Il faut rendre à César… Pas une semaine ne s’écoule sans une dénonciation dans les médias ou les réseaux sociaux des hausses – toujours jugées excessives – de taux de taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) votés lors des budgets 2021. La presse quotidienne fleurit actuellement de cas d’augmentations mal vécues par la population comme à Ouistreham, à Châtellerault ou à Dammartin-en-Goële, sans évoquer la presse nationale qui relaie régulièrement les communications d’associations de contribuables ou établit des classements des villes où il fait bon vivre, en intégrant comme critère valorisant la faible pression fiscale sur le foncier local.
Le Club finances avait démontré en 2019 que la hausse soutenue de la TFPB ces dix dernières années était bien réelle mais provenait bien plus des départements que du bloc communal.
Plus faible progression depuis six ans
Pourtant cette année, il faut rendre justice aux exécutifs locaux : 2020 n’a pas été l’année de toutes les hausses comme redouté. Le dernier bulletin d’information statistique de la direction générale des collectivités locales (DGCL) confirme que le produit du foncier bâti – 35,2 milliards, soit plus d’un tiers des recettes fiscales directes des collectivités – n’a progressé que de 2,1 % en 2020.
L’augmentation est portée quasi-exclusivement par l’effet base, alors que l’effet taux n’a joué que pour 0,1 % de la hausse et même 0,03 % pour le seul bloc communal. « C’est la plus faible progression depuis le début du cycle électoral municipal », souligne la DGCL qui renchérit : « la hausse des taux sur le foncier bâti a moins augmenté qu’habituellement, à ce stade du cycle des élections municipales ». Cette fois, c’est surtout le bloc communal qui a appuyé sur le frein (+2,4 %) par rapport aux départements (+1,8 %).
Cette dernière année du mandat 2014 permet de tirer à la DGCL ce bilan : « La progression des taux du foncier bâti sur l’ensemble du cycle électoral de 2014 a été plus faible que les cycles précédents », conclut-elle. Même les départements qui avaient porté la hausse à ébullition après les élections de 2015 « n’ont en fait quasiment plus augmenté » les taux depuis. Ils les ont même fait « globalement reculer en 2020 ». Un satisfecit notable au milieu de toutes les critiques actuelles.
Jusqu’ici, tout va bien…
Le bilan 2020 doit pourtant être pris pour ce qu’il est, une photographie fiscale prise durant une année d’élection municipale. La crise sanitaire n’a en effet pas encore donné sa pleine mesure sur la fiscalité locale. La hausse de 2,2 % (contre 3,3 % en 2019) du produit de fiscalité directe locale (97,8 milliards) est par exemple tirée principalement par les impôts économiques qui ont progressé de 3 % (4,9 % en 2019), alors que les taxes ménages sont restées cantonnées à une augmentation de 1,9 % (2,9 % en 2019), du fait notamment de la taxe d’habitation, mais pas de la crise : « ni les bases, ni les taux » de ces taxes n’ont été « par définition touchées par la crise sanitaire », précise la DGCL.
Le choc économique va cependant bien avoir un effet à partir de l’an prochain notamment sur la CVAE qui est restée dynamique à +3 % en 2020 contre 4,6 % en 2019. Par effet ricochet, les élus locaux devront bien trouver des ressources fiscales supplémentaires pour pallier la baisse attendue de l’imposition économique locale, mais aussi d’une part du foncier bâti – qui représente tout de même environ un tiers des bases totale du foncier bâti –notamment sur des locaux professionnels dont certains ne relèveront pas le rideau de leur devanture après la crise sanitaire.
Par ailleurs, la pression devrait probablement monter sur cette taxe dans les années à venir compte tenu de la réforme fiscale qui ne laisse aux élus que cet impôt pour moduler leur produit fiscal selon leurs besoins. Pour les édiles, il est donc urgent de communiquer sur la modération dont ils ont fait preuve jusqu’à présent. Cela ne devrait pas durer.
Références
Bulletin d'information statistique n°151 avril 2021 : "La fiscalité locale directe en 2020"
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