Penser l’action sociale et se référer au territoire n’est pas chose facile. On a, en effet, assisté au cours des années à une implication, toujours plus grande des travailleurs sociaux, dans le développement des territoires. Mais le glissement s’est quasiment fait à leur insu. En témoigne leur absence dans les débats lorsqu’il s’agit de planifier le développement local autour des plans de déplacements urbains (PDU), de définir les programmes locaux de l’habitat (PLH) ou encore de réfléchir à la cohérence en matière d’aménagement, au travers des schémas de cohérence territoriale (Scot).
Définir les contours du travail social
Et pourtant, ils sont les experts du « dernier mètre », celui qui, s’il est correctement pris en compte, permet de mettre en place le projet d’insertion pour une famille monoparentale, l’accès à l’autonomie d’une personne handicapée ou encore le maintien d’une personne âgée à son domicile. Malheureusement, si l’exercice du diagnostic (territorial) est partie intégrante des fiches de poste des travailleurs sociaux, sous des libellés à géométrie variable, si l’analyse des besoins sociaux (ABS) est incontournable, force est de constater que les travailleurs sociaux peinent à en définir les contours.
Ceci n’est finalement pas une surprise, et tient à leur difficulté à appréhender le territoire dans ses cinq dimensions essentielles, à structurer leur expertise et à interpeller les cadres techniques et politiques. Dans ce contexte, le travail social apparaît toujours comme étant « à l’épreuve du territoire », ce qui renforce indubitablement les blocages qui génèrent de « l’impensé territorial ». Il faut inverser la logique, il faut affirmer que le travail social est partie intégrante du développement local, et envisager le territoire dans sa complexité. Il s’agit, en définitive, d’aider et de former les travailleurs sociaux afin qu’ils soient capables d’appréhender les réalités de terrain en révélant les lieux, les liens et les temporalités qui animent l’action.
Travail social : le garant de la cohésion de nos sociétés
Il s’agit donc de redonner confiance aux experts du dernier mètre, de les amener à fabriquer eux-mêmes leurs diagnostics, à les réactualiser et à les partager au sein de leurs équipes, avec les autres cadres de l’aménagement du territoire et avec les habitants. Trois chantiers importants sont l’occasion de cette prise de conscience, les États généraux du travail social (EGTS), la nouvelle architecture des diplômes d’État en travail social et la mise en place de la loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles (Maptam). Gageons que nous entrons dans une nouvelle ère… qu’un nouveau regard va permettre de donner enfin la place qui lui convient au travail social, garant plus que jamais de l’indispensable cohésion de nos sociétés démocratiques.