C’était le 1er décembre : Régions de France inaugurait sa représentation permanente à Bruxelles. Deux commissaires européens, le représentant permanent de la France auprès de l’Union européenne (UE), des eurodéputés, le président du Comité européen des régions… rien que du beau monde, ce jour-là, autour de Renaud Muselier, le très européen président de Paca et président délégué de Régions de France. C’est lorsqu’il dirigeait l’association qu’a germé l’idée d’ouvrir une antenne à Bruxelles, même si le pas est finalement franchi après le passage de flambeau à Carole Delga en juillet.
Sous le radar
Pourquoi maintenant ? Question de timing avec la présidence française du Conseil de l’UE, qui débute le 1er janvier 2022, et qui sera en partie exercée par un gouvernement moins visible en affaires courantes pour cause d’élection présidentielle. La décision d’ouvrir le bureau a été prise à l’unanimité des présidents de région, s’empresse de préciser l’association. Les mots-clés, ici, sont « complémentarité » et « coopération ». « Notre rôle n’est certainement pas d’empiéter sur les affaires des régions. Mais il y a plein de sujets communs où elles ont plus intérêt à parler ensemble que chacune de leur côté, où l’on est mieux identifié si l’on parle d’une seule voix. D’autant que l’on peut parfois avoir un son un peu discordant par rapport à l’Etat », explique Pierre-Edouard Altieri, qui dirige la représentation depuis le 1er septembre.
Régions de France rejoint ainsi, à Bruxelles, l’ensemble des autres régions françaises, présentes dans la capitale belge depuis parfois plus de vingt ans. Quelques métropoles aussi, qui ont fait le choix d’y être en solo – la métropole européenne de Lille (MEL), Grenoble-Alpes métropole et la métropole de Lyon. « On s’entend bien avec la région, on se voit régulièrement, mais on ne travaille pas sur le même champ. On ne se sentait pas forcément représenté par le bureau de la région », raconte Christophe Bolot, qui dirige le bureau de la MEL depuis son ouverture en 2017. L’avantage d’être à Bruxelles ? « A partir du moment où vous n’y êtes pas, l’information circule moins, moins vite et de manière imparfaite », répond Pierre-Edouard Altieri. « C’est la garantie d’être sous le radar des institutions européennes. Aujourd’hui, on est sollicité. Avant, Lille n’avait pas forcément d’image auprès des fonctionnaires européens. Je pense que là, on en a une », expose, pour sa part, Christophe Bolot.
Bureau de représentation
Pour les collectivités à Bruxelles, la volonté de « peser », d’influencer, fait toujours partie de la démarche. Mais ce n’est pas nécessairement la mission principale d’un bureau, précisent nos interlocuteurs. « La mission de lobbying est plus ou moins développée selon les régions », opine Aude Körfer, qui dirige la délégation Bretagne. Et elle passe alors par les relais politiques. C’est Renaud Muselier qui profite de son passage à Bruxelles afin de faire le tour des institutions avec l’objectif de « capter 10 milliards d’euros de fonds européens » pour sa région. C’est Benoît Payan, maire (PS) de Marseille, qui fait le déplacement le 29 novembre pour défendre la candidature de sa ville à un appel à projets désignant « 100 villes climatiquement neutres en 2030 » – subsides européens à la clé. C’est Loïg Chesnais-Girard, président (PS) de la Bretagne, qui rencontre le commissaire européen chargé de l’Environnement et de la pêche le 1er décembre pour parler lait breton bas carbone – « là où la Commission a tendance à ne voir que la production de méthane des vaches » – et pêche zéro carbone afin de signifier à Bruxelles « la volonté de la Bretagne de travailler sur des bateaux expérimentaux », rapporte-t-il.
Ce bureau de représentation, Loïg Chesnais-Girard le voit comme « une véritable base de la Bretagne à Bruxelles », évoquant un vrai travail de tandem avec les directeurs de l’administration régionale « pour vérifier que nos initiatives sont en phase avec ce qui se prépare à Bruxelles et passer des messages sur les politiques que nous voulons lancer ».
L’importance du réseau
Etre à Bruxelles, c’est se donner les moyens de travailler en réseau. « Le but, c’est d’être le moins seul possible, parce que si l’on est seul sur un sujet, la probabilité de réussir à le porter au niveau européen est très faible », acquiesce Aude Körfer. Des relations privilégiées se nouent ainsi, que seule rend possible une présence physique. « A Bruxelles, on est beaucoup plus présent et acteur dans les réseaux et cela fait émerger de nouveaux partenariats », confirme Christophe Bolot. C’est comme ça qu’est née la coalition des « agrirégions », qui permet de porter la voix des régions sur la politique agricole commune.
Une fonction « réseautage » très utile aussi pour répondre à des appels à projets européens, nécessitant, la plupart du temps, d’impliquer des partenaires de plusieurs pays. « Nous nous ouvrons sur d’autres manières d’agir, de penser, de construire des politiques publiques. Et c’est important aussi », appuie Loïg Chesnais-Girard.
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