«Aucune famille ne vient spontanément inscrire dans nos établissements son enfant qui a des problématiques psychiques telles que l’autisme ou des troubles du comportement, ou encore physiques en lien avec l’audition, la vue ou la motricité », constate Martine Girardi, directrice du Pôle petite enfance de la communauté d’agglomération Portes de France-Thionville. Souvent la famille s’exclut d’elle-même, « sidérée par l’annonce du handicap », échaudée par le « refus régulier de l’enfant particulier par l’institution ». La mère arrête de travailler. Quand la demande arrive, quel accueil proposer ? Confrontée à cette situation en 2010, la professionnelle, « très sensibilisée » par son expérience auprès d’enfants malades et handicapés, n’a pas hésité : « j’ai accepté cet enfant qui présentait une pathologie du spectre autistique ».
Surmonter les blocages liés à la surcharge de travail
Le projet s’est monté progressivement avec les élus, en lien avec les appels à projets de la Caisse d’allocations familiales. Si l’action n’est pas conçue pour réduire les inégalités de santé, son contenu ressort bien de l’action proportionnée d’une politique universelle de la petite enfance.
Le handicap est priorisé pour l’obtention d’une place et pris en compte dans l’organisation : tous les projets d’établissement comportent l’accueil des enfants porteurs de handicap ou de maladie chronique. « Nous avions deux freins à lever pour rassurer les professionnels », poursuit Marine Girardi. « Tous ont été formés au handicap pour lutter contre la peur de cet inconnu. »
Il a aussi fallu surmonter les blocages liés à la surcharge de travail redoutée par le personnel. Offrir un accueil de qualité a été le second obstacle à franchir : « pour bien accueillir, j’ai réparti les compétences médicales dans les établissements moins dotés ». Les puéricultrices interviennent dans plusieurs établissements et les médecins recrutés spécialement suivent tous les enfants. Ce travail de préparation de longue haleine a permis de « désacraliser le handicap » et de « convaincre les professionnels », se satisfait la directrice. Ont suivi une intense campagne de communication et un travail en réseau avec les acteurs du champ du handicap. « Ces partenariats permettent de toucher les familles qui ont besoin de cette prestation ».
Crèches accessibles à tous les enfants
La directrice parle de « preuve par l’exemple ». Non seulement il est possible d’accueillir des enfants handicapés et polyhandicapés en crèche collective dans de bonnes conditions mais « l’impact sur le milieu ordinaire a été important ».
Outre « l’ouverture des esprits et des mots posés sur le handicap qui ont changé le regard porté sur la différence », elle note que cet accueil particulier a « ouvert les portes de la crèche plus largement aux autres enfants souffrant d’une maladie chronique, comme le diabète, les pathologies pulmonaires, les allergies ou les convulsions ».
Martine Girardi, directrice du Pôle petite enfance de la CA Portes de France-Thionville (1)
« Les agents sont valorisés »
« Accueillir en crèche des enfants porteurs de handicap n’exige pas d’importants moyens matériels. Nous avons aménagé des espaces pour entreposer les appareillages et acheté des tables plus hautes pour glisser un fauteuil. Notre organisation a été revue pour éviter une focalisation sur l’enfant handicapé, « trop grand » parmi des plus jeunes. Il n’y a plus de groupes constitués par tranche d’âge sauf pour les bébés, les enfants sont mélangés. Les activités déterminent les sous-groupes, par exemple pour le chant ou les parcours de psychomotricité. Le curseur sur la différence a été déplacé. Les agents sont valorisés par cet accueil particulier ; ils participent aux réunions des partenaires et sont consultés par eux. Nous avons réinvesti notre expérience en construisant un établissement dédié à l’accueil des enfants atteints de tout type de handicap, le multi-accueil Le Bois Joli. Son projet reste axé sur la mixité. L’inclusion passe aussi par les salariés ; le pôle a recruté un agent reconnu travailleur handicapé. »
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