Jean-Marc Peillex, le maire (SE) de Saint-Gervais-les-Bains (Haute-Savoie), ne décolère pas contre l’Etat. En cause : la fermeture des remontées mécaniques. « Ici, on est loin des usines à ski. Même si je ne veux pas faire de chauvinisme, la situation des stations de Haute-Savoie est différente des grosses stations de Savoie », juge l’édile de la commune de 5 600 habitants.
Le souhait d’adapter les règles en fonction des territoires est lancinant depuis le premier confinement. Agnès Verdier-Molinié, directrice de la Fondation pour la recherche sur les administrations et les politiques publiques (Ifrap), think tank très libéral, se fait le porte-voix de ce discours : « Si l’on continue sur cette voie, les règles ne seront plus respectées dans certaines zones. Je ne comprends pas pourquoi on n’utilise pas les échelons territoriaux pour sortir de cette crise tout en préservant l’économie. Sinon, à quoi servent ces découpages ? »
Consensus local
Nombre de maires se posent la même question. C’est le cas de Patrick Proisy (LFI), à Faches-Thumesnil (17 800 hab., Nord). L’Insoumis avait pris, le 30 octobre, un arrêté autorisant la réouverture des commerces dits « non-essentiels ». Il sera suspendu quelques jours plus tard par le tribunal administratif de Lille. S’il trouve naturel que l’Etat coordonne l’action de lutte contre le Covid-19, il dénonce une application « bête et méchante de la règle ».
Depuis, les commerces « non essentiels » ont rouvert. Mais pas les restaurants. Une anomalie pour de nombreux édiles. Ainsi, à Périgueux (30 000 hab., Dordogne), la maire (PS), Delphine Labails, a emboîté le pas de son prédécesseur et a écrit au Premier ministre pour défendre la réouverture territorialisée des restaurants. « Il faut juger auprès du terrain », martèle l’élue. En Haute-Corse, le maire (Forza Nova) de Pruno (175 hab.), Charles Giacomi, est allé plus loin. Le 27 novembre, il a pris un arrêté autorisant la réouverture des bars, restaurants et discothèques de sa commune. Il se dit prêt à aller jusque devant la justice pour défendre sa position.
Victoire politique
Ailleurs, on trouve l’exemple du port obligatoire du masque, où le maire Philippe Laurent (UDI), à Sceaux (19 300 hab., Hauts-de-Seine), avait pris les devants avant le gouvernement. Son arrêté avait été suspendu par le juge des référés du Conseil d’Etat. Une défaite juridique qui se transformera, le 20 juillet, en victoire politique, un décret du Premier ministre rendant obligatoire le port du masque dans les lieux publics clos.
Agnès Verdier-Molinié plaide pour davantage de pragmatisme : « L’échelon communal me semble plus adapté, mais les chiffres liés au Covid-19 sont communiqués au niveau départemental. Nombre de restaurants ne supporteront pas les effets de ces confinements. Le positionnement solitaire de l’Etat n’est pas une bonne option pour des décisions qui affecteront l’avenir du pays. »
La France à la traîne
Comme en France, certains pays de l’Union européenne prévoient des allégements du confinement dans les semaines à venir si les conditions sanitaires le permettent. C’est le cas en Suède, en Grèce, en Autriche, au Luxembourg ou aux Pays-Bas. Dans les autres Etats, notamment les plus grands, la méthode privilégiée est celle des restrictions sanitaires en fonction des territoires et du niveau de contamination. Cela paraît logique dans les Etats fédéraux allemands et suisses ou communautaires, comme l’Espagne. C’est plus surprenant dans les Etats unitaires tels que le Royaume-Uni, qui a adopté une approche par zones, avec des mesures plus ou moins sévères selon le niveau de contamination, un peu à l’image de ce qui avait été mis en place au début de la première vague en France.
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