Dans le déploiement de l’éolien offshore, la problématique de la préservation de la biodiversité marine est assurément devenue cruciale et ressort clairement de l’ensemble des discussions relatives aux différents projets en cours, de la mer du Nord à la Méditerranée.
Sur les trois façades maritimes françaises, plusieurs grands projets de parcs éoliens offshore, « posés » ou « flottants », en procédure de débat public ou à un stade plus avancé, sont envisagés dans le périmètre d’une aire marine protégée au titre des directives européennes Natura 2000 (« oiseaux » et « habitats ») et/ou de l’existence d’un parc naturel marin.
Aujourd’hui, la question de la justification de leur localisation ne cesse d’interpeller, notamment au regard des arguments motivés et défavorables du Conseil national de la protection de la nature (1). Il serait pour le moins très critiquable, au nom du poids de l’enjeu climatique, de restreindre le champ du débat à un faisceau limité d’hypothèses, sans véritable questionnement sur le caractère incontournable d’une implantation en aire protégée.
Caractère impératif de la localisation
Or, sur la question des « solutions alternatives », et prenant pleinement conscience des exigences de l’évitement dans la séquence environnementale « éviter/réduire/compenser », il nous semble qu’il appartient d’abord aux maîtres d’ouvrage de démontrer le caractère impératif de la localisation des projets en cause dans une zone protégée. La « charge de la preuve » ne leur incombe-t-elle pas en premier lieu et au stade même de la conception, ne serait-ce que pour objectiver la réflexion et les débats publics ?
D’ailleurs, au prisme du contentieux, si ces dossiers contestés devaient un jour échoir au Conseil d’Etat, des arguments solides devraient alors être fournis en la matière, démontrant l’absence de solutions alternatives. On ne saurait bien évidemment se contenter de convoquer les impératifs de la transition énergétique sans avoir, très en amont, intégré au mieux ceux de la protection de la nature.
Ligne rouge
Les projets éoliens marins ont-ils pris toute la mesure de cette logique d’évitement et des impératifs (européens et nationaux) liés à la préservation de la biodiversité, en actant une localisation en aire marine protégée ? Dans la négative, on ne pourra qu’y voir une erreur stratégique les fragilisant, y compris sur le plan juridique. Malgré toutes les tentatives de « simplification » du droit des énergies marines renouvelables (EMR), aucun projet n’est en France à l’abri d’une annulation contentieuse, dès lors qu’une ligne rouge est franchie. Si l’éolien offshore se développe dans les aires marines protégées françaises, qui plus est en mode « posé » (avec fondations), quelles seront demain, au nom de la prégnance d’une politique publique, les limites de l’artificialisation des zones Natura 2000 et des parcs naturels marins ?
La gestion intégrée de la mer et du littoral inclut la préservation de la biodiversité dans ses objectifs fondamentaux. Elle suppose donc, dans l’implantation d’équipements impactants pour la faune et la flore, d’avoir épuisé toutes les options liées à l’évitement des zones naturelles sensibles. Au final, est-on réellement en mesure de démontrer, compte-tenu des évolutions technologiques de la filière « EMR », de l’ensemble des enjeux environnementaux et socio-économiques en présence, et à l’échelle de la façade maritime en cause, qu’il n’y a absolument aucune solution alternative crédible à l’implantation de grands parcs éoliens au cœur d’aires marines protégées ? A défaut, ces derniers paraîtraient entachés d’un vice de conception semblant difficilement régularisable.
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