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales, Jacqueline Gourault, a émis un avis nuancé et la prudence des parlementaires l’a emporté, le sujet a été posé sur la table. « C’est une philosophie qui me plaît bien, admet Patrick Lerognon, secrétaire général de l’Union du pôle funéraire public. C’est le retour et la redevabilité à la terre, l’utilité. Après, il faut toucher à la tradition et en France c’est compliqué. Ce serait révolutionnaire. Et cela mettrait à mal le travail de nos partenaires. »
L’aquamation
Autre mode de sépulture présenté comme écologique : l’aquamation. Il s’agit de la crémation par l’eau. A la place du feu, une solution alcaline, composée d’eau chauffée à 95°C et 150°C et d’agents chimiques, dissout et décompose les tissus du corps. Au bout d’environ quatre heures, le corps devient un résidu d’eau, qui peut être retraité ou utilisé comme fertilisant. Les os sont ensuite réduits en poudre, comme dans le cas de la crémation par le feu. L’aquamation ne produit aucun rejet et consomme moins d’énergie que la crémation. L’entreprise britannique Resomation utilise cette technique, scientifiquement nommée « hydrolyse alcaline ». Dans le monde, elle est légale dans plusieurs états des Etats-Unis et du Canada, en Australie, aux Pays-Bas. Le Sud-africain Desmond Tutu, prix Nobel de la paix et décédé le 26 décembre 2021, a été réduit en poussière à l’aide de cette technique, à la faveur d’un vide législatif dans le pays.
La promession
La promession, autre technique innovante, consiste à plonger le défunt dans de l’azote liquide. Congelé au maximum, le corps devient extrêmement friable. On le place alors sur une table vibrante, qui le réduit en petits morceaux. Les morceaux lyophilisés, dont le volume est sept fois plus important que les cendres en cas de crémation (car seule l’eau a été enlevée), sont récupérés dans une urne. Ce procédé funéraire a été mis au point en Suède par la biologiste Susanne Wiigh-Mäsak.
Aujourd’hui, en France, aucune de ces trois techniques exposées ici n’est légale. Le mode de sépulture légal le plus écologique est l’inhumation pleine terre, sans caveau, ni pierre tombale, ni soins de conservation. « La demande écologique dans la mort des citoyens s’affirme de plus en plus, observe cependant Manon Moncoq, anthropologue du funéraire. D’elles-mêmes, les personnes ne s’imaginent pas un autre champ des possibles, mais si on leur en parle et qu’elles se rendent compte que c’est possible, elles veulent ça. »
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