Le plan de relance est construit pour effacer les stigmates de la crise sanitaire. La croissance à aller chercher à coup de milliards, pour une partie recyclés, effacerait tout, des baisses de recettes aux hausses des dépenses en passant par le niveau de la dette. Une véritable éponge magique.
Une mobilité à l’arrêt
Mais il est aussi possible que, sur certains postes, la situation ne revienne jamais vraiment comme avant. Ou avant très longtemps. C’est par exemple le cas pour les recettes issues de la mobilité. La saturation chronique des lignes de transport en commun dans la plupart des grandes métropoles ne plaide pas pour un retour massif vers ces modes de transport en situation de pandémie.
« Le retour des usagers va prendre du temps » s’inquiète-t-on dans les couloirs de l’association des grandes villes et interco France Urbaine. Avec les représentants des autorités organisatrices de la mobilité (AOM), ils luttent auprès du gouvernement pour aligner les conditions de compensation des pertes liées à la crise de tous les AOM sur celles obtenues par la région Ile-de-France.
Ces aides agissent sur deux leviers. D’une part le gouvernement a finalement accepté de combler toutes les pertes de versement mobilité constatées par Ile-de-France Mobilités quand il n’avait prévu d’en octroyer au départ que la moitié, soit 425 millions d’euros. D’autre part, l’exécutif a accepté de prendre en compte les pertes de recettes tarifaires, mais seulement sur forme d’avances remboursables. Si le trafic ne reprend pas, quid du remboursement ? Cette menace a déjà été anticipée : « Le remboursement de l’avance se fera sur 16 ans de manière très progressive grâce à la reprise du trafic et à la reprise économique post Covid », a précisé IDFM. Et une clause de revoyure est également prévue en 2021 et 2022.
De chaque côté, on craint donc bien que le retour à meilleure fortune se fasse attendre. L’éventualité d’une demande atone plomberait d’autant les capacités d’investissement sur des réseaux déjà vieillissants et jusque-là saturés, entretenant ainsi la réticence des voyageurs à revenir et par là-même un cercle vicieux mortifère. Le plan de relance prévoit d’ailleurs 700 millions de coup de pouce à IDFM pour mener à bien la rénovation de l’offre de transport francilien. Les autres réseaux régionaux aimeraient bénéficier de la même attention dans ce PLF. En attendant, il faudra probablement s’habituer à une offre de transport dégradée, peut-être plus encore qu’avant la crise. Ce qui n’est pas peu dire.
Dépenses sociales : gare à l’effet cliquet
L’autre principale hypothèque vient cette fois des dépenses sociales supplémentaires d’ores et déjà engagées par les départements. Comme l’a parfaitement montré la Banque Postale dans sa dernière note de conjoncture, il y a une relation directe entre le taux de chômage national et la hausse de demandeurs de RSA. Avec la crise économique, l’Insee s’attend à une hausse de 1,6 point du taux de chômage par rapport à l’an dernier, soit 9,7 % de la population active. En conséquence, les dépenses sociales gérées par les départements vont suivre la même tendance.
Or, la Banque postale a également remarqué que le recul du chômage enregistré depuis 2015 n’entrainait pas pour autant une baisse proportionnelle du taux de bénéficiaires. En 2015, le taux de chômage culminait à 10,5 % de la population active pour un taux de bénéficiaires du RSA de 5,8 %. Au dernier trimestre 2009, le taux de chômage avait reflué à 8,1 %, mais pas le taux de bénéficiaires du RSA…Aussi, quel que soit l’intensité de la reprise, les dépenses sociales risquent de plomber pour longtemps les comptes des départements.
Toutes actions sociales confondues, elles représentent déjà les deux tiers des dépenses de fonctionnement des départements. En 2018, le reste à charge du RSA pesait 15 % de leur budget de fonctionnement, selon l’Assemblée des départements de France. Qu’en sera-t-il après une remontée du chômage à près de 10 % de la population active qui génèrera un effet cliquet sur les dépenses de fonctionnement ?
Statu quo impossible
La simple compensation des baisses de recettes fiscales, le gel des indicateurs financiers utilisés dans les calculs des dotations et des dispositifs de péréquation ou même les mécanismes inédits de neutralisation prévus par l’Etat pour compenser la nationalisation des impôts locaux comme la taxe d’habitation, et dès 2021 la CVAE régionale et la moitié de la CFE et TFPB des établissements industriels ne suffiront pas à retrouver à terme l’assise financière qu’avaient connues les collectivités en début d’année. Forcément, la crise actuelle va donc obliger tous les acteurs concernés à remettre en service nombre de chantiers laissés en plan comme les réformes de la DGF, de la fiscalité locale et de la péréquation. Le statu quo serait une faute.
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Coronavirus : après l'urgence sanitaire, le choc financier
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Sommaire du dossier
- Confrontées à la crise, des communes de montagne freinent leurs ambitions
- Malgré des finances plus fragilisées que prévu en 2020, les collectivités boudent certaines aides de l’Etat
- Impact financier du Covid-19 : derrière la guerre des chiffres, une crise de confiance
- Covid-19 : « retour 6 ans en arrière » pour les finances locales
- Dépenses de fonctionnement : le bloc communal fait le dos rond
- Plan de relance, baisses d’impôts, soutien aux collectivités… : Olivier Dussopt s’explique
- Le Covid-19 devrait coûter 7,25 milliards d’euros aux collectivités en 2020
- Ces territoires déjà fragiles avant la crise du Covid-19
- Les collectivités auront-elles encore des capacités d’action en 2021 ?
- Comment les territoires d’outre-mer subissent la crise sanitaire
- Baisse des recettes et des dotations : qui subit la double peine ?
- Crise financière : une clause de sauvegarde trop sélective
- La crise sanitaire n’affectera pas les recettes de la grande majorité des communes
- Quel impact attendre de la crise sur la notation des collectivités ?
- Taxe de séjour : le compte n’y est pas pour les communes
- Baisse de recettes : les grandes villes les plus touchées mais pas coulées
- Laurent Saint-Martin : « Le sujet de la compensation Etat-Collectivités est loin d’être fini pour l’année 2020 »
- Crise sanitaire : quels impacts sur les droits de mutation à titre onéreux ?
- « Il est aujourd’hui impossible pour les nouveaux élus de voter leurs taux de fiscalité »
- « Très peu de collectivités ont choisi d’être couvertes pour des pertes de recettes »
- Face à la percée du « drive alimentaire » pendant le confinement, la TASCOM doit-elle évoluer ?
- Coronavirus : la crise coûte cher aux communes d’Ile-de-France
- La santé au cœur de la relance de l’investissement local
- Récession : le plan d’urgence des territoires
- Pertes de CVAE : l’année 2022 risque d’être pire que 2021
- [DATA] Le coronavirus dégrade les finances des collectivités
- Casinos : les communes enregistrent des pertes sérieuses
- Longues négociations en vue sur les délégations de services publics
- Finances locales : les départements veulent échapper au scénario noir
- Les communes grandes gagnantes du plan d’urgence de 4,5 Mds€ du gouvernement
- Versement du FCTVA : les scénarios pour relancer les investissements
- Les finances locales touchées par le Covid-19
- Coronavirus : le plan d’urgence du gouvernement divise les collectivités
- « Il va falloir maintenant une vraie réforme de la péréquation »
- Les intercommunalités à la relance
- Les dommages collatéraux du coronavirus sur les comptes locaux
- Evaluation du coût de la crise sanitaire : les méthodes utilisées sur le terrain
- Finances locales : c’était l’éclaircie avant la tempête
- Coronavirus : les collectivités face aux pertes de recettes tarifaires
- Annulations de festivals : des pertes économiques vertigineuses pour les territoires
- Collectivités locales et délégataires : comment éviter les tensions
- Le RSA à la veille d’une catastrophe annoncée
- Crise sanitaire : comment évaluer la perte de CVAE à venir sur son territoire ?
- Coronavirus : comment faire de la péréquation un outil de survie
- Coronavirus : la gestion de la dette et de la trésorerie des collectivités
- Coronavirus : toutes les conséquences fiscales sur les collectivités
- Coronavirus : ce que prépare le gouvernement pour les collectivités
- Les premières mesures financières d’urgence pour les collectivités
- Achat de masques : comment l’Etat va alléger la note des collectivités
- Outre-mer : « Plus de 200 millions d’euros de pertes en 2020 »
- Coronavirus : comment éviter la baisse des investissements locaux
- Coronavirus : ne pas sous-estimer la résilience financière des collectivités
- Face à la crise, il faut redonner vie à l’autonomie fiscale locale
- Le deuxième projet de loi de finances rectificative est adopté
- Le versement mobilité au cœur des controverses (1/2)
- Olivier Dussopt : « La contractualisation n’est pas morte »
- Coronavirus : une solution existe pour ne pas déroger à la règle d’or
- Vers une perte de 4,9 Mds d’euros pour les collectivités selon le Sénat
- Mathieu Plane : « Le problème de la baisse de l’investissement public va rapidement se poser »
- « Cette crise impactera nos ressources sur a minima 2 ans »
- Les communes de montagne face à un choc financier inédit
- Un nouveau paquet “Fonds structurels” pour affronter la crise
- Coronavirus : le danger des impôts cycliques
- Quand le Covid-19 vient heurter de plein fouet la bonne santé financière des collectivités
- La réforme fiscale survivra-t-elle à l’épidémie de coronavirus ?
- Coronavirus : menace sur les budgets 2020-2021 des collectivités locales
- Pourquoi la crise va laisser des séquelles sur certains services publics locaux
Thèmes abordés