Et finalement, les départements qui clôturent leur congrès aujourd’hui 2 décembre à Bourg-en-Bresse, s’en sortent plutôt bien. Une fois la crise (peut-être) passée, ce niveau de collectivité, à qui l’on prévoyait le pire compte tenu du caractère cyclique de ses ressources mais aussi de ses dépenses notamment sociales, va effacer la baisse d’épargne brute de 1,3 milliard d’euros enregistrée en 2020 pour atteindre 9,3 milliards d’euros (+18,5 %).
Hausse insolente des DMTO
Selon la dernière note de conjoncture de la Banque Postale, ce ressaut provient notamment d’une croissance insolente des DMTO en 2021 estimée entre 20 et 30 % selon les sources pour culminer autour de 14 milliards, soit près de 30 % des recettes fiscales des départements – mécaniquement en hausse de 5,8 % cette année – et 20 % de leurs recettes de fonctionnement.
Là encore, la légère baisse de ces droits de mutations de 2 % enregistrée en 2020 est largement effacée, même si ce produit est très inégalement réparti sur le territoire. Ces DMTO représenteraient quasiment l’intégralité de la progression totale des recettes fiscales. En d’autres termes, les départements sont pratiquement les seuls « gagnants fiscaux » de l’année, grâce à des transactions immobilières qui atteignent des records, portées par le niveau très bas des taux d’intérêt des emprunts immobiliers. Selon la Banque postale le volume de ventes de logements anciens en cumul sur les douze derniers mois de juillet 2020 à juillet 2021 atteignait « 1 192 000 transactions ».
Dépenses maîtrisées
Côté dépenses, la montée en flèche du nombre d’allocataires du revenu de solidarité active (RSA) de 2020 (+6,1 % en moyenne) s’inverse en 2021. Selon la Direction de la recherche du ministère des Solidarités et de la Santé, 1,941 millions de personnes ont perçu le RSA en mai 2021, contre 1,926 millions en février 2020 après avoir atteint un record de 2,07 millions d’allocataires en novembre 2020. Parallèlement, les dépenses ont reculé de près de 3 % au premier trimestre 2021 par rapport au 1er trimestre 2020. Au final, les dépenses sociales ne devrait progresser que de 2,4 % en 2021 alors, qu’une fois retraitée la recentralisation du RSA à la Réunion, elles avaient grimpé de 3,9 % en 2020.
Ce satisfecit est fragile. D’une part, subsiste toujours le déséquilibre structurel introduit par la suppression de la taxe d’habitation qui s’est traduit pour les départements par l’introduction d’une part de TVA en lieu et place de son produit de taxe foncière cédé aux communes. A chaque crise, la TVA est donc susceptible de baisser alors que les dépenses départementales, à 60 % sociales, sont susceptibles d’augmenter. C’est le fameux effet ciseaux, dont l’automaticité n’a été stoppée que par un dispositif volontariste de soutien à l’activité du gouvernement. En 2022 au contraire, les départements devraient bénéficier d’un surcroît de TVA de 800 millions d’euros et voir leurs dépenses de RSA rester stables. Mais pas les autres dépenses sociales.
Mur financier du vieillissement de la population
En 2021, les autres allocations individuelles de solidarité (AIS), l’allocation personnalisée d’autonomie (APA) et la prestation de compensation du handicap (PCH), devraient continuer à croître à un rythme de croissance proche de celui des années antérieures, respectivement + 1,7 % et + 4,0 %.
Pire que le mur économique qui peut se dresser à tout moment sur la route des départements, se dresse l’incontournable muraille démographique : selon les dernières estimations de l’Insee publiées lundi 29 novembre, la France pourrait compter en 2070 autour de 5,7 millions de seniors de plus de 75 ans de plus qu’aujourd’hui, mais également 5 millions de moins de 60 ans de moins. Dès 2040, le rapport de dépendance démographique c’est-à-dire le rapport entre les actifs et inactifs passerait de 37 retraités pour 100 actifs à 48 à 53, selon les projections de natalité et de mortalité.
Cette trajectoire démographique n’est pas sans conséquence pour les départements. Ils financent la dépendance via l’allocation personnalisée d’autonomie (APA), l’aide sociale à l’hébergement (ASH), « ce qui équivaut à 4,4 milliards d’euros en 2020 et concentre 56 % de l’aide sociale aux personnes âgées versée par les départements, soit presque 8 % de leurs dépenses de fonctionnement » rappelle la Banque postale.
En incluant la prestation de compensation du handicap qui en triplé en 20 ans, mais aussi les subventions à verser aux associations d’aides à la personne ou les charges directes de personnels liés au secteur social, le poids financier du grand âge ne sera bientôt plus supportable sans mesure de soutien ou réforme d’ampleur.
Déjà les départements souhaitent pouvoir retrouver un peu de marge de manœuvre fiscale avec la possibilité de moduler de 0,2 % supplémentaire le taux des DMTO. Edouard Philippe y était favorable dès 2018 mais Bercy avait mis alors son veto. Face au « péril vieux » pour paraphraser le célèbre film de Cédric Klapisch, il faudra aller plus loin que cette libéralité autour des DMTO ou la création de fonds de sauvegarde. Les départements souhaitent à terme remettre à plat la structure même de leurs recettes qui passe par « une autonomie d’au moins 50 % de leurs ressources ». Il faudra au préalable convaincre le prochain gouvernement et peut-être davantage Bercy.
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