On a pu constater, ces dernières années, une vigilance croissante des intercommunalités dans l’exercice sensible de l’évaluation des charges transférées à l’occasion des transferts de compétences. L’accroissement de la contrainte financière à l’origine de cette évolution notable a parfois pu générer des situations de tension, qui ont été jusqu’à susciter des contentieux.
Tension accrue dans les intercommunalités
Cette tendance relevée lors du mandat précédent se renforce aujourd’hui à la fois du fait de la crise sanitaire, qui impacte fortement les ressources de fiscalité professionnelle des EPCI (dès cette année pour certains, à compter de 2022 pour d’autres), et du fait de la réforme fiscale qui, en supprimant la taxe d’habitation et en réduisant l’assiette imposable des établissements industriels, contracte fortement la part des recettes avec pouvoir de taux des intercommunalités au sein de leurs recettes globales, et concentre sur un nombre restreint de contribuables de potentiels efforts sur les taux.
Nombreuses sont aujourd’hui les intercommunalités qui, confrontées à cette situation, se retournent vers les communes afin d’envisager les modalités de revisite, temporaire ou pérenne, de leurs relations financières. A l’appui de cette démarche, l’argument du moindre impact de la crise sur les recettes des communes, mais également le bilan des travaux d’élaboration du rapport quinquennal sur l’évolution des charges transférées, qui met parfois en lumière une sous-évaluation délibérée du coût des compétences, que les intercommunalités n’ont plus les moyens d’assumer aujourd’hui.
Attribution de compensation sur la sellette
Les outils à disposition sont nombreux et les intercommunalités ne se privent pas de la possibilité de les examiner de manière exhaustive : ainsi des modalités de répartition du fonds de péréquation des ressources intercommunales et communales, de l’évolution des dispositifs de dotation de solidarité communautaire (réductions d’enveloppe, basculement de tout ou partie en fonds de concours…), du partage de la fiscalité des zones d’activité (taxe d’aménagement et taxe sur le foncier bâti)…
Parmi ces outils, le levier de l’attribution de compensation prend aujourd’hui une place centrale dans les discussions. Visant à compenser les transferts passés de fiscalité et de charges, il est en effet logique que ce dispositif concentre les regards dès lors que la fiscalité professionnelle est amenée à chuter de manière plus ou moins durable et que le constat de sous-évaluation des charges transférées est remis sur la table à l’occasion de l’élaboration du rapport quinquennal.
La mobilisation de ce levier se heurte pourtant à des difficultés juridiques non négligeables. Si le code général des impôts (CGI) permet en effet, en cas de chute des produits de fiscalité professionnelle consécutive à une chute des bases, de diminuer l’attribution de compensation des communes, il n’indique ni période de référence (la baisse de produit est-elle à considérer au regard des produits de l’année précédente ou bien au regard des produits de fiscalité transférés lors du passage en régime de fiscalité professionnelle unique ?), ni surtout de méthode de répartition entre les communes de cette baisse des attributions de compensation. Cette possibilité conjoncturelle, pourtant fort adaptée à la circonstance de la crise sanitaire, gagnerait donc à être précisée afin de la rendre pleinement opérationnelle et juridiquement incontestable par les communes.
Les limites du système
Quant aux révisions plus pérennes des attributions de compensation, le régime de la fixation libre prévu par le CGI est pour sa part limpide (délibération du conseil communautaire à la majorité des deux tiers et accord des communes intéressées) mais difficile à mettre en œuvre compte tenu de ces conditions d’adoption drastiques, qui supposent que chaque commune valide la baisse du montant de son attribution. Le train de la CLECT ne repasse pas deux fois : aussi légitime que puisse paraître une révision basée sur l’annulation totale ou partielle de « cadeaux » faits aux communes par le passé, voire sur des situations historiques d’inégalité entre elles (notamment dans les EPCI issus de fusion), les héritages sont figés sauf accord des principaux intéressés, et le rapport quinquennal risque fort de se limiter à un exercice pédagogique certes utile, mais appelé dans la plupart des cas à rester sans suite.
Au total et même si la créativité financière peut permettre d’élaborer des solutions de substitution, la situation actuelle illustre donc à nouveau les insuffisances des outils d’intégration au sein du bloc communal, voire les limites d’un système institutionnel qui ne permet pas d’appréhender dans leur globalité les enjeux de répartition cohérente et efficace des ressources sur le territoire communautaire.
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