Caroline Porot (1), région Grand Est ;
Cornelia Baccega-Findeisen, Havre Seine métropole ;
Alain Delfosse, département du Nord ;
Lina Bennis, ville de Nancy
Crise financière de 2008, « gilets jaunes », Covid-19… A chaque fois, l’Etat est soumis à des injonctions contradictoires : moins d’Etat avec le refus de taxes supplémentaires ou plus d’Etat pour sauver notre économie au bord du gouffre. Entre Etat stratège et Etat protecteur, le cœur de nos concitoyens balance.
Les immenses défis qui se posent à l’action publique – inclusion, changement climatique et transformation numérique pour ne citer qu’eux – requièrent un changement de méthode. Il nous faut produire du sens et des services efficients pour créer de la valeur et de l’adhésion. Et donc innover, inventer de nouvelles voies, pour plus d’impact, plus rapidement, avec la dépense la plus juste possible. Cette innovation s’inspire d’une culture numérique qui dépasse l’enjeu de la seule dématérialisation. Ce n’est plus une culture de pionniers mais une culture quotidienne, comme le rappelle le sociologue Dominique Cardon. C’est une rupture dans la manière dont nos sociétés produisent, partagent et utilisent les connaissances, qui peut être comparée à l’invention de l’imprimerie au XVe siècle.
Nouvelles compétences
A cette nouvelle culture correspond une autre forme d’organisation, agile, axée sur l’apprentissage, orientée vers les usagers, fondée sur les données et l’expérimentation. Un idéal encore bien éloigné de nos collectivités, mais un objectif vers lequel nous devons tendre. Comment y parvenir ? En intégrant, bien sûr, de nouvelles compétences (design, relations usagers, data…). Ce qui est nécessaire mais insuffisant, car il existe de puissants freins à l’innovation, notamment l’inertie organisationnelle et la peur du changement.
Pour faire différemment, il faut investir du temps et de l’énergie afin de créer les indispensables leviers comportementaux. Ce qui nécessite un portage fort des responsables publics. Leur adhésion doit aller au-delà de la propagande de l’innovation, pour bousculer (hacker) la culture en place, donner de l’autonomie, encourager la culture du risque et même récompenser l’échec. Car sans échec, pas d’innovation possible.
Problème : les instances dirigeantes sont souvent les moins aptes à innover. Un constat que livrait Guillaume Pépy, ancien président de la SNCF : « Nous sommes nous-mêmes, la direction générale, des obstacles et des ralentisseurs au changement, et ce même si nous nous voyons comme des transformateurs extraordinaires. » Au-delà des managers publics, les élus locaux portent une responsabilité forte dans cette conduite du changement car ils ont une influence décisive sur la culture organisationnelle. Il leur revient d’éclairer le contexte de leur action pour que chacun puisse se situer, individuellement et collectivement, dans un projet de territoire. L’innovation sera, nous en sommes convaincus, la clé du succès des futurs mandats. Il faut que les élus s’en saisissent.
Cela passe par l’activation de deux grands leviers. Tout d’abord, la montée en compétence, en commençant par celle des décideurs eux-mêmes, sur les sujets de l’agilité (« design thinking », coconstruction, centrage usagers…), les enjeux du numérique et des données et l’innovation organisationnelle et managériale. Ensuite, par le biais de la mobilisation et le confortement des structures, moyens et démarches d’innovation et d’expérimentation au sein des collectivités et sur leurs territoires.
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Notes
Note 01 Caroline Porot, conseillère numérique à la région Grand Est, anime le collectif Innovation territoriale qui regroupe les responsables de l’innovation des collectivités, toutes strates confondues (communes, EPCI, départements, régions). Ce réseau informel facilite les échanges d’expertise et d’expérience et constitue un centre de ressources autour des initiatives innovantes et des compétences (transformation numérique, innovation managériale, relations usagers, participation citoyenne…). Contact : caroline.porot@grandest.fr Retour au texte