Dépréciée dans la culture française, l’idée d’échec figure d’autant moins dans l’ADN des collectivités. Cofondateur de l’agence de design d’intérêt général Vraiment Vraiment, Yoan Ollivier ne s’en étonne pas : « La notion d’échec renvoie à une responsabilité individuelle. Toute démarche pour le reconnaître est donc vécue comme visant à identifier la personne responsable, alors qu’il s’agit plutôt de retracer les facteurs collectifs. Cette crainte est plus vive encore lorsque les politiques sont très segmentées : les agents craignent que soient pointées les fautes individuelles.»
Contrairement à certaines industries, où apprendre de ses erreurs fait partie d’un processus d’amélioration continue, les administrations publiques persistent, pour un grand nombre, à dénier l’échec. Souvent par peur du risque juridique ou, pour les élus, du risque électoral.
« Le coût de reconnaissance de l’échec est élevé, car les élus n’ont pas le temps, en un mandat, d’éduquer la population à accepter que des projets puissent échouer », convient Mathias Béjean, responsable de programmes à la chaire « innovation publique » ENA-Ensci(1). Assumer les loupés serait donc perçu comme un bâton tendu à l’opposition pour se faire battre, dans tous les sens du terme.
Prise de distance
A l’heure où le mot résilience est sur toutes les lèvres, apprendre des échecs d’une politique ou d’un dispositif public revêt cependant tout son sens. « L’erreur se corrige, elle implique un processus itératif. L’échec est plus massif, il appelle le rebond ou l’acceptation pour reconstruire autre chose », nuance Mathias Béjean.
Responsable de la mission « stratégie et innovation publique » de Grenoble Alpes métropole (49 communes, 443 100 hab.), Hélène Clot abonde en ce sens : « Les collectivités n’ont souvent pas le temps de s’arrêter sur leurs échecs. Ils sont subis comme des couperets à la suite desquels on passe à autre chose. Pourtant, évaluer un échec apporte une prise de distance – le dispositif correspond-il aux objectifs ? Le public touché est-il celui qui était prévu ? Comment perçoit-il la politique ? – La démarche permet d’échanger avec des experts, de chercher les bonnes pratiques… »
Déjà, une poignée de collectivités s’est approprié cette logique, qui suppose de dépasser une pensée dichotomique (tout est soit une pleine réussite, soit un fiasco), pour s’adapter en continu.
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L'innovation en pratique
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- Ces collectivités qui apprennent de leurs erreurs
- Face à l’échec : l’évaluation, une étape clé dans la recherche de solutions
- L’erreur fait son trou dans l’innovation publique
- Droit à l’erreur : « La frontière entre la persévérance et l’obstination est souvent ténue »
- Qu’est-ce que le design de politiques publiques ?
- Comment mesurer l’impact du design des politiques publiques ?
- Cinq départements mobilisent leurs agents pour améliorer le service aux usagers
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- Faut-il créer des laboratoires d’innovation publique ?
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- Colloque Innova-ter, deuxième édition : les multiples facettes de l’innovation
- « L’innovation au sein des services doit rester sincère, spontanée et utile » – Franck Périnet
- Tiers-Lieux : un soutien indispensable des pouvoirs publics
- L’innovation en marche à la CU de Dunkerque, épisode 1
- L’innovation en marche à la CU de Dunkerque, épisode 2
- L’innovation en marche à la CU de Dunkerque, épisode 3
- L’innovation en marche à la CU de Dunkerque, épisode 4
- L’innovation en marche à la CU de Dunkerque, épisode 5
- L’innovation en marche à la CU de Dunkerque, épisode 6
- L’innovation en marche à la CU de Dunkerque, épisode 7 : de l’enquête au test grandeur nature
- L’innovation en marche à la CU de Dunkerque, épisode 8 : dernier tour du bois avant le grand saut !
- L’innovation en marche à la communauté urbaine de Dunkerque, épisode 9 : ce n’est qu’un au revoir
- Retour sur une année de « transfo » à Dunkerque
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