En 2019, un bon tiers des admis à l’Ecole nationale d’administration (ENA) étaient des femmes. Ces dernières années, le taux de féminisation des promotions n’a que rarement dépassé les 40 %, conditionnant ainsi leur plus faible représentation aux postes de pouvoir dans la haute administration. La figure masculine du haut fonctionnaire persiste : même le nombre de femmes qui se portent candidates aux concours a tendance à plafonner en dessous des 40 %.
Si, en une vingtaine d’années, l’encadrement supérieur de la fonction publique s’est lentement féminisé (de 12 % en 2001 à 43 % début 2020), ce sont 26 employeurs publics, dont six ministères, qui ont dû verser des pénalités financières en 2018, faute de nominations équilibrées.
Dans sa thèse portant sur le « genre dans la haute fonction publique » soutenue fin 2020, la sociologue Elsa Favier s’appuie sur les trajectoires de 2 000 femmes énarques depuis sa création, en 1945, pour analyser comment et qui parmi ces femmes ont progressivement réussi à accéder, par cette formation, aux échelons les plus élevés de l’Etat. Y compris les carrières préfectorales où, en 2020, les femmes « sont encore vues comme des pionnières », en dépit du volontarisme parallèle d’autres administrations.
Son enquête croise variables sociales et de genre et fourmille d’exemples illustrant les réussites, les difficultés et la « socialisation par l’épreuve » qui se joue dès les premiers stages pour ces « énarques et femmes ».
Peut-on affirmer que les barrières à l’entrée de l’ENA se sont progressivement réduites ?
A vrai dire, l’histoire des femmes au travail prend rarement la forme d’un progrès linéaire et inéluctable. Même si elle a été ouverte aux femmes dès 1945, l’ENA n’a pas joué le rôle que l’on imagine actuellement à cet égard dans la fonction publique. Si l’on compare avec les promotions sortantes dans la décennie qui a suivi la guerre, ou les administrations centrales dans les années 60, il y avait, par exemple, plus de femmes cadres dans les ministères du Travail ou de la Santé avant le début de la Seconde Guerre mondiale. D’autres grandes écoles étaient plus mixtes bien plus tôt. Il y avait encore beaucoup de dispositions spéciales et de statuts particuliers qui restreignaient concrètement les choix de sortie et le nombre d’admises au-delà de la possibilité de concourir. Les femmes entrent au compte-gouttes et sont tolérées car elles ne prennent que peu de places aux hommes.
[70% reste à lire]
Article réservé aux abonnés
Gazette des Communes
Cet article fait partie du Dossier
Haute fonction publique : le match Ena-Inet pour piloter les territoires
Sommaire du dossier
- Pourquoi les grands élus préfèrent les hauts fonctionnaires d’Etat
- Le Sénat met l’ENA sur le gril
- Enarques : une percée dans les départements, un raz-de-marée dans les régions
- Trois postures : travailler avec des énarques…
- « L’Inet a la volonté de former des profils différents »
- « Le haut fonctionnaire reste une figure masculine » : Elsa Favier
- Les administrateurs, mieux équipés que les préfets pour diriger les collectivités
- « A l’ENA, on apprend avant tout l’autocensure »
Thèmes abordés