Toujours le même constat : trop c’est trop. Le Premier ministre Edouard Philippe demandait le 24 février 2020 au Conseil d’Etat un recensement des administrations disposant de pouvoirs d’enquête pour exercer leurs missions de contrôle, notamment afin de rechercher des manquements à la réglementation.
Même si selon la plus haute juridiction administrative, un recensement exhaustif des catégories d’agents qui disposent de pouvoirs de police judiciaire ou de contrôle administratif est impossible à réaliser, le constat est simple : rien qu’entre les ministères, les services déconcentrés et les autorités administratives indépendantes, il y a environ 55 000 agents de la fonction publique qui consacrent leur activité à constater des infractions par procès-verbal, à demander la communication d’informations, à accéder aux données de connexions, à procéder à des auditions, à effectuer des visites, à saisir, à vérifier l’identité de personnes présumées responsables d’infraction …
Il faut leur ajouter le personnel de certains établissements publics, voire de certains organismes privés. Et bien sûr, certains agents des collectivités territoriales.
Les agents des collectivités concernés
Il y a plusieurs catégories d’agents territoriaux qui exercent un pouvoir d’enquête selon le Conseil d’Etat :
- les quelques 1000 gardes champêtres peuvent par exemple constater les infractions en matière forestière, les infractions au code de la route ou encore les infractions prévues par les polices environnementales ;
- l’ensemble des agents de police municipale (dont font partie les gardes champêtres) concourent à l’exercice des missions de police administrative du maire, même s’ils n’ont pas de pouvoirs d’enquête spécifiques ;
- le maire peut également commissionner des agents pour la recherche d’infractions au code de l’urbanisme et au code de la construction et de l’habitat. Ces agents disposent alors du droit de visite des constructions et de communication dans le cadre de leurs missions de contrôle administratif et de leurs pouvoirs de recherche ;
- certaines villes de plus de 20000 habitants disposent encore de bureaux municipaux d’hygiène, qui ont des attributions en matière de vaccination, de désinfection et de contrôle administratif et technique des règles d’hygiène ;
- les départements financent le RSA. « Le contrôle de l’attribution des prestations est pour l’essentiel effectué par les agents assermentés des caisses d’allocation familiale.
- enfin, dernier cas recensé par le Conseil d’Etat : la gestion des réserves naturelles peut être confiée aux collectivités territoriales. Et les agents des réserves naturelles, quel que soit le statut de l’organisme gestionnaire, sont habilités à rechercher et constater les infractions aux dispositions relatives à la protection de ces réserves.
Les conséquences de ce foisonnement
Le problème de cette multiplicité d’acteurs et du foisonnement de procédures de contrôle, c’est que selon les conseillers du Palais-Royal, elles entrainent une confusion pour le citoyen et les entreprises, mais aussi qu’elles constituent un frein pour l’administration « confrontée à l’hétérogénéité des procédures, qui mettent à mal son efficacité. »
Toutefois, ils considèrent que ces contrôles et enquêtes sont « un maillon indispensable de la mise en œuvre des fonctions essentielles de l’Etat, des collectivités publiques et des régimes de sécurité sociale : redistribution et protection contre les risques sociaux, sécurité des infrastructures, protection de la santé publique et de l’environnement, protection des travailleurs … »
C’est pourquoi le Conseil d’Etat émet plusieurs recommandations afin de préserver le pouvoir de contrôle de l’administration, tout en le rendant plus efficient.
Les recommandations du Conseil d’Etat
Comme toujours, le Conseil d’Etat recommande de simplifier les attributions et la répartition des compétences. D’abord en rendant caduc les pouvoirs inutilisés.
Les auteurs de l’étude se focalisent surtout sur le cas particulier du code de l’environnement, qu’il faut absolument simplifier car il « donne des pouvoirs de police judiciaire les plus intrusifs à 70 catégories d’agents dans 25 polices différentes. » Il faut toutefois selon eux « veiller à assurer une couverture territoriale de proximité grâce aux agents municipaux ».
Ils préconisent aussi une harmonisation des pouvoirs d’enquête et de contrôle des administrations. Cela pourrait passer par la mise en place d’un « socle commun » qui réunirait les règles et dispositifs de contrôle. Ils conseillent également de « continuer à harmoniser les pouvoirs spéciaux de police judiciaire des agents, en particulier les plus intrusifs (relevés d’identité, perquisitions) et les procédures de constations des infractions (procès-verbaux).
Enfin, ils suggèrent une meilleure remontée des informations sur les contrôles, pour une plus grande transparence de l’activité de l’administration.
Domaines juridiques