Le groupe de travail sur les perspectives d’aménagement du territoire a auditionné le 8 décembre cinq chercheurs et professionnels de l’urbanisme pour réfléchir sur les enjeux, du périurbain, qui accueille aujourd’hui 18 millions d’habitants, et rassemble 10 à 12000 collectivités locales. « Certains voient le périurbain comme une menace pavillonnnaire, individualiste, et les trajets domicile – travail comme une source d’émission de gaz à effet de serre. D’autres ont un regard plus nuancé sur la croissance du périurbain, ils y voient la résurgence d’un esprit villageois. Parfois on naît dans la ruralité, et on devient périurbain », a résumé en ouverture des débats le président de la commission de l’aménagement du territoire, Jean-François Longeot.
Comment développer des mobilités plus douces, notamment le vélo, comment accueillir de nouveaux habitants à l’heure du zéro artificialisation nette, et garder les plus démunis… Les questions soulevées ont été multiples, et les réponses parfois compliquées à donner pour les chercheurs invités.
Le sociologue et urbaniste Eric Charmes a tout d’abord soulevé la nécessité de sortir du débat stérile opposant maisons individuelles et transition écologique. « Il sera difficile d’avancer dans la transition écologique en s’opposant à un type de logement que souhaitent 80% des Français, et qui est tout à fait adaptable aux nouveaux enjeux », a-t-il soulevé, proposant de miser les jardins en réduisant leur artificialisation. Sur la question des mobilités, il a rappelé que les travaux menés démontrent que la densification des logements dans le périurbain n’a que peu d’impact sur les émissions de carbone. La concentration de l’urbanisation autour de pôles a en revanche plus d’impact, mais le stock des constructions « émiettées » demeure de toute façon.
« L’urbanisme peut peu de choses en résumé. Pour atteindre le facteur 4 en terme d’émissions de gaz à effet de serre, il faut soit rentrer dans une sobriété des déplacements, soit développer le moteur électrique, et les déplacements à vélo ». Enfin le chercheur a suscité quelques grincements de dents quand il a évoqué la gouvernance de ces territoires, et le rôle du département comme représentant des territoires périurbains, et ressource en ingénierie. « Il a une légitimité politique, mais le problème c’est sa gouvernance ».
Quelle gouvernance des communes périurbaines ?
L’architecte- urbaniste Frédéric Bonnet sur cette question de la gouvernance des territoires périurbains, juge que « les intercommunalités XXL sont une véritable catastrophe, il faut retrouver des niveaux intermédiaires. Il faut favoriser la capacité des territoires à s’occuper d’eux-mêmes, et reconnaître les interdépendances. Cela suppose de développer des contractualisations avec les métropoles, en terme de gouvernance, de planification urbaine… » Les questions de gouvernance ont soulevé beaucoup de commentaires de la part des sénateurs.
Pour la géographe Monique Poulot, qui travaille sur le versant rural du périurbain, deux grands enjeux se posent : la valorisation des aménités paysagères dans ces territoires, et la place des activités agricoles, alors que le périurbain concentre 40 à 70 % du potentiel agricole français. « Les innovations en matière agricole se concentrent beaucoup dans ces territoires, ce qui pose la question de la préservation du foncier, mais le zonage peut-il suffire à le préserver ? « .
Adapter l’offre de logements
Le géographe Laurent Cailly est quant à lui intervenu sur le devenir du périurbain avec la crise sanitaire : « Le covid annonce une reprise de la périurbanisation, mais comment gérer ce desserrement résidentiel dans le contexte du zéro artificialisation nette ? Se pose la question de la réhabilitation du stock de logements existants, de la production sur des parcelles de plus en plus petites, et aussi de diversifier l’offre et le stock pour permettre la mobilité résidentielle des périurbains, et répondre au vieillissement de la population ».
Sur cette question, le géographe Lionel Rougé estime « qu’il y a un processus d’ajustement au vieillissement des zones pavillonnaires, car ces maisons sont un patrimoine financier, et se génère un attachement aux lieux, aux sociabilités, une forme d’apprentissage de la vie périurbaine. Sur le discours de la mobilité, il y a plutôt un désir d’ancrage, des périurbains, de proximité. Et au delà du discours sur l’étalement urbain, on peut repérer des formes de petite densification autour des gares, de polarité secondaire, qui amènent une vitalité commerciale. Il y a une forme d’hybridation des possibles rural-urbain. »
Si les chercheurs ont démonté un certain nombre d’idées reçues, leurs propositions et remarques ont parfois été reçues avec scepticisme, comme sur le sujet du développement du vélo ou du covoiturage, ou de la densification.
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