La politique de recentralisation fiscale à laquelle se livre l’Etat depuis plusieurs années franchira l’an prochain un nouveau cap, avec la disparition finale de la taxe d’habitation (TH) en tant qu’impôt local et le rétrécissement de la base imposable des entreprises industrielles. La conséquence en est un affaissement des recettes avec pouvoir de taux des collectivités ; et par voie de conséquence, une crispation toujours croissante de la part de celles-ci sur les modalités de compensation par l’Etat de ces suppressions de recettes.
Dernier épisode en date, « l’amendement scélérat » dénoncé par les collectivités visant – accrochez-vous – à « contemporéaniser » le calcul de la compensation de la suppression de TH par la TVA, afin d’éviter de faire profiter les collectivités, en 2022, de l’effet-rebond attendu sur le produit de TVA entre 2020 et 2021 (estimé à +10%), consécutif à la crise sanitaire. On comprend en effet la frustration des collectivités qui, pour une fois, pouvaient trouver satisfaction à voir l’Etat pris à son propre piège. C’était sans compter sur la réactivité de celui-ci qui s’empressa de rectifier cet effet d’aubaine, en décalant d’un an la période de référence prise en compte pour le calcul.
Une position de l’Etat cohérente
Pour autant, force est de constater que la position de l’Etat est parfaitement cohérente. L’objectif de cette compensation n’est en effet pas de faire profiter les collectivités d’un effet d’aubaine lié à une situation particulière de crise économique, mais de procéder à la substitution d’une ressource dynamique à une autre, à volume globalement équivalent. Ce que révèle la crispation des collectivités sur ce sujet n’est donc pas une juste indignation face à un énième coup bas de l’Etat, mais l’ampleur de l’impasse structurelle dans laquelle nous conduisent les réformes engagées depuis de nombreuses années dans le sens de la réduction de l’autonomie fiscale.
Contradiction entre autonomie et compensation
Dans un autre registre, les revendications quant aux compensations des conséquences de la crise sur les recettes des collectivités peuvent sembler contradictoires avec la revendication d’autonomie fiscale et financière. Quel motif justifie que l’Etat assume à leur place les pertes de recettes consécutives aux mesures rendues nécessaires par la crise du Covid ? A notre analyse, aucunement des raisons d’équité, mais uniquement la capacité de l’Etat à voter un budget en déséquilibre et à mutualiser (en en faisant porter le poids sur les générations futures…) une politique d’emprunt dont il fait indirectement bénéficier les collectivités. Hors cet argument d’opportunité, la revendication d’autonomie financière et fiscale des collectivités nous semble parfaitement contradictoire avec l’idée d’appeler l’Etat en garantie des aléas budgétaires que celles-ci peuvent rencontrer.
Prises entre le marteau de la crise et l’enclume du rétrécissement des marges de manœuvre fiscales, on comprend certes que les collectivités fassent feu de tout bois. Mais cette cacophonie nuit à la clarté du propos, qui inviterait plutôt à s’en tenir à un discours de cohérence et d’intransigeance sur la nécessaire restauration de l’autonomie fiscale et la fin de la tutelle financière imposée par les contrats de Cahors.
Thèmes abordés