1. La responsabilité du sportif
La théorie de l’acceptation consiste dans l’acceptation du risque nécessairement lié à une pratique sportive conforme aux règles.
La difficulté réside dans la distinction entre les dommages résultant d’un fait de jeu et ceux résultant d’une faute caractérisée par une violation des règles du jeu, susceptible, quant à elle, d’engendrer une responsabilité. La jurisprudence refuse l’assimilation d’un fait de jeu à une faute civile relevant de la théorie de l’acceptation des risques(*).
La 2e chambre civile de la Cour de cassation(*) rappelle ainsi dans un arrêt en date du 3 décembre 2014 les éléments permettant d’engager la responsabilité du sportif, notamment la nécessité de rapporter la preuve d’une faute caractérisée par une violation des règles du jeu.
Selon les termes de la Haute Cour, « la seule appréciation large et ambiguë d’un comportement antisportif ne suffit pas à établir l’existence d’un comportement brutal fautif susceptible d’engager la responsabilité civile du gardien de but ».
En l’espèce, la responsabilité du gardien de but n’a pas été retenue par la Cour de cassation au regard des éléments versés au débat. Effectivement, « la violence, la brutalité ou la déloyauté de son geste, sa force disproportionnée ou superflue, ne peuvent être déduites de la seule gravité de ses blessures ».
Le geste habituel ainsi accompli dans le contexte de la discipline concernée ne rentre donc pas dans le cadre de la faute entraînant la responsabilité. La Cour de cassation, par exemple, a écarté la responsabilité d’un moniteur de karaté ayant blessé son élève lors d’un entraînement, rappelant que si la pratique de ce sport exige une certaine maîtrise de soi consistant dans le fait de ne pas donner de coup à son adversaire, l’existence de contacts ne peut cependant pas être exclue et n’est pas nécessairement fautive(*).
De même, un joueur participant à une rencontre amicale de football, blessé par le choc contre sa tête du ballon frappé du pied par le gardien de but de l’équipe adverse, à l’origine d’une hémiplégie, a assigné en responsabilité le gardien de but et la Ligue en soutenant que le fait pour un gardien de but de lancer très violemment le ballon en direction de la tête d’un joueur se trouvant à proximité constituait une faute civile, peu important que l’arbitre ait considéré ou non que ce comportement fût contraire aux règles du jeu. La Cour de cassation a considéré que le gardien n’avait commis aucune faute caractérisée par une violation des règles du jeu, dans la mesure où, placé dans une position difficile, il devait renvoyer le ballon en le frappant violemment avant que le joueur ne puisse s’en emparer ou s’opposer à ce dégagement(*).
Ce principe a, plus récemment, été rappelé par la Cour de cassation dans une décision du 29 juin 2007 opposant deux comités de rugby organisateurs d’une compétition à un jeune garçon de 16 ans resté tétraplégique à la suite de l’effondrement d’une mêlée.
La Cour de cassation a également rappelé(*) que la responsabilité d’une association sportive vis-à-vis de spectateurs blessés au visage par un palet envoyé depuis la zone de jeu lors d’une rencontre de championnat de France de hockey sur glace ne pouvait être engagée qu’à condition de relever l’existence d’une faute caractérisée par une violation des règles du jeu de hockey sur glace, commise par un ou plusieurs joueurs, même non identifiés, membres de l’association.
En s’affranchissant de cette recherche, la cour d’appel de Colmar a, dans sa décision du 15 mai 2009, violé l’article 1384 alinéa 1 du Code civil en déclarant responsables in solidum du préjudice subi par le spectateur, les associations sportives en présence, l’une en qualité de gardienne au titre de la responsabilité générale du fait d’autrui fondée sur l’article 1384 alinéa 1 du Code civil (le joueur à l’origine du dégagement appartenait à cette association) et l’autre en sa qualité d’organisateur de la rencontre, au titre de la responsabilité contractuelle fondée sur l’article 1147 du Code civil (défaut de mise en place des protections prévues par la réglementation sportive).
La loi du 12 mars 2012 tendant à faciliter l’organisation des manifestations sportives et culturelles s’est donnée comme objectif de réformer le régime de responsabilité civile des pratiquants sportifs du fait des choses.
Elle introduit un nouvel article L.321-3-1 dans le Code du sport en vertu duquel les pratiquants sportifs ne pourront désormais plus être tenus pour responsables des dommages matériels qu’ils causent à un autre pratiquant du fait d’une chose qu’ils ont sous leur garde, au sens de l’article 1384 du Code civil.
Cette disposition s’appliquera à l’occasion de l’exercice d’une pratique sportive au cours d’une manifestation sportive ou d’un entraînement en vue de cette manifestation sportive sur un lieu réservé, de manière permanente ou temporaire, à cette pratique.
Il s’agit, pour le législateur, de suivre le virage amorcé par la Cour de cassation qui, dans un arrêt du 4 novembre 2010, a abandonné la théorie des risques acceptés dans la pratique sportive, en retenant le principe de la responsabilité sans faute du fait des choses définie à l’article 1384 du Code civil.
La Cour de cassation justifiait cet abandon par l’incohérence des conditions d’exonération de cette responsabilité.
Ainsi, les accidents survenus en compétition bénéficiaient d’une exonération, alors que ceux intervenant au cours d’un entraînement continuaient à engager la responsabilité, créant une appréciation fluctuante du caractère prévisible ou imprévisible du risque encouru.
Cette théorie de l’acceptation des risques se fondait ainsi sur l’attitude de la victime qui, du fait de son comportement, aurait accepté de courir les risques, normalement liés à une activité, afin d’écarter le bénéfice de la responsabilité de plein droit.
Seuls les dommages subis lors d’une compétition sportive étaient toutefois concernés, en application de la jurisprudence.
L’évolution amorcée par la Cour de cassation s’inscrivait dans un souci de protection des intérêts des victimes de dommages corporels.
La loi du 12 mars 2012, en écartant la responsabilité sans faute du fait des choses pour les dommages matériels, lorsque les activités sont pratiquées dans des lieux réservés à la pratique sportive, entend également venir au secours des fédérations sportives qui supportent difficilement, sur le plan financier, le surcoût engendré par la hausse des primes d’assurance lié à la réparation des dommages corporels et matériels à leur charge, dans le cadre d’accidents survenant en compétition.
La notion de lieu réservé à la pratique sportive doit être entendue de manière élargie, pour inclure les lieux ou périmètres dédiés, de manière permanente ou simplement affectés temporairement à un événement sportif, comme ce serait le cas, par exemple, pour une course cycliste.
2. La responsabilité du groupement sportif
a) À l’égard de ses membres
Une obligation de sécurité pèse sur les associations proposant des activités sportives ou de loisirs, dans la mesure où leurs activités sont susceptibles de présenter des risques pour l’intégrité physique de leurs membres.
Du fait de l’existence du contrat d’association liant ses membres au club sportif, le lien entre eux est de nature contractuelle.
La jurisprudence a considéré qu’une association sportive de hockey sur glace avait commis un manquement à son obligation contractuelle de sécurité envers l’un de ses membres en se contentant d’installer des filets protecteurs sans s’interroger sur l’opportunité du recours à d’autres solutions techniques plus récentes et plus efficaces, en ce qui concerne la sécurité et l’exercice du hockey sur glace. L’association était mise en cause par un jeune membre gravement blessé par un joueur de l’équipe adverse lors d’une rencontre(*).
L’obligation de prudence et de diligence de l’association doit s’étendre au-delà du strict respect des prescriptions sportives.
C’est à la victime de prouver la faute, c’est-à-dire d’établir le manquement contractuel de l’organisateur à cette obligation de moyens.
Dans le même ordre d’idée, le joueur blessé par un matériel sportif utilisé par un autre joueur ou directement par contact avec un autre joueur peut rechercher la responsabilité du club professionnel de ce dernier. Ce club sera responsable en sa qualité de gardien de la chose.(*)
La réparation des dommages portés aux licenciés passera non seulement par le remboursement des frais engagés (frais médicaux, notamment), mais également par la prise en charge de l’ensemble des conséquences attachées à l’accident du fait de la pratique sportive consistant, par exemple, dans le préjudice résultant de l’inaptitude à pratiquer certains sports ou à les pratiquer au même niveau qu’avant l’accident. Ce préjudice entre dans la catégorie des préjudices d’agrément, correspondant à la privation des agréments d’une vie normale. La prise en compte de ce type de préjudices est particulièrement importante lorsqu’il s’agit d’une victime jeune(*).
Ainsi, la Fédération française des sports de glace a été obligée de réparer le préjudice résultant de l’accident de l’un de ses licenciés, qui s’est vu privé, du fait des séquelles d’un accident, de la chance qu’il avait d’accéder au plus haut niveau sportif(*).
Selon les activités sportives, le droit commun de la responsabilité civile peut être écarté au profit de dispositions particulières : il a, par exemple, été écarté dans le cadre d’un accident résultant de la collision entre deux jet-skis sur un plan d’eau intérieur(*), au profit d’une loi spécifique aux événements de mer et en eaux intérieures.
Le club qui omet de déclarer un sinistre à l’assurance et qui manque à son devoir de conseil en matière d’assurance engage sa responsabilité contractuelle(*). Cette décision rappelle les obligations du club vis-à-vis de ses adhérents, à savoir l’obligation de les informer de l’intérêt qu’ils ont à souscrire un contrat d’assurance de personne, couvrant leurs dommages corporels, et l’obligation de déclarer, dès sa réalisation, le sinistre à l’assurance pour mettre en œuvre la procédure d’indemnisation.
C’est dans ce cadre que la souscription d’une police d’assurance apparaît comme essentielle pour l’association.
Par ailleurs, la responsabilité d’une association ne peut être engagée sur le fondement des dispositions de l’article 1384 alinéa 1 du Code civil envers des tiers n’ayant pas la qualité de membres de cette association. On considère qu’il n’existe pas de lien suffisant entre l’organisateur et ce participant, s’il n’est pas membre de ladite association.
La Cour de cassation a eu l’occasion de préciser que l’exercice libre de l’escalade dans une salle, en dehors de toute formation et de tout accompagnement, pouvait donner lieu à la recherche de la responsabilité de l’association sportive mettant à disposition le matériel et les locaux.
Dans une décision du 15 décembre 2011 (Cass. civ. 1, 15 décembre 2011), elle retient que « l’association sportive est tenue d’une obligation contractuelle de sécurité, de prudence et de diligence envers les sportifs exerçant une activité dans ses locaux et sur des installations mises à leur disposition, quand bien même ceux-ci pratiquent librement cette activité ».
En l’espèce, un jeune homme devenu paraplégique à la suite d’une chute dont il a été victime alors qu’il descendait une voie d’escalade sur un mur artificiel appartenant à l’association, avait assigné l’association en réparation de son préjudice corporel.
La Cour de cassation a ainsi censuré l’arrêt d’appel qui avait estimé que l’association n’avait commis aucun manquement à une obligation quelconque de surveillance et d’information susceptible d’engager sa responsabilité, le jeune homme ayant souhaité pratiquer de façon libre, en dehors de tout encadrement.
La jurisprudence a eu l’occasion d’écarter la responsabilité d’une association sportive recherchée par un jeune footballeur amateur s’étant blessé à la jambe sur un piquet d’entraînement à la suite d’un chahut avec ses coéquipiers.
Le joueur reprochait au club de n’avoir pas respecté son obligation de surveillance et de sécurité en raison de l’absence de l’entraîneur au moment des faits, celui-ci étant encore dans les vestiaires.
La cour d’appel de Toulouse a rappelé que l’obligation de prudence et de diligence à la charge du club représenté par son entraîneur était une obligation de moyens et qu’il revenait à la victime d’apporter la preuve d’une faute.
En l’espèce, le fait de préparer le matériel avant de commencer à jouer devait être considéré comme une tâche incombant, normalement, aux joueurs, surtout à des joueurs mineurs, et il ne saurait être reproché à l’entraîneur de les avoir chargés d’effectuer ce travail sans être avec eux, la tâche requise ne présentant aucune dangerosité.
Ne rapportant pas la preuve d’une faute, la victime a, par conséquent, été déboutée de sa demande fondée sur la responsabilité contractuelle(*).
b) Du fait des joueurs
La responsabilité des associations sportives relève d’une responsabilité indirecte qui nécessite que soit établie préalablement la faute du joueur à l’origine du dommage.
Les associations sportives, ayant pour mission d’organiser, de diriger et de contrôler l’activité de leurs membres au cours des compétitions et entraînements auxquels ils participent, sont responsables des dommages que leurs membres causent à cette occasion, dès lors qu’une faute caractérisée par une violation des règles du jeu est imputable à l’un de ses membres, même non identifié(*). En conséquence, la simple maladresse n’est pas suffisante, même si un dommage en a résulté.
La Cour de cassation exige un geste déloyal, anormal, contraire à l’esprit du jeu.
Engage ainsi la responsabilité du club, par application de l’article 1384 alinéa 5 du Code civil, le joueur professionnel qui cause un dommage à un joueur adverse à la suite d’un geste brutal effectué avec une agressivité intempestive(*).
Ce régime de responsabilité ne se limite pas aux seules compétitions sportives, mais concerne les compétitions ainsi que les entraînements.
Il faut rappeler que les sportifs sont considérés entre eux comme des tiers, ce qui permet l’application du régime de responsabilité civile délictuelle.
Ce régime de responsabilité est conditionné au fait que l’auteur direct du dommage ait la qualité de membre de l’association mise en cause.
Les tribunaux considèrent généralement, dans le cadre d’un jeu de ballon ou de balle collectif, ou à deux comme le tennis, que les joueurs présents sur le terrain ne disposent pas individuellement des pouvoirs d’usage, de direction et de contrôle caractérisant la garde de la chose, et que tous les joueurs ont l’usage du ballon ; que le temps de détention très bref sur la balle ou le ballon ne peut s’analyser en un rôle de contrôle et de direction, au sens du Code civil.
Il convient donc d’être très vigilant sur les circonstances particulières de chaque accident afin de déterminer s’il existe ou non une faute caractérisée.
La Cour de cassation, dans un arrêt d’assemblée plénière du 27 juin 2007, a considéré que :
Cour de cassation, ass. plén., 27 juin 2007 « […] viole l’article 1384 alinéa 1 du Code civil l’arrêt qui retient qu’il résulte de ses dispositions que les associations sportives qui ont pour mission d’organiser, de diriger et de contrôler l’activité de leurs membres sont responsables de plein droit des dommages causés à ces derniers à l’occasion des compétitions qu’elles organisent, et qu’il leur appartient de démontrer, afin de s’exonérer de cette présomption, que les dommages proviennent d’une cause étrangère ou du fait de la victime, laquelle n’a d’autre preuve à rapporter que celle du fait dommageable, peu important que rien n’établisse qu’une violation des règles ou à une faute quelconque ait été commise, alors qu’au contraire le juge est tenu de relever l’existence d’une faute caractérisée par une violation des règles du jeu commise par un ou plusieurs joueurs, même non identifiés ».
En cas de faute intentionnelle de l’auteur de l’accident, l’assureur, après avoir indemnisé la victime, peut se retourner contre l’association afin de réclamer le remboursement des sommes versées à la victime. En effet, il résulte de l’article L.113-1 du Code des assurances que la faute intentionnelle de l’assuré exclut la garantie de l’assureur. Il appartient à l’assureur d’apporter la preuve d’une telle faute.
La Cour de cassation a rappelé à de nombreuses reprises que la charge de cette preuve incombe à celui qui se prévaut de la clause d’exclusion de garantie.
La Cour de cassation a ainsi rappelé que la faute intentionnelle doit être définie rigoureusement et a énoncé que « la faute intentionnelle au sens de l’article L.113-1 du Code des assurances, qui implique la volonté de créer le dommage tel qu’il est survenu, n’exclut de la garantie due par l’assureur à l’assuré que le dommage que l’assuré a recherché en commettant l’infraction. Il doit être apporté la preuve que l’auteur des coups litigieux ait voulu lui causer les blessures survenues ». L’appréciation de l’intention de l’auteur de la faute relève du pouvoir souverain des juges du fond. L’assureur a donc l’obligation de fournir des preuves suffisantes des circonstances de l’agression.
De même, selon l’article L.454-1 du Code de la Sécurité sociale, la caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) est recevable à agir en remboursement des prestations mises à sa charge contre le tiers responsable du dommage causé à un assuré, par le biais de l’action subrogatoire. Cette interprétation assimile la faute sportive à la faute civile, ce qui tend à élargir la responsabilité des groupements sportifs.
c) Du fait des supporters ?
La question de la responsabilité des groupements sportifs du fait de leurs supporters se pose plus particulièrement dans le domaine du football, particulièrement exposé à des violences.
L’article 129-1 du règlement de la Fédération française de football (FFF) prévoit que « les clubs qui reçoivent sont chargés de la police du terrain et sont responsables des désordres qui pourraient résulter avant, pendant ou après le match, du fait de l’attitude du public, des joueurs et des dirigeants ou de l’insuffisance de l’organisation. Néanmoins, les clubs visiteurs ou jouant sur terrain neutre sont responsables lorsque les désordres sont le fait de leurs joueurs, dirigeants ou supporters ».
Cette disposition avait fait l’objet d’une remise en cause par le tribunal administratif de Paris(*), saisi par le PSG. Ce club avait en effet été condamné, dans le cadre de la finale de la Coupe de France disputée contre Châteauroux en 2004, par la commission de discipline de la Fédération française de football, à une amende de 20 000 euros et à un match à huis clos pour des dégradations commises par ses supporters. Les magistrats ont, ainsi, considéré que cet article du règlement contrevenait aux principes légaux en vigueur :
TA n° 0505016/6.3 – TA Paris, 6e Section, 3e ch., 16 mars 2007 « Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que la décision en date du 3 septembre 2004 n’est pas, comme le soutient la Fédération française de football, fondée sur le motif tiré du manquement personnel, même présumé, des dirigeants du PSG à leur obligation réglementaire d’assurer la sécurité des rencontres, mais sur la circonstance que, les clubs étant responsables, en application des dispositions précitées, des désordres pouvant être causés par leurs supporters, le PSG doit être sanctionné à raison des agissements répréhensibles de ces derniers ; que le PSG soutient que les dispositions précitées de l’article 129-1 du règlement général de la Fédération française de football visé par la décision attaquée violent le principe à valeur constitutionnelle de la personnalité des peines ; Considérant que le principe susmentionné, qui implique que nul n’est responsable que de son propre fait, fait obstacle à ce qu’une personne morale soit sanctionnée disciplinairement à raison d’agissements commis par des personnes physiques autres que ses dirigeants ou ses salariés ; que dès lors, en énonçant que les clubs visiteurs ou jouant sur terrain neutre sont responsables lorsque les désordres sont le fait de leurs supporters, l’article 129-1 du règlement général de la Fédération française de football, même inspiré, comme le soutient cette dernière, par l’objectif d’assurer un déroulement satisfaisant des rencontres, méconnaît le principe de personnalité des peines et est donc inconstitutionnel. »
Ainsi, sur le plan civil, l’article 1382 du Code civil pose le principe de la responsabilité personnelle, et dispose que « tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ». Si la loi étend la responsabilité du dommage causé de son propre fait à celui causé « par le fait des personnes dont on doit répondre », il y a lieu de s’interroger sur l’applicabilité de cette disposition à la relation entre supporters et club visiteur. À ce titre, on relèvera qu’il n’existe aucun lien juridique (ni légal, comme c’est par exemple le cas de la relation parents/enfants, ni contractuel, lorsqu’il s’agit des relations salarié/employeur). Dès lors, la responsabilité du club ne saurait être engagée sur ce fondement. Sur un plan pénal, le principe applicable est celui posé à l’article 121-1 du Code pénal, en vertu duquel « nul n’est responsable pénalement que de son propre fait ».
En conséquence, si la responsabilité du club visiteur pouvait légitimement être prévue dans le règlement de la Fédération française de football pour ce qui concerne ses dirigeants et salariés, il ne pouvait en être de même, s’agissant de supporters n’entretenant aucun lien juridique avec le club.
La décision prise par le tribunal administratif de Paris semblait donc solidement fondée d’un point de vue juridique, malgré l’appel en cours formé par la FFF à l’encontre de cette décision.
Le Conseil d’État s’est néanmoins prononcé le 29 octobre 2007, dans un avis sollicité par le tribunal administratif de Lille sur la question de la constitutionnalité de l’article 129-1 du règlement fédéral, et sur les limites éventuelles à un aménagement de celui-ci. L’affaire concernait le recours formé par le LOSC à l’encontre d’une peine d’amende de 5 000 euros qui lui avait été infligée du fait de la blessure portée par un supporter Lillois à l’encontre d’une supportrice messine, lors d’un match disputé entre les deux clubs, le LOSC contestant sa responsabilité, conformément aux conclusions de l’arrêt du tribunal administratif de Paris précité. Le Conseil d’État, en s’appuyant sur l’objectif impérieux de « lutter contre la violence dans les stades, de préserver l’ordre public, et d’assurer le bon déroulement ainsi que la sécurité des compétitions sportives », rappelle que les clubs ont une obligation de résultat en ce qui concerne la sécurité, et que le club visiteur est en particulier responsable des désordres imputables à ses supporters à l’occasion d’une rencontre. Toutefois, une nuance est apportée par les magistrats, signalant que la sanction infligée par la fédération doit prendre en considération « des mesures de toute nature effectivement prises par le club pour prévenir les désordres, apprécier la gravité des fautes commises et déterminer les sanctions adaptées à ces manquements », rappelant ainsi la nécessaire proportionnalité applicable en la matière. Cet avis devrait rassurer la Fédération française de football en confortant la légalité du règlement fédéral en cause.
Des obligations accrues en matière de lutte contre la violence et l’insécurité devront être envisagées par les clubs. À ce titre, le cadre réglementaire a, depuis quelques années, fortement évolué.
De manière générale, la jurisprudence apprécie les mesures prises par l’organisateur d’une manifestation sportive en tenant compte des moyens dont il dispose (moyens humains, financiers, matériels…).
Les faits de violence ne touchent pas seulement le football professionnel. En effet, la Cour de cassation s’est, le 7 février 2006, prononcée sur la responsabilité d’une association de football amateur à l’origine d’une rencontre départementale au cours de laquelle un spectateur avait fait irruption sur le terrain avant de blesser au visage un joueur. Les juges ont considéré que l’association sportive concernée n’était tenue que d’une obligation de moyens en ce qui concernait la sécurité des joueurs. Ayant accompli toutes diligences pour organiser le match dans des conditions normales et assurer la sécurité des joueurs, elle devait être considérée comme n’ayant pas commis de faute engageant sa responsabilité.
Ils n’affectent pas non plus le seul football. Ainsi, le club de handball US Ivry a été condamné par la commission nationale de discipline de la Fédération française de handball à un match à huis clos avec sursis et une amende de 1 050 euros du fait de l’envoi, par certains de ses supporters, d’un projectile ayant blessé l’arbitre de la finale de la Coupe de France masculine opposant leur club à Nancy le 6 mai 2006.
Il convient de rappeler que toute personne ayant subi un préjudice résultant de faits volontaires ou non qui présentent le caractère matériel d’une infraction peut obtenir la réparation intégrale des dommages qui résultent des atteintes à la personne dès lors qu’ils ont entraîné la mort de la victime ou l’ont affectée d’une incapacité permanente ou d’une incapacité totale de travail personnel égale ou supérieure à un mois(*).
Lorsque l’auteur de tels actes n’est pas solvable, la victime peut s’adresser à la Commission d’indemnisation des victimes d’infractions (CIVI) dans le délai de trois ans à compter de l’infraction, prorogé d’un an à compter du jugement prononcé lorsque des poursuites pénales sont exercées. La loi du 1er juillet 2008 a également installé un service d’aide au recouvrement des victimes d’infractions permettant aux personnes ne bénéficiant pas de l’aide proposée par la CIVI de recouvrer dans un délai de deux mois à compter de la saisine du SARVI, les sommes allouées par une décision pénale. La demande peut être formée dans le délai d’un an à compter du jour où le jugement est devenu définitif et peut prétendre, lorsque les sommes concernées sont inférieures à 1 000 euros, à l’intégralité du montant, et lorsque les sommes sont supérieures à 1 000 euros, à une avance comprise entre 1 000 et 3 000 euros(*).
Au-delà des seules violences physiques, les violences verbales sont également sanctionnées. À cet égard, le club sportif est par ailleurs responsable des propos racistes émanant de la tribune attribuée à ses supporters.
Le club de football « Sporting Club de Bastia » en a fait l’expérience, en se voyant condamner à un retrait de points dans le cadre de sa participation au championnat professionnel de Ligue 2. Lui étaient notamment reprochés, lors d’une rencontre sportive à l’extérieur, des propos racistes émanant de ses supporters(*).
d) Responsabilité à l’égard des spectateurs ?
Le spectateur blessé par un matériel sportif peut se retourner contre l’auteur direct du dommage. Toutefois, sera également responsable le groupement organisateur, dans le cadre de son obligation générale de sécurité.
La responsabilité pourra être contractuelle à l’égard du club organisateur de la rencontre, et délictuelle s’il n’existe pas de relation contractuelle entre la victime et le groupement, c’est-à-dire dans les cas où il s’agit d’un spectacle gratuit, ou que le dommage est imputable à un membre du club non organisateur de la manifestation.
Par ailleurs, dans le cadre d’épreuves motorisées, s’appliquera la loi sur les accidents de la circulation du 5 juillet 1985, mais à l’égard seulement du gardien de véhicule. Un organisateur de manifestations sportives ne répond donc pas des blessures causées à un spectateur par un automobiliste ou un motocycliste sur ce fondement, sauf si l’accident est causé par un préposé de l’organisateur.
Tout comportement fautif comme le choix d’un emplacement dangereux, voire interdit, pourra être opposé à la victime.
3. La responsabilité des enseignants
Sur le plan civil, la responsabilité de l’État est substituée à celle des membres de l’enseignement public à la suite ou à l’occasion d’un fait dommageable commis soit par les enfants ou jeunes gens qui leur sont confiés en raison de leurs fonctions, soit à ces enfants ou jeunes gens dans les mêmes conditions toutes les fois que, pendant la scolarité ou en dehors de la scolarité, dans un but d’éducation morale ou physique non interdit par les règlements, les enfants ou jeunes gens confiés ainsi aux membres de l’enseignement public se trouvent sous la surveillance de ces derniers(*).
Cette substitution ne s’applique pas aux intervenants extérieurs rémunérés tels que les éducateurs, animateurs, ni aux collaborateurs bénévoles.
Un défaut de surveillance doit être identifié, notamment par manquement au principe de prévoyance et de diligence, la faute de l’enseignant doit être prouvée par la victime ou son représentant.
L’action récursoire peut être exercée par l’État soit contre le membre de l’enseignement public, soit contre les tiers, conformément au droit commun. Toutefois, l’article 11 bis A du statut général des fonctionnaires précise que « les fonctionnaires et les agents non titulaires de droit public ne peuvent être condamnés sur le fondement du troisième alinéa de l’article 121-3 du Code pénal pour des faits non intentionnels commis dans l’exercice de leurs fonctions que s’il est établi qu’ils n’ont pas accompli les diligences normales compte tenu de leurs compétences, du pouvoir et des moyens dont ils disposaient ainsi que des difficultés propres aux missions que la loi leur confie ».
L’action en responsabilité exercée par la victime, ses parents ou ses ayants droit, intentée contre l’État, ainsi responsable du dommage, est portée devant le tribunal de l’ordre judiciaire du lieu où le dommage a été causé et dirigée contre le représentant de l’État dans le département.
La prescription en ce qui concerne la réparation des dommages prévus par le présent article est acquise par trois années à partir du jour où le fait dommageable a été commis.
Par exemple, il a été considéré qu’une enseignante d’éducation physique et sportive avait commis une faute personnelle en s’abstenant d’écarter le danger constitué, dans une piscine municipale, par la position anormale d’un rouleau de lignes de flotteurs en bord de bassin. La Cour de cassation a considéré qu’il appartenait à l’enseignant, au titre de son obligation de sécurité à l’égard de ses élèves, d’écarter le danger en question, et qu’en s’abstenant de toute initiative en ce sens, l’enseignant a commis une faute personnelle de nature à engager la responsabilité de l’État, sur le fondement de l’article 1384 alinéas 6 et 8 du Code civil(*).
Il peut s’agir également d’une absence de vigilance et de contrôle d’une installation sportive, de l’absence de téléphone d’urgence, de l’absence de formation aux gestes de premiers secours, de sports dangereux compte tenu de l’âge des enfants et de leur motricité, etc.(*)
Il s’agit donc d’un régime de responsabilité civile dérogatoire au droit commun, où l’État est reconnu indirectement responsable par le jeu d’une substitution légale au profit des enseignants.
La responsabilité pénale de l’enseignant peut également être engagée lorsqu’il commet une infraction définie au Code pénal.
Devant la juridiction pénale, la loi du 5 avril 1937 ne s’applique pas. Le fonctionnaire auteur d’une infraction doit répondre seul des conséquences de ses actes en supportant personnellement une condamnation pénale.
Il importe donc que les équipements sportifs détenus par l’établissement scolaire soient vérifiés régulièrement. L’établissement doit tenir à jour un registre des équipements sportifs qui comporte la périodicité des vérifications et les résultats des contrôles effectués.
Les conditions d’organisation et d’encadrement des sorties scolaires font également l’objet d’un encadrement juridique précis, et peuvent nécessiter l’autorisation du directeur d’école ou de l’inspecteur d’académie(*).
Une commune peut aussi être déclarée responsable d’un accident subi dans le cadre scolaire. Par exemple, une commune a été déclarée entièrement responsable de l’accident dont a été victime un jeune enfant en utilisant un agrès défectueux. La commune sera en effet le principal responsable en cas de dommages causés par le caractère défectueux des locaux, des aménagements, des installations scolaires. Elle a pour mission « la construction, la reconstruction, l’extension, les grosses réparations, l’équipement et le fonctionnement » des locaux scolaires(*).
Afin de préparer une éventuelle mise en jeu de leur responsabilité, les différents acteurs du monde sportif se voient contraints de souscrire des polices d’assurance couvrant les dommages qu’ils causent ou dont ils peuvent être victimes à l’occasion de l’exercice de leur pratique sportive.
4. La responsabilité des exploitants de pistes de ski
À la suite des hésitations jurisprudentielles relatives à la responsabilité des stations ou des exploitants de stations de sports d’hiver dans le cadre des accidents subis par les skieurs, à l’issue desquels il semblait pouvoir être retenu à l’encontre de ceux-ci une obligation de résultat étendue menant à une responsabilité quasi automatique de l’exploitant(*), différents arrêts sont, depuis, intervenus afin de rappeler que l’exploitant n’est tenu, dans le cadre de son obligation générale de sécurité des pistes de ski, que d’une obligation de moyens, conformément à l’article 1147 du Code civil, écartant toute obligation de résultat, en raison du rôle actif des skieurs et des risques inhérents à ce type d’activité sportive.
La jurisprudence a eu l’occasion de préciser l’obligation de sécurité incombant à l’exploitant d’un domaine skiable.
Dans un arrêt du 3 juillet 2013(*), la Cour de cassation a ainsi relevé que l’exploitant était tenu, à l’égard des skieurs, à une obligation de sécurité l’obligeant à prémunir les usagers des pistes des dangers présentant un caractère anormal ou excessif.
En l’espèce, après avoir relevé « l’existence d’un risque tout particulier lié à la présence d’une plaque de verglas dans une portion réduite de la piste, bordée à sa gauche par des arbres et des rochers, ces derniers étant plus ou moins dissimulés par la végétation », et retenant également qu’au « passage de cette plaque, la probabilité pour le skieur de tomber et de terminer sa course en dehors de la piste contre un arbre voire un rocher » était importante, la Cour de cassation a considéré que la probabilité avait été ainsi sous-estimée par l’exploitant qui avait, en conséquence, manqué à son obligation de moyen en omettant de poser des filets de protection le long de la zone boisée et parsemée de rochers.
À l’inverse, la cour d’appel de Grenoble a estimé, s’agissant d’une piste d’un niveau facile ne présentant aucune difficulté technique et dont la signalisation était jugée suffisante, qu’il appartenait au skieur accidenté d’évoluer en fonction des difficultés de la piste de ski et d’adapter sa vitesse à la configuration de celle-ci. Que dans ce contexte, la chute du skieur trouvait sa cause exclusive dans l’absence de contrôle et de maîtrise de celle-ci, la responsabilité contractuelle de l’exploitant ne pouvant, pas conséquent, être engagée(*).