« Qu’il soit possible de se former sans se rendre dans une grande métropole, je crois énormément à cet axe de progrès pour les villes moyennes » : c’est, en quelque sorte, sous le patronage du chef de l’Etat, Emmanuel Macron, que l’Association des villes universitaires de France (AVUF) s’est placée, jeudi 21 octobre 2021, en organisant un webinaire sur l’avenir des sites universitaires dans ces aires urbaines qui aiment se qualifier de « villes d’équilibre ». Le choix de diffuser un extrait de son intervention du 7 septembre, en clôture de la quatrième rencontre nationale Action Cœur de ville ne devait bien sûr rien au hasard.
Parfois trouver l’amour
Le président de la République y défendait une « accélération » du développement de filières et d’antennes universitaires dans les villes moyennes. Il y voyait un moyen de revitaliser ces dernières. Et, par exemple, de « commencer à régler pour partie la question des déserts médicaux quand un étudiant peut y débuter sa formation de médecine, y a noué des amitiés, parfois trouvé l’amour et donc commencé à s’établir », avait-il illustré. « A contrario, si tout se passe à la métropole, il ne faut pas s’étonner d’avoir du mal à faire revenir les étudiants qui y ont déjà bâti leur vie », avait-il observé.
Dépasser le seul discours
Un propos que ne pouvaient que savourer les dix-neuf participants, représentants de collectivités de toute la France, d’Aurillac (Cantal) à Arras (Pas-de-Calais), d’Arles (Bouches-du-Rhône) à Saint-Lô (Manche). Chacun espérant que l’appui affiché par l’exécutif « ne relève pas seulement du discours », selon le mot du vice-président de la Communauté d’agglomération de Cambrai (Nord), Sylvain Tranoy, qui « ne se sent pas soutenu par l’Etat de manière palpable ». Il suggère ainsi au gouvernement « d’accorder un bonus aux universités pour les inciter à développer des sites de proximité ». Et non à limiter les capacités de ceux déjà existants.
Economiser
Car des universités de rattachement « tendent à vouloir faire des économies sur leurs antennes secondaires », déplore Sylvie Frizzi, chargée de mission Enseignement supérieur et recherche (ESR) à la Communauté d’agglomération d’Agen (Lot-et-Garonne), en visant celles de Bordeaux (Gironde). Maire de Foix (Ariège), Norbert Meler s’inquiète des conséquences pour ses trois pôles d’enseignement si l’université de Toulouse (Haute-Garonne) devait avoir des intentions similaires. Elue de la Roche-sur-Yon (Vendée), Françoise Raynaud émet les mêmes craintes venant de son université de tutelle, Nantes (Loire-Atlantique).
Une nouvelle étape
Directeur du programme Action Cœur de ville à l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT), Rollon Mouchet-Blaisot se présente comme l’allié des élus locaux, dont il entend et appuie les revendications. Il salue ainsi la décision d’Emmanuel Macron de prolonger jusqu’en 2026 le programme qu’il supervise et qui arrivait à échéance en 2022. « Dans cette nouvelle étape, il va de soi que le développement de l’enseignement supérieur et de la formation sera un des items principaux d’enrichissement », promet-il. L’initiative « gagnant-gagnant » menée entre le Conservatoire national des Arts et métiers (CNAM) et 75 villes, dont 70 sont membres d’Action Cœur de ville a tracé la voie, explique-t-il.
« Un manque de connaissance depuis Paris »
Rollon Mouchet-Blaisot déplore « un manque de connaissance depuis Paris » de la situation des près de 410 000 étudiants présents dans les villes moyennes, soit 16% du total national, répartis dans 218 des 222 villes labellisées ACV. Il appelle le ministère de l’Enseignement supérieur, de la recherche et de l’Innovation (MESRI) à s’impliquer. « On a besoin de plus de considération pour ce niveau de collectivités », glisse-t-il, en soulignant la contribution de l’offre universitaire à l’attractivité de ces territoires au même titre que le développement économique. Il regrette aussi l’implantation « trop souvent » des antennes universitaires en périphérie et qualifie de « priorité absolue » le rétablissement des étudiants en centre-ville. « Mieux vaut un peu de chahut en ville qu’une ville endormie », image-t-il.
Ne pas opposer ambition internationale et ancrage territorial
Directrice générale de l’enseignement supérieur et de l’insertion professionnelle au MESRI, Anne-Sophie Barthez affirme partager la vision d’un service public de l’enseignement supérieur et de la recherche « à la disposition de tous et partout ». « C’est la préoccupation de L’Etat depuis une quinzaine d’années », assure-t-elle. « Je ne partage pas l’approche fréquemment entendue qu’il doit y avoir d’un côté de grands champions et de l’autre des universités plus proches des territoires », poursuit-elle. Elle en veut pour preuve la présidente de l’Université Paris-Saclay, qui veut « avoir la tête dans les étoiles, mais aussi les deux pieds dans le glaive pour être ancrée dans (son) territoire ». « On peut être un pôle d’excellence repéré à l’international et assumer un rôle territorial », plaide-t-elle, en évoquant le cas d’Angers (Maine-et-Loire).
Une volonté, un chemin
Vice-présidente de l’AVUF, Françoise Raynaud propose qu’Etat, collectivités et universités « avancent tous ensemble et construisent du sur-mesure », avec pour objectif de ne pas créer de fracture territoriale. Le délégué général de l’association, François Rio, annonce une prochaine rencontre entre la présidente de l’AVUF et du Grand Reims (Marne), Catherine Vautrin, et celle de Régions de France, Carole Delga. « Là où il y a une volonté, il y a un chemin », veut croire, philosophe, le vice-président délégué à l’enseignement supérieur de Carcassonne Agglomération (Aude), Christian Magro.
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Recherche, université, dans les collectivités, la science infuse
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