Alors que se profilent des perspectives de sortie de crise sanitaire, les capacités financières et l’agilité des collectivités sont de plus en plus attendues comme soutien à l’activité économique et pour répondre aux besoins urgents des territoires.
Or, depuis plusieurs années, on assiste inlassablement à un mouvement de perte d’autonomie financière des collectivités. Depuis 2017, plusieurs décisions gouvernementales ont conforté ce mouvement de réduction de l’autonomie fiscale des collectivités. Positionnement politique assumé en 2019 par le Président Macron dans son discours d’ouverture du 102ème congrès des Maires.
Ainsi, à la suppression progressive de la taxe d’habitation, compensée par des mécanismes rendant la compréhension de la fiscalité locale davantage illisible, s’est ajoutée la baisse idéologique, en 2021, de 10 milliards des impôts de production.
Preuve de l’accélération de cette érosion, selon la Banque postale, ces réformes feront que seulement 43% de la fiscalité seront assis sur un pouvoir de taux, contre 60% auparavant.
A ce mouvement d’érosion de l’autonomie fiscale des collectivités viennent s’ajouter les velléités de faire renaître les contrats de Cahors (rapport Arthuis, proposition de loi d’Eric Woerth et de Laurent Saint-Martin…).
Susceptibles de voir leurs ressources affaiblies par la crise actuelle, les collectivités locales, qu’on ne cesse pourtant de mobiliser dans le cadre du plan de relance, pourraient voir leurs marges d’action réduites par le retour en grâce de ce pseudo dispositif contractuel.
Les contrats de Cahors sont en effet définis par la loi comme « des contrats conclus à l’issue d’un dialogue entre le représentant de l’État et les collectivités concernées » permettant de contribuer à la réduction des déficits publics.
L’expérience aura montré que le dialogue n’existait pas car les seuils d’évolution des dépenses sont fixés unilatéralement par l’État, les périmètres d’analyse, voire de retraitement sont déterminés par circulaire et les limites d’endettement inscrites dans la loi. Il ne s’agit donc pas de contrat. Par ailleurs, l’utilisation d’indicateurs sociodémographiques, qui datent de l’avant crise sanitaro-économique, n’ont pas beaucoup de sens devant les nouveaux besoins.
L’objectif d’assurer une bonne capacité d’autofinancement des collectivités est redondant avec les mécanismes déjà à l’œuvre dans les collectivités : présentation normée du contenu des rapports d’orientations budgétaires, interdiction du déficit, existence d’un réseau de surveillance des finances locales via les préfectures et la direction générale des finances publiques, renforcement de la transparence des comptes des collectivités sur leurs sites internet, nécessité d’assurer une suite aux recommandations formulées par les chambres régionales et territoriales des comptes, classification et suivi des emprunts mobilisés (charte Gissler), notation des agences financières et scoring des banques.
Combien de sinistres financiers dans les collectivités depuis « l’affaire » d’Angoulême, il y a plus de trente ans déjà ? Il n’y avait pas besoin de ces contrats pour garantir la soutenabilité des finances locales.
Concentré de recentralisation et de courte vue
La seule nouveauté de ces contrats a donc résidé dans la volonté de limiter le niveau des dépenses des collectivités. Contraindre les volumes plus que s’intéresser aux ratios. Demander aux collectivités de faire moins, plutôt que de produire juste. Tel ne nous semble pas être l’esprit de la décentralisation et plus largement l’esprit de responsabilité. Ces contrats constituent un concentré de recentralisation, de suradministration, d’inefficience et de courte vue.
À contrario, lors de la crise sanitaire, les collectivités ont été au chevet de la population et ont démontré leur capacité à apporter des réponses concrètes, adaptées et réactives. Leur connaissance fine des besoins des habitant.e.s, de leur territoire, mais également des acteurs à mobiliser, combinée à une réactivité dans la mobilisation des crédits nécessaires, ont permis de doter la population de masques, d’équiper de protections les bâtiments publics, de venir au soutien des personnes les plus fragiles en distribuant des chèques alimentaires…
Il convient de rappeler le rôle central des collectivités dans l’économie française : 27% des budgets des associations proviennent des collectivités (les financements de l’État constituent environ 11% des ressources des associations), les collectivités consacrent près de 9 Mds € par an au secteur de la culture, tandis que 70% des investissements publics sont financés par les collectivités et les achats courants des collectivités territoriales dépassent désormais les 45 Mds € par an.
- Commande publique : les collectivités peinent à relancer
Encadrer les dépenses locales, c’est se priver de cette intervention financière des collectivités particulièrement importante pour la vitalité et la reprise de l’économie nationale. Encadrer les dépenses locales, c’est freiner la relance au plus près des besoins et de la réalité des territoires et de leurs habitants. Loin de l’image de piètre gestionnaire qui leur est parfois accolé, les collectivités ont démontré leur pleine et entière capacité à gérer efficacement la crise ; face à une crise économique sans précédent, il n’est donc ni opportun, ni nécessaire d’encadrer leurs dépenses. Faisons confiance aux collectivités.
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