Il est connu de tous les parlementaires. A 61 ans, Jacques Armesto est bien plus que le président de la FNGC. Il incarne cette France rurale dont les élus aiment à se réclamer. Depuis près de trente ans, par-delà les clivages politiques, ce personnage haut en couleur, au franc-parler légendaire et à la tenue toujours impeccable, arpente les couloirs de l’Assemblée nationale, du Sénat et des ministères pour défendre à cor et à cri le métier de garde champêtre.
L’enfant du pays
Son dernier combat, la loi « sécurité globale ». Ces derniers mois, le président de la FNGC et ses collaborateurs ont arrosé les élus de courriers et d’emails. A tel point qu’à l’Hémicycle, Jean-Michel Fauvergue, corapporteur de la proposition de loi relative à la sécurité globale, n’a pas hésité à « décerner le César du lobbying à des amis particulièrement actifs, j’ai nommé bien sûr les gardes champêtres ».
Et le député de la 8e circonscription de Seine-et-Marne de poursuivre : « Il n’y a pas eu un député, il n’y a pas eu un sénateur qui n’ait reçu un mail ou une proposition d’amendement. Ils sont cités à toutes les pages du texte, ou presque. Ils le méritent bien car ils incarnent l’image sympathique de nos territoires et de notre ruralité. » Francis Cros, son maire et employeur de La Salvetat-sur-Agout (Hérault), confirme : « Jacques, c’est le modèle parfait du garde champêtre. »
Alors que ses fonctions de président de la FNGC auraient pu lui permettre de postuler dans à peu près n’importe quelle commune, Jacques Armesto n’a jamais quitté sa ville natale et ses 1 200 habitants. « C’est un enfant du pays, sourit le maire qui l’a connu sur les bancs de l’école. Il connaît tout le monde et tout le monde le connaît ! » Assis à son bureau, dont les murs sont ornés de cartes géographiques et de texte réglementaires, Jacques Armesto s’en amuse : « Je suis né ici, j’ai grandi ici et c’est ici que j’ai été titularisé garde champêtre. » C’était en 1986.
A priori, rien, pourtant, ne le destinait à embrasser cette profession : « J’étais pompier volontaire. A l’armée, je me suis engagé dans l’unité d’intervention de la sécurité civile. J’ai passé le concours de garde champêtre en pensant n’y rester que le temps de devenir pompier. Puis j’ai eu un grave accident de voiture. Et j’ai fait carrière comme garde champêtre ! » Il ne l’a jamais regretté.
Très vite, Jacques Armesto se prend de passion pour ce métier qu’il juge méconnu et insuffisamment reconnu. « Les gens se représentent le garde champêtre avec son tambour, mais c’est une image d’Epinal ! Ils oublient qu’il avait aussi un sabre et qu’il est aujourd’hui compétent dans 150 domaines : police routière, de l’eau, de la pêche, etc. » observe-t-il.
Larrons en foire
Sa rencontre en 1991 avec Georges Collanges, alors président de l’association des gardes champêtres du Puy-de-Dôme, va sceller son destin. « J’avais 30 ans, lui 70. Il avait chez lui des étagères pleines de livres sur les gardes champêtres. On s’est entendus comme larrons en foire ! » se souvient-il.
L’année précédente, Jacques Armesto a adhéré à un syndicat de la police municipale. « Il y avait 20 policiers municipaux et quatre gardes champêtres. On n’évoquait pas nos problèmes. Je me suis dit : il faut créer une fédération des gardes champêtres. Pas un syndicat, on est trop peu nombreux pour être divisés, une fédération. J’en ai parlé à Georges Collanges, et voilà », raconte-t-il.
La FNGC voit le jour en 1992, avec à sa tête Georges Collanges. Jacques Armesto lui succède à sa mort, en 1995. Depuis, avec ses collaborateurs proches, il épluche un à un les textes en cours ou à venir : « On fait de la veille. Les textes peuvent partir de l’Assemblée nationale, du Sénat. Il ne faut rien rater. C’est comme ça qu’on peut se défendre, rédiger des propositions d’amendements. » Alors, depuis trente ans, l’homme tisse sa toile. Ministères, Parlement, médias…
Rien n’est oublié pour défendre ceux qu’il surnomme « les oubliés ». « Nous sommes 700 à 800 gardes champêtres en France. Notre seul moyen, c’est le lobbying, assume-t-il. Il faut avoir un réseau. » Reconnaissance suprême, en 2000 il a été promu chevalier de l’Ordre national du Mérite.
Un regard acéré
La fédération a de jolis succès à son actif. « L’intercommunalité, le droit, depuis 1999, de partager un garde champêtre ; la revalorisation du cadre d’emplois ; les réformes du code de l’environnement, en 2012, qui ont accru nos pouvoirs, énumère-t-il. Mais il reste encore beaucoup à faire. » Car pour lui, le combat n’est jamais fini. En 2023 il prendra sa retraite, après trente-sept ans de carrière. « Mais je vais continuer à travailler pour la fédération, dans l’ombre. Et j’espère qu’un de mes collaborateurs prendra la relève », espère-t-il. D’ici là, c’est toujours avec la même passion qu’il revêt chaque matin sa tenue de garde champêtre : « Je prends mon VTT et je pars faire le tour du bourg. Je prends la température, je règle les problèmes, je fais un point en mairie… Et l’après-midi, je repars en patrouille, en général en 4×4. »
Problèmes de voisinage, dépôts sauvages, stationnement anarchique… Rien n’échappe à son regard acéré. « Le garde champêtre, c’est comme le facteur, le lien social, commente Francis Cros. Jacques, ce sont les yeux et les oreilles du maire, jusque dans les hameaux les plus reculés. »
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