Dans l’étude que vous venez de publier, les évaluations scientifiques internationales montrent un impact limité de la vidéosurveillance sur la prévention de la délinquance. Qu’en déduire ?
Les évaluations menées en Grande-Bretagne, en Suisse et en Australie présentent l’intérêt d’être scientifiquement solides. Toutes montrent que la vidéosurveillance peut se révéler efficace sous certaines conditions et selon des objectifs prédéfinis. Le problème est que les municipalités y voient un outil de prévention de la criminalité au sens large. Or, en matière de dissuasion, les études révèlent un impact limité de la vidéosurveillance dans les espaces publics. Quant à l’élucidation judiciaire permise par l’identification du délinquant ou du terroriste, elle est très marginale au plan statistique.
De nombreuses communes affichent pourtant des chiffres encourageants. Quelle est votre analyse ?
Les chiffres avancés par les villes, et surtout leur méthode d’élaboration et leur interprétation, me laissent sceptique. Ce sont systématiquement des statistiques globales sur la délinquance. Or aucune ville n’est en mesure d’affirmer qu’une baisse de la criminalité est due à ses caméras de surveillance, à sa police municipale, ou, par exemple, à ses actions de médiation. Aucune n’a mesuré les éventuels déplacements de la criminalité : dans l’espace, de cibles ou tactiques. Il est donc urgent que l’Etat lance une enquête indépendante et rigoureuse d’évaluation nationale.
Comment expliquez-vous l’engouement des élus locaux pour ce dispositif ?
Signe de notre époque, il y a tout d’abord une fascination pour l’outil technologique. Pour les élus en prise avec les problèmes de délinquance, tout se passe comme si la vidéosurveillance pouvait réussir là où les autres dispositifs de prévention et de sécurité auraient échoué. Ce choix d’investissement est également une action hautement symbolique dirigée vers les administrés : la vidéosurveillance est visible par tous, se veut rassurante et traduit une implication concrète du maire pour améliorer la sécurité urbaine. L’actuel glissement sémantique vers la « vidéoprotection » ou la « vidéotranquillité » accompagne ce discours protecteur. Mais, il ne saurait masquer la fonction de l’outil qui est bien de surveiller !
Propos recueillis par H.J.
Cet article fait partie du Dossier
Faut-il développer la vidéosurveillance ?
Sommaire du dossier
- L’essentiel – Faut-il développer la vidéosurveillance ?
- Une technologie en plein essor, à l’épreuve de l’évaluation (1/2)
- Une technologie en plein essor, à l’épreuve de l’évaluation (2/2)
- Un équipement qui pèse lourd sur les budgets municipaux
- INTERIALE
- Infographie : Les coûts de la vidéosurveillance et de la sécurité
- Libertés publiques : vers un nouvel encadrement juridique ? (1/2)
- Libertés publiques : vers un nouvel encadrement juridique ? (2/2)
- Interview de Tanguy Le Goff, sociologue à l’IAURIF
- Interview de Philippe Melchior, président du Comité de pilotage stratégique pour le développement de la vidéoprotection
- Pratiques des collectivités (1) – Vallée de Montmorency : l’intercommunalité dans l’œil des caméras
- Pratique des collectivités (2) – Draguignan : la ville éradique le stationnement en double file
- Pratique des collectivités (3) – Brignoles : profiter de la performance d’un wimax sans payer de licence
- Réglementation
- Ressources documentaires
Thèmes abordés