Eric Delavallée, docteur en science des organisations, se penche sur le développement du télétravail dans les collectivités, et pourquoi elles y sont mieux adaptées que d’autres organisations.
Le télétravail percute deux capacités organisationnelles : constituer et faire vivre des collectifs de travail dans la durée et faire face à l’incertitude. Or, on trouve parmi les collectifs de travail deux grands cas de figure, selon la relation entre performances individuelles et performance collective.
Dans le premier cas, la performance collective est égale à la somme des performances individuelles. Ainsi, la performance d’une équipe commerciale est égale à la somme des performances de chacun des vendeurs. De même, les employés des services généraux, qui assurent des tâches spécifiques, n’ont pas forcément besoin de travailler ensemble pour être performants.
Dans le second cas, la performance collective est différente de la somme des performances individuelles. Elle peut être supérieure, ou inférieure, en fonction de la manière dont les membres de l’équipe interagissent. Ces derniers peuvent être individuellement performants et collectivement défaillants. Le télétravail a, semble-t-il, plus perturbé l’activité des organisations souples et réactives que celle des organisations formalisées, structurées et processées. Ce qui me fait dire que plus l’organisation est bureaucratique, au sens non péjoratif du terme, plus le télétravail est plébiscité.
Les administrations sont plus bureaucratisées que d’autres types d’organisation. Elles offrent structurellement un terrain propice au développement du télétravail, à condition toutefois que l’équipement le permette et qu’elles fassent évoluer leur mode de management. Autre élément favorable, elles présentent un taux de prédictibilité de leur activité et mission plutôt fort.
Sauf exception, les collectivités, comme les entreprises, ne peuvent pas concevoir une organisation unique, intégrant le travail à distance, pour l’ensemble de leurs entités. Les situations varient parfois au sein même des directions. Il leur faut analyser à la fois la nature des interactions entre les protagonistes d’un même collectif de travail et la prédictibilité de l’activité. A partir de cette analyse, les organisations pourront déduire plus nettement le mix télétravail – travail sur site le plus adapté, ainsi que les conditions de succès technologiques, organisationnelles, managériales à réunir. L’analyse structurelle de chaque service permettra d’envisager des changements organisationnels qui devront s’appuyer sur une évolution du mode managérial. Mais ça, c’est un autre sujet.
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