Le gouvernement a déposé mardi 16 février – in extremis – un amendement au projet de loi organique relatif à l’élection du Président de la République afin de permettre le vote par anticipation à ce scrutin. Les sénateurs de la commission des lois se sont prononcés contre ce dispositif aujourd’hui 17 février. L’amendement sera voté en séance publique jeudi 18 février.
Le gouvernement souhaite en fait que soit prévue une journée de vote durant la semaine précédant l’élection. Ce vote anticipé serait réalisé au moyen de machines à voter dans certaines communes (dont la liste n’est pas encore connue). Les votes seraient dépouillés en même temps que les autres bureaux de la commune, afin d’éviter les risques de fraude ou d’influence sur le vote des autres électeurs.
Les électeurs pourraient ainsi demander à voter dans une autre commune, disposant d’une telle machine à voter. Selon l’amendement soumis aux sénateurs, l’électeur qui a voté par anticipation ne pourra plus voter le jour J.
La commission des lois dit non
Si la commission des lois du Sénat s’est opposée à l’intégration de cette mesure dans la loi, c’est notamment parce qu’elle estime que le gouvernement improvise : « Cet amendement relève du bricolage. On ne joue pas de cette façon avec l’élection présidentielle, clef de voûte de nos institutions et de notre pacte républicain », a déclaré le président François‑Noël Buffet (LR).
Les sénateurs de la commission ont considéré « inenvisageable de modifier aussi radicalement les règles de l’élection présidentielle par un amendement déposé à la fin de la navette parlementaire, sans que ni les forces politiques ni le Conseil d’État aient été appelés à se prononcer. » Le Conseil d’Etat est effectivement obligatoirement consulté par le gouvernement sur les projets de loi initiaux, mais ce n’est pas le cas des amendements qu’il dépose en cours d’examen parlementaire du texte.
Ils soulèvent enfin dans un communiqué de presse une objection de principe, « puisqu’un électeur ayant voté par anticipation ne pourrait plus modifier son vote, quand bien même il le souhaiterait à la lumière de nouvelles informations. Ainsi, la candidate démocrate à l’élection présidentielle américaine de 2016, Hillary Clinton, n’a été définitivement innocentée dans « l’affaire des courriels » que quelques jours avant le scrutin, alors que les électeurs avaient déjà commencé à voter par anticipation. »
Retour en grâce du vote électronique ?
Ce dispositif serait un véritable retour en grâce des machines à voter. Celles-ci font l’objet d’un moratoire depuis 2008 (les communes n’ont depuis lors plus le droit d’en acquérir). Seules 66 communes en sont encore aujourd’hui équipées.
Le ministère de l’Intérieur rappelait lui-même dans une réponse ministérielle du 31 décembre 2019 que « leur usage a soulevé depuis une dizaine d’années des interrogations croissantes tant du point de vue de la rationalisation de l’organisation du scrutin, de la sécurité et de la transparence du processus de vote, que de celui du respect de principes fondamentaux du droit électoral, non seulement en France, mais partout en Europe et dans d’autres pays démocratiques, où leur utilisation est en déclin. »
Le gouvernement a toutefois engagé une réflexion visant à réexaminer le cadre applicable aux machines à voter pour les prochains scrutins, y compris pour ce qui concerne l’homologation et l’autorisation de nouveaux modèles. Serait-ce un indice de ses conclusions ?
Références
Domaines juridiques