Ca bosse dur en ce moment chez les régions et l’Etat pour ne pas assécher les fonds structurels au profit du plan de relance. Les régions doivent remettre dans quelques semaines leur programme opérationnel qui définit la grille d’intervention, c’est-à-dire la catégorie de projets sur lesquels l’argent des fonds structurels européens peut être mobilisé, sachant que les projets soutenus par le plan de relance avec de l’argent communautaire en seront de facto exclus. En effet, selon une vieille règle européenne, dès lors qu’un projet a été financé par une source européenne, il ne peut pas être financé par une deuxième : « Donc tout ce qui va être financé au titre du plan de relance grâce à l’argent de l’UE n’est plus éligible aux fonds structurels » s’inquiète Jules Nyssen, délégué général des Régions de France. L’association demande donc au gouvernement de « partager avec les régions l’utilisation des crédits du plan de relance, pour que celles-ci puissent programmer le FEDER et le FSE de façon complémentaire ». Il s’agit en gros de brancher les bons tuyaux financiers pour éviter d’en assécher un tandis qu’un autre se retrouve engorgé.
Risque d’assèchement ou d’engorgement
Mais deux difficultés corsent ce travail de plomberie financière. D’une part, le calendrier du programme opérationnel se cogne à celui du Plan de relance puisque « en même temps », les régions ont quasiment toutes signé leur contrat, sans d’ailleurs avoir fléché précisément les financements possibles : « Cette situation peut conduire aujourd’hui dans certains nombre de cas, à geler quelques projets parce que personne ne sait exactement quel tuyau il va pouvoir utiliser. C’est un peu idiot car en vérité tout le monde sait que la demande va largement excéder les moyens disponibles », s’agace un peu le Jules Nyssen.
C’est donc à l’Etat Français de préciser rapidement ce qu’il souhaite financer par le volet européen de son plan de relance et ce qu’il ne souhaite pas financer. De cette manière les régions pourront s’adapter et flécher les crédits européens sur le reste. Quand elles ont le choix.
Financements affectés
C’est la seconde difficulté : certains projets bénéficient de financements affectés exclusifs. L’Etat souhaite par exemple négocier avec les régions des Pactes régionaux d’investissement dans les compétences (PRIC), notamment pour privilégier les formations qualifiantes pour les demandeurs d’emploi ou les salariés en reconversion. Un coût d’environ 700 millions d’euros tout de même. « Si l’Etat finance ce projet au titre de la Facilité de reprise et de résilience européenne (672,5 milliards d’euros sous forme de subventions et de prêts, ndlr), alors les régions ne peuvent plus mobiliser sur ces opérations le Fonds social européen (FSE). Or, elles ne peuvent pas l’utiliser pour autre chose », avertit le délégué général.
Parallèlement, quand l’Ademe fait un appel à projet notamment sur la rénovation énergétique des bâtiments, elle devra renoncer au Fonds européen de développement régional (FEDER), habituellement utilisé pour ce type des chantiers, si elle bénéficie de fonds du plan de relance. De même, les régions ne pourront pas mobiliser le FEDER, pour co-financer, comme elles l’ont négocié par le passé, le dispositif d’aide en fonds propres aux entreprises si celui-ci est déjà subventionné par la Facilité de reprise et de résilience européenne.
Dans tous ces cas, les tuyaux financiers se retrouvent asséchés et le plan de relance pourrait alors provoquer paradoxalement la fin de certaines politiques de soutien. Un comble pour une Union Européenne qui, jusqu’à fin 2019, était financée par Mario Draghi à la tête de la Banque centrale européenne, surnommé Super-Mario, en référence au personnage de plombier des jeux vidéo…
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Relance : quels leviers pour les collectivités ?
Sommaire du dossier
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- Plan de relance ou fonds structurels, il faudra choisir le bon tuyau
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- Plan de relance : les régions ne ménagent pas leurs efforts
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- Plan de relance : frein ou levier pour les collectivités ?
- Plan de relance : ce qui attend les collectivités locales
- Relance : territorialiser l’enveloppe annoncée, oui mais comment ?
- Le guide pour tout savoir sur le plan de relance
- Relance : la promesse qui valait presque 100 milliards d’euros
- Les travers du plan de relance
- Plan de relance : quelle déclinaison territoriale ?
- Des « sous-préfets à la relance » pour faire remonter les blocages dans les territoires
- Les collectivités jonglent avec leur plan pluriannuel d’investissement
- Les collectivités revoient leur modèle de développement économique
- Ferroviaire, bâtiment, eau… 30 milliards pour relancer quelle transition écologique ?
- Le Plan de relance efface les pauvres
- Après la crise sanitaire, l’emploi, priorité absolue des territoires
- Relance : les régions devraient augmenter leurs investissements
- Relance : les intercommunalités se lancent dans la mêlée !
- Plan de relance du spectacle vivant : encore beaucoup de points à préciser
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