Qui dit changement de présidence dit souvent aussi volonté d’imprimer sa marque. Quelle sera la vôtre à la tête du Réseau français des villes éducatrices (RFVE) ?
Je me situe dans une continuité de l’action menée jusqu’ici par le Réseau, à savoir, porter les valeurs fortes que sont l’éducation et l’émancipation de l’enfant. Nous allons en particulier poursuivre le partenariat avec les fédérations d’éducation populaire, dont je suis moi-même issue, ayant été animatrice et directrice de centres sociaux pendant vingt ans. Il faut constituer un collectif fort autour de l’éducation.
Que convient-il de retenir de la crise sanitaire en cours ?
La crise sanitaire a pu révéler des situations d’inégalités sociales et scolaires, mais elle les a surtout exacerbées. On aurait, à cet égard, aimé que le ministère de l’Education nationale prenne des mesures spécifiques, comme en accordant des moyens supplémentaires en faveur des enfants les plus en difficulté, qui sont les principales victimes de cette période.
Pour le reste, les sujets sur la table sont, pour l’essentiel, les mêmes. Par exemple, le Plan mercredi dont on voit qu’il n’est pas efficace ; où en sont les collectivités revenues aux ‘‘quatre jours’’ et qui devaient réécrire leurs projets éducatifs locaux ? Quid des conséquences financières pour les collectivités de l’abaissement de l’âge d’obligation scolaire à trois ans ? Ou encore de notre demande de retour aux contrats aidés ? Autant de points dont on a l’impression qu’ils ont été mis entre parenthèses.
Alors qu’une deuxième vague épidémique s’annonce, les collectivités sont susceptibles d’être de nouveau sollicitées pour accompagner la mise en place d’une continuité pédagogique et élargir le périscolaire…
Peu de communes ont voulu aller vers le dispositif 2S2C (Sport, santé, civisme, culture), auquel nous ne sommes pas favorables non plus. L’éducation est et doit rester une mission nationale, en partenariat avec les collectivités locales sur des temps partagés. On parle là de co-éducation, et non de prendre la place. On aimerait d’ailleurs que le ministère travaille plus avec nous, ce qu’il fait très peu. Nous en avons encore dressé le constat mardi 22 septembre, lors de notre assemblée générale, avec les fédérations d’éducation populaire et les syndicats d’enseignants. Et c’est malheureusement comme ça depuis trois ans. Heureusement que cela fonctionne mieux localement sur ce qui relève de l’opérationnel, comme on l’a vécu à Brest, en ayant de bonnes relations avec les services de l’Académie ainsi qu’avec les directeurs d’école et les enseignants. Mais ils souffrent eux-mêmes d’un manque d’autonomie.
Craignez-vous que la crise sanitaire laisse des traces difficilement surmontables chez les jeunes ?
Il va falloir se préoccuper de ces générations qui, avant la période que nous vivons actuellement, ont été formées à se réfugier sous des tables en cas d’attaque terroriste et qui affrontent donc maintenant la crise Covid. Des collégiens vont peut-être vivre toute cette année scolaire avec un masque, sans voir le visage de leur enseignant et de leurs copains. Ce n’est pas rien psychologiquement. Quelles valeurs veut-on transmettre à ces jeunes qui connaissent un changement de l’école et de la société aussi violent ? Que ce soit au premier ou au second degré, l’éducation doit valoriser le collectif et être émancipatrice, pour que les jeunes n’aient pas peur de l’avenir.
Le RFVE organise mi-novembre à Blois (Loir-et-Cher) ses Rencontres nationales. Quelles en seront les grandes lignes ?
Le thème en sera « Qu’est-ce qu’une ville éducatrice ? » et la première journée sera consacrée à la formation des élus – sachant que beaucoup sont de nouveaux élus -, sur comment l’on monte une politique éducative sur une ville. Nous aborderons ensuite les conséquences de la crise sanitaire, comment on peut en tant que collectivité répondre aux inégalités, soutenir et aider les familles les plus en difficulté. Au-delà de ce rendez-vous national, nous aimerions organiser des rencontres régionales pour permettre aux petites collectivités de plus s’exprimer. Nous souhaiterions en particulier travailler sur la ruralité. Une dizaine de villes, de différentes tailles, nous ont rejoints (1). Nous ne cherchons pas à faire du chiffre, mais à réunir des villes partageant les mêmes valeurs en matière éducative. A savoir, avoir une école qui s’ouvre à son territoire, dans laquelle l’enfant se retrouve, pour qu’il puisse devenir citoyen.
Notes
Note 01 Argentan (Orne), Barentin (Seine-Maritime), Biganos (Gironde), Saint-Brice-Courcelles (Marne), Nancy (Meurthe-et-Moselle), Tours (Indre-et-Loire), Marseille (Bouches-du-Rhône), Quimper (Finistère), Colombes (Hauts-de-Seine), Saint-Brieuc (Côtes d’Armor) Retour au texte