Par Rina Dupriet, administrateur territorial HC, maire adjoint, présidente honoraire de l’ACTAS (ex-ANCCAS)
La commune est un véritable lieu d’échanges
Attardons-nous un instant sur les communes. Si certains pensaient encore il y a quelques mois qu’elles étaient la richesse de notre pays, d’autres comme Jacques Attali dans son rapport, préconisait la suppression de 30 000 communes sur les 36 000 pour rentabiliser au mieux les services publics. Chacun le sait bien, les maires sont pour le pouvoir central des empêcheurs de tourner en rond.
Dans une société qui se mondialise, on a besoin de proximité et la commune est la mieux placée pour répondre à la préoccupation des citoyens et de leurs besoins au quotidien. La commune est un véritable lieu d’échanges. Elle a fait ses preuves notamment dans les moments les plus difficiles de notre histoire. Elle se prête aussi à l’exercice du « vivre ensemble » dans une société qui évolue vers toujours plus d’individualisme et d’égoïsme ! C’est elle qui suscite le bénévolat eu égard aux besoins de ses concitoyens qui basculent dans la pauvreté, la détresse, l’exclusion, la vieillesse ou le handicap. C’est elle aussi qui se préoccupe de répondre à l’insuffisance et à la défaillance de certains services.
Les maires doivent répondre à tout
Depuis plus de dix ans, les communes ont vu disparaitre, les bureaux de Poste, les banques, les écoles, les maternités, les tribunaux, les guichets de gare et les trains parfois, les services de soins et de santé, les permanences des impôts, de sécurité sociale, etc. au nom d’un regroupement plus opérationnel et moins coûteux. C’est pourquoi certaines d’entre elles ont pris l’initiative d’ouvrir des épiceries, des fermes communales, des maisons médicales et même des bistrots. Mais voilà qu’aujourd’hui, face à une urgence sanitaire inédite, les maires volent au secours de leurs administrés en déployant une énergie à toute épreuve pour répondre aux besoins urgents de chacun d’entre eux confinés depuis le 17 mars 2020.
Ils se doivent de répondre à tout :
Tout d’abord, au manque de masques alors ils en commandent et en fabriquent grâce à leurs bénévoles, au manque de produits sanitaires mais aussi, au manque de logements et de vivres pour les plus démunis. Puis ils auront besoin d’apporter leurs aides aux familles puisque leurs enfants sont privés d’école et de mode de garde en crèche ou en centre de loisirs.
Ils vont aussi conforter les services de soins et de repas à domicile auprès des personnes âgées dépendantes et handicapées grâce à l’initiative de leurs agents bénévoles.
Ils auront aussi et surtout à accompagner les familles au moment des obsèques de leurs proches compte tenu d’un confinement important qui interdit tout rassemblement.
Souvent, certains maires battus au premier tour d’un scrutin municipal qu’ils n’avaient pas souhaité, prolongent leur mandat pour gérer la crise alors que certains d’entre eux et parfois leurs adjoints ont été contaminés par le virus sans compter des assesseurs et des bénévoles qui ont aidé ce jour-là au bon fonctionnement des bureaux de vote. Brutalement le pouvoir central découvre que les élus locaux de terrain sont les mieux à même pour gérer la période de crise et décide de maintenir tous les maires en place malgré le premier tour des élections qui en avait élu près de 30 000.
Les maires ne sont pas les seuls à se battre au sein de cette crise sanitaire
Les élus départementaux s’emploient depuis mi-mars à apporter les ressources en personnel soignant et en matériel sanitaire (masques, gel hydroalcoolique, etc.) aux établissements sociaux et médico-sociaux de leur département en réorganisant leurs services, en revisitant les fiches de postes de leur personnel, en créant des plateformes de services, en déployant du personnel qualifié sur le terrain par la mise en place d’une réserve sanitaire en lien avec les agences régionales de santé (ARS), etc.
Les élus régionaux s’investissent sur tous les fronts depuis le début de la pandémie. Ils organisent le transport des soignants, ouvrent les internats des lycées aux médecins, rémunèrent les élèves infirmiers et médecins pour aller au chevet des malades dans les services de réanimation dans les hôpitaux, fournissent des ordinateurs aux élèves, mobilisent des crédits importants en direction du secteur économique notamment pour les petites entreprises et les indépendants afin de leur maintenir la tête hors de l’eau. Mais les régions vont aussi commander des masques par millions pour les distribuer aux soignants libéraux, aux pharmacies, aux établissements médico-sociaux, etc. Dans les allées du pouvoir central, l’activisme des régions, des départements et des communes déplait au plus haut niveau !
L’État a manqué à la plupart de ses devoirs
Si l’État est le garant de la santé publique et de la protection sociale, il a manqué à la plupart de ses devoirs en fermant des lits d’hôpitaux depuis des années, en bloquant le quota des admissions sur différents métiers notamment ceux des soignants, en transférant près de 80 % de la fabrication des médicaments à l’extérieur depuis près de quinze ans, en ne prévoyant pas la reconstitution d’un stock de masques suffisants pour protéger les populations en cas de pandémie telle que celle que nous vivons actuellement. Son imprévoyance, sa technocratie au nom d’un idéal économique au service du grand capital et d’une rentabilité sans nom, devront faire réagir au plus vite le pouvoir central qui semble toujours vouloir donner de grandes leçons aux élus territoriaux sous le couvert d’une certaine forme de « déconcentralisation » inédite !
Rien ne pourra plus être comme avant
Demain, au moment du déconfinement, il faudra réfléchir sur la suite à donner à la réorganisation de la société et de ses institutions. Chacun se retrouvera en effet dans un monde différent qu’il faudra collectivement imaginer. Espérons que ce « nouveau monde » puisse prendre en compte ces réflexions afin de donner plus d’humanité à une société qui était en perdition et condamnée à son propre anéantissement.
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