Dans les territoires ruraux, l’échelon départemental se prête particulièrement à l’animation d’une dynamique territoriale : d’un côté, les intercommunalités sont parfois trop petites ou trop peu dotées en ingénierie, de l’autre, la taille des Régions les rend nécessairement plus éloignées des territoires et des populations.
La transition écologique n’échappe pas à ce constat. Dans les espaces plutôt urbanisés, les démarches sont traditionnellement initiées par l’échelon intercommunal ou régional, conforté par sa compétence en stratégie territoriale (Breizh Cop en Bretagne ou Néo Terra en Nouvelle-Aquitaine par ex). Dans des espaces ruraux, où les collectivités sont souvent dépourvues de moyens suffisants pour intervenir avec l’ambition requise, le Département devient un échelon-clé et reconnu comme tel par les acteurs, du fait de sa présence et son action historique.
Le problème est que les lois de décentralisation ont progressivement dépouillé l’échelon départemental de ses attributions, avec une action largement recentrée sur les politiques sociales. Pour ce qui est de l’aménagement, des mobilités ou encore de l’agriculture – indispensables à la transition – leurs compétences sont marginales. Reste donc à trouver comment, dans les territoires ruraux, le Département peut jouer son rôle de moteur de la transition.
Là où le Département conserve des leviers directs d’action, être exemplaire
Il ne serait pas vrai d’affirmer que le Département ne dispose d’aucun levier d’action. D’abord, il peut agir sur sa propre administration à travers, par exemple, la rénovation énergétique des bâtiments départementaux, la mobilité de ses agents ou encore l’approvisionnement des cantines des collèges.
Par ailleurs, le Département peut être exemplaire sur la conduite de toutes ses politiques publiques, y compris celles qui semblent les plus éloignées de la transition écologique. Ainsi, jusque dans la conduite de sa politique sociale ou routière, il peut opérer des choix respectueux de la biodiversité, du climat et de l’économie des ressources. Ce processus de conversion implique de définir, préalablement, une méthode d’analyse et d’aide à la décision concernant les politiques existantes.
Là où le Département est désormais dépourvu de compétences, proposer un cadre méthodologique et de l’ingénierie
Même là où il est dépourvu de compétences, un Département en milieu rural peut être l’initiateur d’une dynamique territoriale : il peut mobiliser les partenaires locaux autour d’une stratégie territoriale et structurer un réseau, ou encore apporter un cadre méthodologique et de l’ingénierie aux intercommunalités.
C’est le choix qu’ont fait plusieurs Départements. Ainsi, le Département de l’Ardèche a opté pour la mobilisation et la fédération des acteurs du territoire autour d’un outil de contractualisation proposé par l’Etat, les « Contrats de Transition Ecologique ». Dans la Nièvre, le Département a pris le parti d’impulser un Projet Alimentaire Territorial. Dans le Haut-Rhin, la politique agricole départementale apporte ingénierie et conseil aux EPCI, avec la démarche « Gerplan ».
Le Département, chef de file d’une transition écologique qui soit aussi solidaire
Paradoxalement, la légitimité des Départements ruraux à mener la transition écologique sur leur territoire réside aussi dans leur chef de filât sur les politiques sociales. La solidarité est en effet une condition de réussite de la transition écologique, l’annonce d’une augmentation de la taxe carbone en 2018 et ses effets ayant achevé de le démontrer. Au vu de ses compétences, le Département est peut-être l’échelon le plus pertinent pour être le gardien du versant solidaire de la transition, à l’image de l’Ardèche avec sa démarche globale « Ardèche en transition ».
Concrètement, cela signifie que le Département peut orienter sa politique sociale vers la prévention des risques sociaux liés au changement climatique (par exemple, anticiper les reconversions inévitables de certaines exploitations agricoles ne résistant pas à un réchauffement de plus de 2°C). Cela peut également se traduire par une politique sociale qui cherche à sensibiliser aux enjeux environnementaux (notamment la réduction de la précarité énergétique ou la promotion du bien manger). C’est enfin s’assurer de la conciliation des enjeux écologiques et sociaux au sein de ses politiques publiques, condition d’acceptabilité et de faisabilité de la transition.
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