« Vous contournez la place de la mairie et vous prenez la troisième rue après l’église. » Ces données géographiques approximatives renseignées par les habitants des villages feront bientôt partie du passé. Le projet de loi « 3DS » a pour ambition de rendre l’adressage obligatoire. Sous ce nom bureaucratique, la fin d’une particularité française qui permettait aux villages de moins de 2 000 habitants d’avoir des rues et places sans nom. Sauf qu’aujourd’hui « l’adresse est devenue un élément stratégique d’un point de vue numérique et économique », explique John Billard, vice-président chargé du numérique à l’AMRF.
Langue commune
L’AMRF soutient la réforme qui vise à accélérer la mise en place des « bases adresses locales » (BAL) utiles pour le déploiement du très haut-débit et à consacrer la compétence du conseil municipal en matière de dénomination des voies. « L’adressage est un service que l’on doit à nos concitoyens, que ce soit en termes d’accès aux secours, à la fibre ou aux livraisons », précise-t-on à l’association.
Patrick Chaize, sénateur (LR) de l’Ain, qui a réintroduit par amendement l’obligation dans le projet de loi cet été, confirme l’importance d’une adresse pour le déploiement de la fibre : « On a une multitude d’acteurs et tout le monde doit parler la même langue. »
Cette langue commune, c’est la « base d’adresses nationale » (BAN), qui contient la totalité des BAL. Auparavant, plusieurs bases, gérées par La Poste, la direction générale des finances publiques ou l’IGN, cohabitaient très mal. Désormais, tous les acteurs se rassemblent autour d’une seule base d’adresses, bientôt administrée par l’IGN. « Cela permet de partir d’un état des lieux partagé et reconnu par tous », se satisfait Patrick Chaize. Et d’éviter aussi aux maires de multiplier les signalements aux différents partenaires en cas de changements dans l’adressage.
Pour alimenter cette BAN, les BAL peuvent être renseignées par des prestataires, comme La Poste. Afin d’aider les collectivités qui n’ont pas les moyens de s’offrir une telle prestation, l’ANCT a mis à disposition une application web qui facilite la mise en ligne des noms de rues et des numéros, et leur mise à jour. « Beaucoup de secrétaires de mairie l’utilisent », indique Ariane Rose, responsable du projet à l’ANCT. Ce sont 5 100 communes qui gèrent leurs adresses via les BAL, l’objectif étant d’atteindre les 15 000 fin 2022.
Travail chronophage
Encore faut-il que les communes trouvent des noms à donner à leurs rues. Maire du Favril (370 hab., Eure-et-Loir), John Billard (SE) a mis deux ans pour identifier tous les lots, donner des noms aux trois rues de sa commune et instaurer une numérotation. « Il s’agit d’être méticuleux car, une fois l’adressage effectué, on ne peut plus revenir en arrière », prévient-il.
« On a souhaité conserver les noms de hameaux, mais nous avons aussi attribué aux rues des noms d’anciens maires ou de personnes ayant marqué la commune par leur activité ou leur identité », relate Philippe Meyzonet (DVD), maire de Félines (300 hab., Haute-Loire). Rosalie Morin, qui tenait un café dans le bourg et a aidé des maquisards et des familles juives pendant la guerre, donne ainsi son nom à une rue.
Pour sa part, le maire de Castanet (500 hab., Aveyron) a débuté l’adressage cet été afin de faciliter l’arrivée de la fibre. Une décision motivée aussi par les changements de facteurs qui ne connaissent plus les habitants. « On a choisi de prendre des noms par rapport à l’usage, mais n’avons pas consulté les habitants pour gagner du temps, car c’est déjà très chronophage ! »
« L’absence d’adresse précise conduisait parfois à des situations dramatiques »
Catherine Moulin, maire (DVG) de Faux-la-Montagne (400 hab., Creuse)
« Cet été, nous avons réfléchi aux noms à donner aux rues, places et chemins. L’absence d’adressage conduisait parfois à des situations dramatiques, surtout que les secours envoient de plus en plus des ambulances privées. C’est aussi une demande des habitants, lassés de devoir renseigner des livreurs perdus, même si certains nous ont reproché de jouer le jeu d’Amazon.
Les futurs noms ont été choisis avec l’aide des habitants que nous avons sollicités – 118 nous ont répondu. Une proposition consistait à ne mettre que des noms de femmes, mais pourquoi choisir une personne plutôt qu’une autre ? Nous nous sommes alors appuyés sur les éléments de notre patrimoine et les noms sur le cadastre. Prochaine étape : soumettre aux habitants une synthèse qu’ils pourront amender. »
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