Trop, c’est trop. « Le Pays basque n’est pas à vendre ! » Des affiches portant ce slogan ont fleuri ces derniers mois sur les vitrines des agences immobilières. Victime de son succès, le littoral des Pyrénées-Atlantiques est saisi par une frénésie immobilière que les confinements successifs et l’expansion du télétravail n’ont fait qu’amplifier. La crispation gagne les habitants mais aussi les élus locaux, qui prennent tour à tour la parole sur le sujet, tous bords politiques confondus.
Car les prix devenus excessifs à l’achat jouent, par un effet domino, sur ceux des locations. Conséquence : « Des habitants contraints de s’éloigner toujours plus, d’effectuer de longs trajets domicile-travail, engendrant des coûts de carburant et de la pollution », regrette Alain Iriart, maire (EHBai) de Saint-Pierre-d’Irube (5 200 hab., Pyrénées-Atlantiques), qui jouxte Bayonne.
Un statut de « résident »
Toujours sur cette côte, en Bretagne, même combat. Les ventes de résidences secondaires ont explosé avec la crise sanitaire, le nombre de résidents partiels aussi. Au point que, lors des élections régionales de juin, la liste écologiste Bretagne d’avenir a proposé la création d’un statut de « résident ». Le principe : seules les personnes habitant depuis au moins un an dans une interco pourraient y acheter un logement. Un moyen de favoriser les « locaux » ou « habitants permanents ».
La proposition a suscité un tollé chez bien des politiques, qualifiée d’anticonstitutionnelle, suspectée d’atteinte au droit français de la propriété et de discrimination envers des populations aisées. C’est l’avis d’Erven Léon, maire (DVD) de Perros-Guirec (7 100 hab., Côtes-d’Armor) : « Les propriétaires des résidences secondaires ont des racines ici et font vivre l’économie. La vraie problématique concerne le manque de logements locatifs à l’année, lié à l’apparition d’Airbnb. »
Le levier de la fiscalité
Comment agir ? Accroître la part de logements sociaux et abordables dans les programmations, tel est le premier outil brandi par les élus. A Chamonix-Mont-Blanc (8 600 hab., Haute-Savoie), le plan local d’urbanisme en cours de discussion va porter de 25 à 50 % le taux de logements sociaux dans chaque programme immobilier privé situé dans un « secteur stratégique » de la ville. Objectif : « Créer un stock de logements permanents qui seront vendus à un bailleur social ou à la commune », expose Eric Fournier, maire (UDI) de la fameuse station alpine.
Mais c’est surtout sur le front de la fiscalité que les élus veulent se battre. Marie-Pierre Burre-Cassou, maire (SE) de Guéthary, propose ainsi la majoration de la taxe additionnelle sur les droits de mutation à titre onéreux (DMTO ou droits de notaire) et de celle sur les plus-values en cas de mutation d’une résidence principale en secondaire ; et, à l’inverse, la réduction ou suppression de ces taxes lorsqu’un bien est vendu à la commune ou à un bailleur social.
Depuis la loi de finances de 2017, les agglomérations de plus de 50 000 habitants peuvent porter la part communale de la taxe d’habitation sur les résidences secondaires de 20 à 60 %. Après Paris, Lyon, Montpellier, Nice et Bordeaux, Marseille (868 300 hab.) a récemment décidé d’appliquer cette surtaxe à partir de 2022. L’idée étant de remettre des logements sous-occupés dans le circuit de la location.
Député (LREM) de la Haute-Savoie, Xavier Roseren ferraille depuis plusieurs années pour que cette disposition soit étendue à toutes les collectivités, quelle que soit leur taille, notamment les petites communes touristiques de montagne. Cette année encore, il a proposé un amendement au projet de loi de finances pour 2022 dans ce sens, en vain. « Dans des villes comme Chamonix, on compte 70 % de résidences secondaires. Etendre cette mesure fiscale aux petites communes touristiques vise à rééquilibrer la balance en faveur de l’habitat permanent », estime-t-il.
Un travail avec les notaires
Des propos appuyés par le député de Haute-Corse Jean-Félix Acquaviva (Libertés et territoires) au sein de la commission des finances : « On dénombre des “lits froids” bloqués pendant dix mois de l’année alors que les habitants peinent à se loger. Aucun opérateur social ne peut réaliser de programme au vu des prix du foncier. » Pour Xavier Roseren, « il faudrait que les PLU puissent faire le distinguo entre résidences principales et secondaires, et réserver des terrains aux unes et aux autres, ce que la loi ne permet pas actuellement. »
Dans la station très prisée de Haute-Savoie, le maire, Eric Fournier, a osé le faire. Il y a dix ans, à la suite d’un groupe de travail mené avec des notaires, une taxe locale sur la plus-value issue des ventes de résidences principales ayant bénéficié d’une aide initiale de la commune – subvention pour l’accession sociale, par exemple – a été adoptée. Elle est appliquée par tous les notaires de Chamonix.
Le principe ? « 30 % de chaque plus-value engendrée sont rétrocédés à la ville pour lui permettre de construire des logements abordables », explique l’édile, qui juge qu’il s’agit d’un moyen de contenir l’envolée des prix. Et de citer la Suisse voisine qui a adopté une loi fédérale limitant à 20 % la part de résidences secondaires dans toutes les communes.
En France, le logement va-t-il enfin sortir de l’angle mort des débats autour de l’élection présidentielle ? Il serait plus que temps.
« Guéthary ne doit pas devenir un village de vacances »
Marie-Pierre Burre-Cassou, maire (SE) de Guéthary (1 300 hab., Pyrénées-Atlantiques)
« Quand j’ai vu une villa à vendre à 19 millions d’euros dans une commune voisine, alors qu’elle l’avait été pour 7 millions quatre ans plus tôt, je suis sortie de mes gonds. J’ai écrit aux parlementaires puis au Premier ministre et à la ministre du Logement pour leur faire des propositions de fiscalité. Ma commune compte 50 % de résidences secondaires. A ce rythme, nous serons à 60 ou 70 % dans dix ans. Guéthary ne doit pas devenir un village de vacances qui vit quelques mois pendant l’année ! Il est de notre responsabilité de permettre aux jeunes, aux familles, aux seniors de se loger sur place, ce qui n’est presque plus possible.
Je suggère de créer des dispositifs incitatifs pour que les propriétaires rénovent leurs logements vacants et de taxer les locations saisonnières, de septembre à juin. Il faut aussi instaurer une garantie universelle des loyers afin d’inciter les propriétaires à louer à l’année et pouvoir sanctionner les locataires mauvais payeurs. Revoir la fiscalité des successions pour faciliter la transmission intrafamiliale d’un bien est aussi nécessaire. Enfin, il faudrait que l’abattement fiscal sur les loyers de location de logements vides à l’année soit plus incitatif. »