Les personnes publiques peuvent, pour un motif d’intérêt général, résilier unilatéralement un contrat administratif, sous réserve des droits à indemnité de leur cocontractant. Dans une décision du 10 juillet 2020, le Conseil d’Etat a dû trancher la question de savoir si l’irrégularité d’un contrat justifie sa résiliation unilatérale, et si oui, si ce motif de résiliation doit être rangé parmi les motifs d’intérêt général. Jusqu’ici, le Conseil d’Etat n’avait jugé qu’à deux reprises que l’irrégularité du contrat pouvait constituer un motif d’intérêt général justifiant l’exercice de ce pouvoir de résiliation unilatérale : pour des irrégularités de rédaction (1) et dans le cas d’une délégation de service public dépassant la durée prévue par la loi (2). Mais il s’agissait de cas bien particuliers, ne tranchant pas la question de manière définitive.
Mention manquante
Dans l’affaire que le Conseil d’Etat a cette fois-ci eu à connaître, la communauté d’agglomération (CA) Reims métropole avait conclu avec la société Comptoir négoce équipements un marché à bons de commande ayant pour objet la fourniture de points lumineux à compter du 1er janvier 2015. L’exécution des prestations a débuté le 1er janvier 2015. Un mois plus tard, la CA informait la société de la résiliation du marché à compter du 1er avril 2015 en raison de l’irrégularité entachant la procédure de passation du marché (la rédaction des documents de la consultation favorisait la candidature de la société attributaire par la référence à une marque, sans la mention « ou équivalent »). La société a bien entendu saisi la justice administrative, demandant la reprise des relations contractuelles et l’indemnisation du préjudice subi du fait de la résiliation du marché.
Pour la CAA, il y avait effectivement une irrégularité affectant la procédure. Mais le Conseil d’Etat précise dans son arrêt que cela ne suffit pas à justifier une résiliation pour motif d’intérêt général.
Loyauté contractuelle
Il fixe en fait pour condition que « l’irrégularité doit être d’une gravité telle que, s’il avait été saisi, le juge du contrat aurait pu prononcer l’annulation ou la résiliation du marché en litige ». Sont notamment visés par le Conseil d’Etat les vices d’ordre public. De plus, il exige que l’irrégularité soit invocable au regard de l’exigence de loyauté contractuelle, en application de la jurisprudence dite « Béziers 1 » (3).
En l’espèce, le Conseil d’Etat ne se prononce pas sur la gravité de l’irrégularité et renvoie l’affaire devant la CAA. Les juges indiquent également dans cette décision qu’après une telle résiliation unilatéralement décidée, le cocontractant peut prétendre, pour la période postérieure à la date d’effet de la résiliation, au remboursement de ses dépenses utiles à la collectivité. De même, si l’irrégularité du contrat résulte d’une faute de l’administration, le cocontractant peut prétendre à la réparation du dommage imputable à la faute de l’administration.
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