Tout récemment, une note de la direction générale de l’administration et de la fonction publique (DGAFP) est venue préciser les conditions de mise en œuvre du forfait télétravail dans la fonction publique et les collectivités. Les modalités de celui-ci ont été fixées par le décret d’application paru le 26 août dans le cadre de l’accord télétravail, signé le 13 juillet 2021. Cette indemnité est égale à 2,50 euros par journée de télétravail effectuée. Elle nécessite toutefois une délibération au cours de laquelle peut également être défini un plafond annuel inférieur à 220 euros par an.
Or, à ce jour, la mesure ne semble pas vraiment intéresser les collectivités. « Le retour de mon bureau est clair, la quasi-totalité d’entre elles ne mettent pas en place ce forfait », rapporte Patrick Coroyer, président de l’Association nationale des DRH des territoires et DRH de la ville et métropole de Nantes.
Même constat du côté de l’Association nationale des directeurs et directrices des ressources humaines des grandes collectivités territoriales (ANDRHGCT). « Trop de limites à l’exercice », c’est la principale raison qui retient les collectivités selon Nicolas Lonvin. Le directeur général des services du centre de gestion du Finistère et membre du bureau de l’association estime que « plutôt que d’indemniser, il faut surtout donner aux agents les moyens de bien travailler à distance. »
Inéquité et course à l’indemnité ?
Plusieurs voix s’élèvent pour dire que cette indemnité introduit de fait une inéquité entre les agents exerçant des fonctions télétravaillables et les autres. Celle-ci peut d’autre part avoir comme conséquence de pousser les agents à maximiser le nombre de jour télétravaillés pour percevoir cette indemnité sans tenir réellement compte des besoins de leur fonction.
Certes, le plafond annuel de 220 euros prévient en partie cet écueil, « mais cela veut aussi dire que vous indemnisez certains jours et d’autres pas, notamment dans le cas d’un agent télétravaillant deux ou trois jours par semaine » remarque Nicolas Lonvin. C’est aussi le cas si une collectivité décide d’instaurer par délibération un forfait télétravail dans la limite de 150 euros par an (ce qui représenterait 60 jours de télétravail indemnisés).
Pas de prise en compte des spécificités métier
« Ce forfait ne tient en outre pas compte de ce que le télétravail coûte réellement à l’agent. Pour certain, travailler à distance économise du temps de trajet et donc un budget de carburant, ce qui ne sera pas le cas pour d’autres agents. La variabilité des situations est à mon sens un facteur limitant du recours à l’indemnisation, d’autant qu’elle ne peut pas être majorée. Il n’y a donc pas de marge de manœuvre » précise Nicolas Lonvin. Dans sa collectivité, le directeur a préféré évaluer les besoins service par service en s’appuyant sur la remontée des agents. « Pour l’un cela peut être une chaise ergonomique, pour d’autres, les comptables par exemple, le besoin d’un deuxième écran. Même si ces agents disposent déjà d’un ordinateur portable, le financement d’un deuxième écran est justifié par la nature même de leur activité ».
Un état des lieux partagé par Patrick Coroyer. « Il existe la reconnaissance d’un coût de chauffage, d’électricité pour les télétravailleurs. Toutefois, il y a des gains en parallèle : le moindre coût de déplacement notamment et une meilleure articulation temps privé, temps de travail ». En conséquence, sur le terrain, le directeur des ressources humaines observe que « peu d’organisations syndicales accompagnent cette demande. Les collectivités qui appliquent une prime en appliquait déjà une ». C’est le cas par exemple de la région Ile-de-France.
Le discours des syndicats diffère
L’Unsa-Territoriaux n’a pas ce discours. « Ces arguments ne sont que prétextes pour ne pas mettre en place cette indemnité. Chaque collectivité devrait, en toute logique, ouvrir des négociations avant la fin de l’année » réplique Luc Farré, son secrétaire général. Celui-ci ajoute « S’il y a refus de créer cette indemnisation, pourtant obligatoire à l’Etat et à l’hospitalière, c’est avant tout car certains élus ne souhaitent pas indemniser les agents en télétravail, souvent pour de fausses raisons budgétaires ».
Même son de cloche du côté de la CGT Fonction publique, qui défend la prise en charge des frais liés au télétravail et approuve la mise en place d’un forfait et non pas d’une prime. En revanche, la confédération critique, entre autres, le montant de cette indemnisation, son optionnalité pour la fonction publique territoriale et la non proportionnalité au nombre de jours hebdomadaire de travail.
Questionnée sur la mise en œuvre de ce forfait par les collectivités, la DGCL nous répondu ceci : » Considérant la jeunesse de ce dispositif d’indemnisation des frais issus du télétravail et son caractère commun aux trois fonctions publiques, il n’est pour l’instant pas envisagé d’y apporter des modifications ». Les employeurs territoriaux et les syndicats devront donc trouver localement des accords.
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