« C’est notre couteau suisse », confie Valérie Bouvier, la directrice générale des services (DGS) du centre de gestion (CDG) de la Haute-Savoie. La cinquantaine active, David Page est un secrétaire de mairie itinérant. Il vadrouille entre dix communes, parfois éloignées, pour lesquelles il assure des remplacements ponctuels mais aussi du coaching. Car dans cette région de montagne où les villages ruraux voisinent avec les stations de sport d’hiver, le besoin en recrutement sur ce métier est vif. Et les nouveaux agents à ce poste émanent désormais souvent du privé.
Cumul de passions
« Je viens de former une personne qui travaillait auparavant dans la médecine humanitaire. Techniquement, il faut lui apprendre à faire un budget, payer une facture, rédiger des arrêtés, etc. Mais c’est ce que j’aime », sourit celui qui s’épanouit dans cette fonction depuis maintenant deux ans avec une compétence technique héritée d’une carrière passée à des postes de direction générale des services. Une transition « claire et raisonnée », précise l’agent de catégorie A dont le salon, transformé en atelier, accueille sa deuxième activité. C’est dans sa maison de Saint-Gervais, entre ses deux machines à coudre, des pots de peinture et des rouleaux de tissus qu’il imagine et fabrique ses créations : des sérigraphies sur textile inspirées par sa passion des cimes. Pas de fleurs ni de flocons mais des téléphériques, des télésièges, des skieurs aux lignes graphiques qui se déclinent sur des coussins, des trousses et des luminaires et qui trouvent aisément preneurs dans les boutiques de décoration et les hôtels des stations de ski. Une inclination artistique ancienne enfin réalisée.
Car malgré son admission, sitôt après le bac, à l’école des arts appliqués de Lyon, David Page n’en poussera pas la porte. Docile, le natif de Bourg-en-Bresse, fils d’un commercial de l’automobile et d’une mère employée d’une chambre de commerce, optera pour des études juridiques « plus rassurantes ». Sans renoncer à son attrait pour les alpages.
C’est à la communauté de communes de la région de Condrieu qu’il fait ses armes, d’abord comme chargé de mission. « Je n’étais pas perdu, c’est d’ailleurs la secrétaire de mairie du bourg principal qui m’a formé notamment sur l’aspect financier et le budget. » Le propre des territoires ruraux, c’est qu’il faut souvent tout faire soi-même et c’est ce qui lui plaît. David Page met en place les statuts de cette nouvelle structure intercommunale, établit des liens avec les services du département, la région, les missions locales.
Monter plus haut
Quasiment seul à son arrivée, il laisse huit agents quand il en part avec le concours d’attaché en poche et le statut de directeur. Après avoir mis sur pied la compétence « voirie », supervisé le marché pour la création d’une déchetterie et participé à la création d’une zone d’activité économique, le fonctionnaire a gagné ses galons pour viser plus loin. Mais ce qu’il souhaite surtout, c’est monter plus haut.
« J’étais basé sur le territoire du Pilat rhodanien, certes, mais ce n’était pas les montagnes, moi je briguais les Alpes. » Aussi, lorsque le poste de DGS de la station des Contamines Montjoie, en Haute-Savoie, se libère, il n’hésite pas. Avec ses 20 agents, une population de 1 200 habitants qui passe à 15 000 touristes en hiver, la commune cumule les défis. Il faut gérer un important service de collecte des ordures ménagères, le réseau d’eau et d’assainissement et le département du tourisme.
Le directeur y expérimente le recours aux fonds européen. « Pour monter le dossier, il fallait passer par un cabinet d’étude externe capable d’utiliser les bonnes références, le bon vocabulaire et de traduire le tout pour nos partenaires italiens. » Une expérience que David Page poursuit à la tête des services de la commune de Saint-Gervais, où il réside.
Aspirations artistiques
La collectivité est plus importante (50 agents), comporte de nombreux équipements touristiques et porte, là aussi, des projets européens. Mais le responsable y perd son naturel et sa bonne humeur. « J’étais moins sur le terrain, je n’avais plus le temps de me rendre aux réunions de chantier, j’étais dans une fonction de gestion et de management des chefs d’équipe. Or le “faire faire”, ce n’est pas mon truc », explique David Page qui relie ce sentiment autant à la montée en charge des contraintes normatives qu’à une certaine fatigue. Une posture que comprend Corentin Sommier. « C’est quelqu’un de doux dans le contact humain. Conciliant tout en étant bon technicien. Il aime avant tout le rapport aux autres », témoigne le responsable du pôle « administration générale » au CDG de la Haute-Savoie.
Contrarié par cet espacement du lien avec les agents et les usagers, David Page s’est donc replongé dans ses aspirations artistiques qu’il cumule avec le poste de secrétaire de mairie à temps partiel. Et l’agent quatre étoiles de défendre cette fonction d’hyperproximité nécessaire aux communes rurales.
« La polycompétence est inhérente à ce métier. Comme itinérant, il faut y ajouter le besoin d’être immédiatement opérationnel. » Sans compter la fonction sociale du secrétaire de mairie. « Il peut m’arriver d’aider un usager à remplir en ligne sa déclaration d‘impôt ou son dossier de retraite. » Alors quand on lui parle revalorisation du statut, il approuve et défend sans réserve.
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