Passer au crible le fonctionnement des organisations pendant le confinement, décrypter les interactions et les comportements intervenus au cours de la période de façon à aider les dirigeants à mieux préparer l’après et à tenir un discours qui fait sens lors du retour à la normale… Cette réflexion a servi de point départ à la démarche de François Dupuy qui, dès le mois d’avril 2020, a proposé à plusieurs entreprises de mener une enquête sur le travail en confinement. Le sociologue, auteur d’une série de trois livres sur le management (1), escomptait alors un retour à la normale un peu plus rapide. Sept entreprises, la plupart cotées au CAC 40, ont accepté de jouer le jeu, ainsi que deux administrations publiques. Parmi celles-ci, le conseil départemental du Nord, une collectivité déjà engagée dans une démarche d’innovation managériale et qui a souhaité s’adjoindre les services du sociologue dès qu’elle a eu connaissance de son approche.
L’étude a été menée avec l’universitaire Cécile Roaux et le consultant Sébastien Olléon, et s’est déroulée jusqu’à fin novembre dans certaines entreprises (mi-juillet au conseil départemental du Nord). Dans une démarche sociologique, et avec le souci de faire émerger et d’analyser en profondeur des phénomènes aussi complexes que le management à distance et la perception que les gens ont eue du confinement, près de 600 entretiens ont été menés avec des dirigeants, managers, employés et représentants syndicaux des neuf entreprises et administrations volontaires. Cette enquête de terrain revient sur les caractéristiques du « télétravail de crise » imposé par la crise sanitaire.
Quels sont les constats de votre enquête et mettent-ils en avant des divergences significatives entre secteurs public et privé ?
On ne peut pas comprendre le travail pendant cette période sans analyser ce qui s’est passé lors du premier confinement, que les gens ont plutôt bien vécu, comme un « temps retrouvé ». Ils ne prenaient plus les transports : ce temps gagné, les salariés et les agents publics nous ont dit en avoir restitué la moitié à l’entreprise, en travaillant, et en avoir gardé la moitié pour eux. Ils ont réorganisé leur vie de famille autour de leurs nouveaux impératifs. Ce « temps retrouvé » s’est transformé, dans le travail, en « autonomie retrouvée ». Face à cette autonomie nouvelle, des managers ont pu se sentir désorientés, voire inutiles, mais cette impression a vite disparu quand de nouvelles relations de travail se sont instaurées. Au contraire, la crise sanitaire a renforcé la proximité des équipes avec leur encadrant de premier niveau, y compris en présentiel. Le sentiment d’être dans le même bateau, les a rapprochés. Mais il est difficile de savoir si ces liens seront pérennes.
Sur ce plan général, je n’ai pas constaté de divergences entre les entreprises et le secteur public. Les phénomènes de « disparitions » ont peut-être été
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